NETTALI.COM -Le nouveau ministre de l’Education nationale, le par ailleurs très affable Mamadou Talla, se serait sans doute bien passé de ce faux pas qui marque son entrée dans ce département ministériel.

Lequel est l’équivalent de ce que son lointain alter ego en France, M. Claude Allègre, avait qualifié de « mammouth » du fait de ses gros bataillons d’enseignants. En tranchant précipitamment, c’est-à-dire sans avoir pris suffisamment de temps de réflexion, et en cédant sous l’émotion ainsi que la pression médiatique exercée par un groupuscule d’activistes musulmans, M. Mamadou Talla est assurément passé à côté de la plaque. Dans la polémique — et l’émotion ! — suscitées par l’institution sainte Jeanne d’Arc de Dakar (une vraie institution, assurément, dans notre système éducatif puisque totalisant 200 ans de présence dans ce secteur avec d’excellents résultats et des générations entières de Sénégalais formés), le successeur de M. Serigne Mbaye Thiam, par une sortie maladroite et impertinente, a à l’évidence, versé de l’huile sainte sur le feu et risque de rallumer une guerre entre le Croissant et la Croix ! Et non pas, heureusement, entre le sabre et le goupillon… L’affaire est pourtant simple : un établissement scolaire catholique qui décide, pour harmoniser les comportements au niveau de ses élèves, d’interdire un signe religieux ostentatoire lui-même emblématique d’attitudes pour le moins communautaristes, à tout le moins de repli. Ce conformément au règlement intérieur de l’établissement qui, rappelons-le, est confessionnel. Il se trouve que des parents d’élèves prosélytes ont sauté sur cette note de service informant d’une décision tout ce qu’il y a d’ordinaire pour crier à la discrimination et à l’atteinte de la foi de leurs enfants ! Rien de moins…

Naturellement, devant cette entreprise de désinformation, des secteurs de l’opinion se sont émus et ont presque sommé les autorités, en particulier le ministre de l’Education nationale, d’intervenir en remontant les bretelles aux responsables de l’école concernée. Des responsables au premier rang desquels une directrice musulmane, mais ce détail, nos preux chevaliers de la foi ont oublié de le mentionner ! Mis en demeure de se prononcer, le ministre de l’Education nationale l’a donc fait en sortant les grands mots et en menaçant en filigrane l’institution sainte Jeanne d’Arc de subir les foudres de la loi. Selon le brave ministre, « aucun établissement public ou privé ne peut déroger au principe de la laïcité de l’éducation au Sénégal ». Sans doute, sauf qu’il existe bel et bien dans ce pays des écoles privées confessionnelles musulmanes et catholiques — et même une « petite école protestante » — qui ont leurs spécificités, notamment cultuelles, que la loi protège. Au nom de quoi, des établissements musulmans comme Al Ahzar, l’école Sayda Mariama Niasse et les innombrables autres écoles « arabes » imposent à leurs élèves des accoutrements religieux que la République laïque n’oserait pas leur demander de ne plus porter. Le gamin catholique qui s’aviserait d’aller dans ces établissements avec sa petite croix — ou sa culotte courte —, ou il la laisse à l’école ou il reçoit un coup de pied dans le cul ! A ces écoles, pourtant, qui foulent au pied les principes de la laïcité — du moins, au sens où le ministre l’entend —, on n’a jamais entendu un ministre de l’Education faire un rappel à l’ordre. Alors, pourquoi donc des écoles catholiques, et qui l’affichent sur leur fronton, n’auraient-elles pas le droit d’exiger des élèves qui les fréquentent des comportements en adéquation avec les valeurs du Christ ?

Avec la vie en société tout court, d’ailleurs. Surtout que, aux élèves musulmans qui fréquentent ces excellentes écoles catholiques, il n’est même pas demandé de faire la catéchèse ! Ce n’est pas comme dans certaines de nos écoles publiques où les cours d’arabe — synonymes d’enseignement religieux dans la tête des oustaz — sont obligatoires pour tous, catholiques comme musulmans, voire animistes. En réalité les choses ne sont pas compliquées et le système éducatif national est à ce point organisé que les parents ont la liberté de choix pour scolariser leur progéniture selon leurs moyens ou leurs convictions. Il y a l’école publique, laïque et en principe obligatoire même si, dans certaines parties du territoire national, ces écoles n’ont plus droit de cité du fait des féodalités locales. A côté de ce secteur public, il existe un enseignement privé lui-même subdivisé en privé laïc et en privé confessionnel. Les parents d’élèves musulmans qui ne voudraient pas que leurs enfants subissent le « diktat » des écoles catholiques ont donc le loisir de les retirer pour les placer soit dans le public, soit dans le privé laïc ou encore dans le privé musulman ! On ne peut donc pas raisonnablement faire fi et dédaigner ces différents ordres d’enseignement, emmener ses rejetons à l’école « des sœurs » ou des « mon père » et exiger ensuite qu’on leur y crée des conditions pour exercer leur foi ! Que l’on sache, les écoles privées catholiques ne sont pas des « médersas », or c’est ce que nos parents musulmans activistes de l’institution sainte Jeanne d’Arc voudraient qu’elles soient… Ils se trompent d’écoles, assurément. On peut se demander, en passant, ce qui pousse autant de parents d’élèves musulmans à se bousculer dans le privé catholique pour y placer leurs enfants plutôt que de les emmener dans le privé musulman. La qualité de l’enseignement mais aussi la discipline stricte dans le privé catholique, pardi… Une discipline qui passe par le respect rigoureux des règlements intérieurs de ces établissements. S’il y a des gamins qui ne peuvent pas se plier à ces règlements intérieurs, libre à eux d’aller voir ailleurs où les comportements prosélytes sont permis, voire encouragés ! Et où les filles pourraient même porter la burqa si tel est le souhait de leurs parents.

Laïcité, mais quelle laïcité ?

  1. Mamadou Talla a parlé dans son communiqué du principe de la laïcité dans notre pays. La laïcité, parlons-en, justement. Peut-on soutenir en regardant nos compatriotes dans le blanc des yeux que le Sénégal est encore un pays laïc ? Ce principe de laïcité consacre en effet la séparation de l’Eglise — donc de la religion au sens général — et de l’Etat. Il dispose notamment que (article 1er de la loi française du 03 juillet 1905) que « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes. » Article 2 : « La République ne reconnaît, ne garantit ni ne subventionne aucun culte ». Dans un pays où depuis l’avènement du président Macky Sall, l’Etat est devenu le premier constructeur de mosquées — mais aussi d’églises puisque le président vient de débloquer 1,5 milliard pour réfectionner des paroisses ! — et où l’argent public est utilisé outrageusement pour moderniser des cités dites religieuses, où des « daaras » privés sont allègrement subventionnés, cette notion de laïcité a-t-elle encore un sens ? Peut-on parler de laïcité, encore, depuis que le populiste Iba Der Thiam a introduit des mosquées dans nos universités et que des étudiants islamistes ont chassé les « couloirdeuses » de nos cités universitaires ? Pour dire que c’est à tort que le ministre de l’Education nationale, Mamadou Talla, excipe du principe de la laïcité pour demander à l’institution sainte Jeanne d’Arc de renoncer à sa décision concernant le port du foulard. Parce que tout simplement la laïcité ne veut plus rien dire dans ce pays !

Alors, autant laisser les écoles confessionnelles administrer leurs écoles dans le respect de leurs principes moraux. Autrement dit, on aurait tort de reprocher aux catholiques de cultiver leur spécificité et d’appliquer les valeurs de Christ dans leurs écoles. Surtout que, pendant ce temps, les écoles privées islamiques font à peu près tout ce qu’elles veulent. C’est-à-dire souvent n’importe quoi. Pour en revenir aux établissements catholiques, si d’aventure des élèves musulmans les fréquentent, leurs parents devraient avoir la décence de ne pas prétendre dicter aux responsables de l’enseignement privé catholique comment organiser les enseignements dans leurs écoles. Et, surtout, comment y faire régner la discipline. Tout cela n’a rien à voir avec la laïcité qu’à tort le nouveau ministre de l’Education nationale — devrait-on dire de l’Education islamique ? — convoque dans ce débat. Il s’agit tout simplement de laisser les communautés éducatives être, comme les charbonniers, maîtresses chez elles. Le tout dans le respect du caractère républicain et social de l’Etat, la laïcité n’étant plus de mise on l’a vu. Est-ce trop demander ?

 

Source : Le Témoin