NETTALI.COM - Dans ces mêmes colonnes, nettali.com révélait, le 4 avril passé  : «Nouveau gouvernement : Macky tenté par la suppression du poste de Premier ministre». Nous n’allons pas désigner un lieu commun en soulignant que le temps nous a donné raison. Par contre, il est nécessaire d’analyser le nouveau schéma qui renvoie à une sorte d’ultra-présidentialisme, de la nature de ceux connus sous Senghor et sous Abdou Diouf.

Pour justifier cette suppression de la Primature, la raison avancée a trait à un souci d'accélérer le rythme des réalisations du Plan Sénégal émergent. Cependant, il est légitime de se demander si, derrière le fait, il n'y a pas une volonté d’étouffer la question du dauphinat.

Alea jacta est ! Mohammed Boun Abdallah Dionne est reconduit Premier ministre pour préparer la suppression du poste. L’ex-Pm, dans la nouvelle architecture de l’exécutif, est secrétaire général de la Présidence de la République. Rien de nouveau sous le soleil ! Au début des années 80, Moustapha Niasse, après le départ de Habib Thiam, devint chef du gouvernement le temps d’expédier les affaires courantes. Dans la foulée, Jean Collin, décrit comme la tête pensente du régime socialiste, était tout-puissant et unique ministre d’Etat jusqu’à ce qu’il quittât l’attelage en 1990.

La nouvelle donne postule une double implication :

Premièrement, le président Sall, en faisant éliminer, par l’Assemblée nationale, la Primature, diffère le choc des ambitions entre ses lieutenants, relativement au malaise que crée la question du dauphinat. Car, même si jusque-là les pouvoirs du Pm étaient limités, celui-ci était souvent perçu comme le numéro 2, de fait, du régime. Conséquemment, un politique pur et dur chef du gouvernement, en direction de la présidentielle de 2024, pourrait se retrouver au centre d’une guerre féroce, reliée à l’équation de la succession ainsi ouverte. Pour mémoire, quand Mme Aminata Touré dirigeait l’attelage, elle était la cible d’attaques acerbes venues de ses camarades de parti, alors qu’il y avait une bataille de légimité à l’interne autour du N°2 de l’Alliance pour la République.

A cet égard, nous devons à la vérité, de rappeler que le président Sall doit sa réélection à un vaste mouvement de soutien qui transcende le cadre de l’Alliance pour la République et la coalition Benno Bokko Yakaar sous sa configuration originelle. Gérer une organisation aussi complexe, demande un sens de la proximité qui se passe de tout « échelon intermédiaire », pour opérer des arbitrages.

Aussi, en concentrant l’essentiel des pouvoirs entre ses mains,  le président de la République a-t-il la haute main sur tous les dossiers de l’Etat.  Ce n’est pas pour rien que Abdallah Dionne, commentant la décision présidentielle prise ce samedi, a mis l’accent sur la nécessité de faire sauter tous les « goulots d’étranglement » qui préjudicient à l’action du gouvernement.

Toute la question est maintenant de savoir comment, en l’absence d’un numéro 2, la mouvance présidentielle pourrait polir l’image du successeur potentiel de Macky Sall, en la rendant adoptable par les Sénégalais, le moment venu.

En définitive, il est bel et bien pertinent de chercher à savoir si une velléité d’étouffer la question du dauphinat n’est pas reliée à une volonté de différer le débat naissant sur le 3e mandat.