Dans un même foyer cohabitent des membres qui ne partagent pas forcément les mêmes opinions, mais qui se retrouvent unis après la confrontation électorale. C’est ce même esprit de dépassement qui est attendu de la part des perdants de la présidentielle.

Dans la Rome antique, la conquête du pouvoir se faisait à l’issue de guerres fratricides, marquées par une violence inouïe et un désir sadique  d’humilier les vaincus. C’est ainsi qu’on assistait à des scènes de pillages, de viols, de massacre  d’adversaires, dans une expression de cruauté d’autant plus horribles qu’elles se traduisaient par des pendaisons, si ce n’était des  têtes coupées et exposées comme des trophées sur la place publique, pour intimider les survivants, dont le sort les prédestinait le plus souvent et inéluctablement (réduits) à la servitude barbare.

Évidemment, cette manière cruelle de conquérir le pouvoir et d’imposer sa volonté aux vaincus, a toujours été une source de conflits permanents entre belligérants , dans la mesure où les vaincus d’aujourd’hui se préparaient toujours à prendre leur revanche sur les vainqueurs d’hier. Ce cycle  infernal d’alternance de victoires et de défaites dans la cruauté et la brutalité sciemment cultivées, nous renseigne à suffisance sur le niveau que pouvait  atteindre le désir d’une victoire et la hantise d’une défaite à l’issue de chaque confrontation.

Aujourd’hui, les sociétés ont évolué au point que la conquête du pouvoir ne se fait plus, sauf à quelques rares exceptions, à travers la guerre, mais par le biais d’un système qui, quoique imparfait, demeure pour l’instant le seul moyen d’expression de la volonté des peuples, à savoir la démocratie. Ce concept se définit comme étant le moyen d’expression de la volonté du peuple dans le choix de ses dirigeants et de son système de gouvernance. C’est ce système là qui est à même de désigner ceux qui sont appelés à  conduire les affaires de la cité, de par la légitimité que leur confère la majorité des citoyens.

C’est ce même système qui s’applique au Sénégal depuis plus de deux siècles (juin 1789 avec la participation au vote de l’Assemblée constituante) pour designer le temps d’une période appelée mandat, les représentants du peuple aux instances du législatif comme de l’exécutif. C’est grâce à ce même système que Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et aujourd’hui Macky Sall ont été élus et réélus à la tête de notre pays, que nos représentants à l’Assemblée nationale ont été toujours choisis .

Il apparaît donc clairement, qu’a la différence de la Rome antique, les vainqueurs ici ne cherchent nullement à s’acharner sur leurs adversaires, pour les écraser, les humilier ou pour les exposer comme des trophées de guerre. Bien au contraire! Les vrais leaders  les convient au dialogue et à la concertation, pour leur rappeler qu’une fois terminée la confrontation électorale, le Sénégal doit avoir d’autres enjeux que la poursuite stérile et insensée de querelles byzantines qui obèrent tout le dynamisme et la détermination qui s’imposent, face à des défis majeurs et multiformes à relever.

Le mot dialogue était tellement récurant dans le discours de Senghor qu’on avait fini par l’associer à son nom. N’est-ce  pas lui qui a vulgarisé le concept de dialogue des cultures et des peuples ? C’est à lui également que nous devons l’expression «commun vouloir de vie commune», dont s’inspirait son ancien ministre de l’Information Lamine Diakhaté pour rédiger son éditorial pertinent qu’il nous servait fort à propos tous les Mardis, après la lecture du communiqué du conseil des ministres.

Au cours de ses mandats, le Président Abdou Diouf a invité à plusieurs reprises ses adversaires politiques, les Abdoulaye Wade, Dansokho, Bathily et autres forces de gauche notamment, non pas dans le sens d’un «partage de gâteau», mais pour marquer sa conviction que la multiplicité et la diversité n’avaient de sens que dans la poursuite d’un objectif commun fondé sur l’intérêt général de la nation.

C’est dans cette même veine qu’il faut  comprendre  l’appel au dialogue lancé par le Président Macky Sall, au lendemain de la proclamation officielle des résultats, consacrant sa large victoire à la dernière élection présidentielle. Il n’existe quasiment pas dans le monde, un pays où, après des élections, des perdants n’évoquent pas des «irrégularités» «fraudes »et ou «absence de transparence» pour expliquer leur défaite. Même cette grande démocratie souvent citée en référence que sont les États-Unis d’Amérique, n’échappe pas à cette règle.

Au-delà du fait que le mode de scrutin y a permis à un gagnant d’obtenir un nombre d’électeurs inférieur à celui du perdant, tout le monde a suivi la polémique née d’une implication supposée des services secrets russes dans l’élection de Donald Trump. Dans d’autres pays, c’est la forme de rejet des résultats par les perdants qui varie, mais le principe de la contestation demeure invariable. D’où l’importance du rôle des institutions en charge d’arbitrer le scrutin.

Une fois que celles-ci  auront fini de rendre officiels les résultats, l’élégance républicaine devrait nous amener à nous débarrasser de cette posture de contestataire permanent et nous inscrire dans la logique d’une  participation positive à la marche du pays, en attendant les prochaines échéances électorales.

C’est cette forte conviction qui fonde la démarche exaltante du Président de la République au lendemain de sa victoire. Il a en effet compris qu’au-delà de la confrontation des idées, des divergences de visions politiques, le Sénégal a la particularité d’être un tissu inextricable de relations de toutes natures entre les citoyens qui le composent.

Dans un même foyer, dans une même famille, cohabitent des membres qui ne partagent pas forcément les mêmes opinions au plan politique, mais qui se retrouvent unis et soudés après la confrontation électorale, lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts supérieurs de la communauté. CAR l’élection présidentielle et l’opposition en général. Une attitude citoyenne d’autant plus acceptable que c’est le vainqueur lui-même qui tend la main à ses adversaires politiques d’hier.

Il a compris qu’une fois l’élection terminée, la vraie victoire n’est  pas celle d’une partie des Sénégalais sur d’autres, mais bien celle de l’ensemble de nos compatriotes d’ici comme de la diaspora, qui ont désormais l’obligation et le devoir de se retrouver unis et solidaires, pour faire face aux défis pressants que les vainqueurs seuls ne sauraient relever. C’est à ce niveau que sont attendus de la part de chaque citoyen les contributions positives, constructives afin que chacun puisse donner son opinion et participer au rayonnement de la nation. Le Président Macky Sall est, à n’en pas douter, dans cette disposition d’esprit.

Au demeurant,  son intervention post-électorale atteste que loin d’une logique triomphaliste, il se présente plutôt  comme le rassembleur de ses concitoyens. Il ne saurait en être autrement parce que de nature, il a toujours  fait montre d’une très grande humilité, d’une simplicité qui l’amène bien souvent à se plier au respect de nos valeurs traditionnelles et coutumières, quitte même à s’écarter de la rigueur des règles protocolaires que lui impose sa charge de chef de l’Etat. C’est là que réside sans doute  le secret de l’énorme sympathie que lui portent les personnes âgées, au point de le considérer bien souvent, non pas seulement comme leur leader, mais de manière affective  comme leur propre enfant.

A l’égard des jeunes et des moins jeunes, chaque occasion de rencontre  témoigne qu’il se considère comme un membre à part entière de cette génération. A l’évidence, c’est cette posture de leader respectueux de tous ses compatriotes, toutes générations confondues, qui fait qu’il s’impose le devoir de faire appel à tout monde pour continuer à bâtir un Sénégal Émergent dans la paix et la concorde nationale.

Cette position de fédérateur doit donc, est il besoin de le rappeler, être une heureuse opportunité pour tous les membres de sa coalition, ses alliés de la mouvance présidentielle à adopter des comportements qui cadrent avec cet appel au dialogue. Ne point verser dans le triomphalisme, encore moins se laisser aller dans des moqueries, railleries ou toute autre attitude belliqueuse, de nature à prolonger cette saine adversité qui nous avait divisés le temps d’une campagne électorale.

Les chantiers du futur sont nombreux et variés et les enjeux sont plus que  énormes. Chacun de nous pourra y trouver les moyens de prendre part à l’exécution de cette gestion participative, au seul bénéfice du peuple sénégalais. Dès lors, acceptons sans arrière pensée ce rameau d’olivier qui, à coup sûr est porteur des germes d’une réconciliation nationale, afin que chaque Sénégalais, d’ici et d’ailleurs participe à quelque niveau où il  se trouve, à la mise en œuvre des stratégies devant conduire au  développement de notre pays, afin que chaque Sénégalais «sente, en posant sa pierre, qu’il contribue à bâtir » un Sénégal Émergent.

Par Abdou Aziz TALL