NETTALI.COM – Le scrutin de la présidentielle du 24 février 2019 offre quelques grilles de lectures pour le moins intéressantes à la lecture des chiffres publiés par la Commission nationale de recensement des votes. Du vote identitaire aux performances d’Ousmane Sonko en passant par  la résurrection politique d’Idrissa Seck ou encore le poids de plus en plus important du monde rural, ce premier tour est la preuve que beaucoup de lignes ont bougé au Sénégal.

Que retenir du scrutin du 24 février 2019 ? A la lecture des résultats publiés par la commission nationale de recensement des votes, de grandes tendances se dégagent. Le constat est que cette élection a fini de diviser le Sénégal en trois parties.

Il y a d’abord le Sud du pays, Ziguinchor en particulier, qui a voté pour Ousmane Sonko. Vient ensuite l’axe Dakar-Thiès-Diourbel qui a choisi Idrissa Seck (même si Macky Sall est arrivé premier dans la capitale, il n’y a pas la majorité).

Viennent enfin Fatick, Kaolack, Tamba et surtout le Fouta qui ont porté leur choix sur le candidat sortant. La preuve qu’il y a bel et bien un vote régionaliste de plus en plus assumé au Sénégal. A cela, il faut ajouter le vote identitaire ou communautaire que d’aucuns préfèrent qualifier de vote affectif.  Si le Fouta a largement voté pour Macky Sall, les mourides vivant à Touba, eux, ont choisi le candidat de la coalition «Idy 2019» qui assume publiquement son appartenance à cette communauté. Alors que le Sud a voté pour «son fils» Sonko. Même si les tenants du pouvoir aiment rappeler que sur les neuf départements que compte la Casamance, le leader de Pastef n’en a gagné que deux. Sauf que ces départements n’ont pas tous le même poids électoral.

Alors, de nombreux Sénégalais s’interrogent. Comment le candidat sortant peut-il perdre Diourbel et Thiès et être mis en minorité à Dakar et passer au premier tour ?

C’est que la carte électorale du Sénégal a fondamentalement changé avec la dernière refonte du fichier électoral. Ainsi, l’axe Dakar-Thiès-Diourbel qui polarisait plus de 50% des électeurs, n’en compte aujourd’hui que quelques 48%. Au même moment, l’électorat a fortement augmenté dans le monde rural. Dans certaines localités rurales, il est parfois multiplié par dix entre 2017 et… 2019. C’est d’ailleurs la seule raison qui peut expliquer une élection de Macky Sall au premier tour. Puisqu’avec le Pudc et le programme Puma, bien de localités rurales ont pu changer de visage. Ce que les populations ont bien rendu à Macky Sall en votant massivement pour lui, notamment dans les zones frontalières.

En outre, les résultats du scrutin du 24 février 2019 montrent aussi une résurrection d’Idrissa Seck dont beaucoup avaient annoncé la mort politique au lendemain de l’élection de Macky Sall en 2012. De 212.853 voix en 2012, Idrissa Seck a pu récolter en 2019 898.674 votes, soit 20,50%. Mieux, il conforte sa base politique de Thiès et prend la place de Wade dans les cœurs des populations de Touba. Il est certes vrai que l’ancien maire de Thiès a bénéficié du soutien d’une grande coalition, mais c’est surtout son allégeance à la confrérie mouride qui lui a permis de faire ce bond important.

Autre performance, celle d’Ousmane Sonko. Entré en politique en 2015, personne ne donnait cher la peau de l’ancien inspecteur des Impôts. La preuve : aux législatives de juillet 2017, le leader de Pastef n’a pu récolter que 37.535 voix. C’est d’ailleurs de justesse qu’il a obtenu un poste de député. Deux ans après, Ousmane Sonko tourne désormais autour de 687.065 voix. Un bond inédit pour un jeune parti comme le Pastef. Ce qui fait dire à certains observateurs que même s’il est classé troisième à l’issue de la présidentielle, Sonko peut regarder l’avenir avec sérénité et confiance, s’il ne commet pas de grosses erreurs. Mais l’ancien inspecteur des Impôts devra préparer sa défense dans certains dossiers comme celui des 94 milliards que le pouvoir ne tardera pas à exhumer. Ne serait-ce que pour le décrédibiliser.