NETTALI.COM - Alors qu’on croyait l’enquête bouclée, le dossier du Programme des Domaines Agricoles Communautaires (Prodac) connaît un spectaculaire rebondissement. Le parquet financier a transmis un réquisitoire supplétif au président du collège des juges d’instruction, relançant une affaire devenue le symbole des soupçons de mauvaise gouvernance sous l’ancien régime. Résultat immédiat : Pape Malick Ndour, ancien coordonnateur du Prodac et cadre influent de l’APR, a été inculpé et placé sous bracelet électronique, suite à une contestation sérieuse.

Conduit vendredi au Pool judiciaire financier par la DIC, Pape Malick Ndour a été inculpé pour association de malfaiteurs, détournement de deniers publics portant sur 2,7 milliards de F CFA et blanchiment de capitaux. Placé en garde à vue puis conduit devant le juge d'instruction du pool judiciaire financier, Pape Malick Ndour, assisté de son avocat Me El Hadji Diouf, a vigoureusement contesté les accusations formulées à son encontre. Il a ainsi attiré l'attention du juge sur les accusations qui relèvent même d'une infraction impossible. "Car vouloir dire que Mamina Daffé, son prédécesseur et lui ont formé une association de malfaiteurs pour piller le Prodac, alors que les deux n'ont jamais travaillé en même temps au Prodac, relève d'une accusation grotesque", notent Pape Malick Ndour et son avocat.

Finalement, le juge, convaincu par les arguments développés, a décidé de l'inculper, mais de le mettre en liberté provisoire sous bracelet électronique pour "contestations sérieuses".

Le juge d'instruction est d'autant plus convaincu  que plutôt que de rendre un réquisitoire définitif — étape classique avant la clôture d’une instruction comme il l'avait sollicité — le parquet a préféré rouvrir le dossier Prodac en lui envoyant un réquisitoire supplétif, signe de nouvelles découvertes censées être déterminantes.

Des flux suspects vers Green 2000

Au cœur du nouveau volet de l’affaire : deux virements massifs au profit de la société israélienne Green 2000, initialement chargée d’exécuter certains volets du projet agricole.

Le premier transfert, de 2,7 milliards de F CFA, aurait été justifié par de simples factures pro forma, sans livraison ni preuve d’exécution.
Le second, plus colossal — 16,8 milliards de F CFA —, intrigue les enquêteurs par l’absence totale de traçabilité et de contrepartie économique.
Ces flux alimentent la thèse de rétrocommissions entre responsables administratifs, partenaires privés et acteurs politiques.

L’affaire Prodac trouve son origine dans un rapport accablant de l’Inspection générale des finances (IGF), qui avait révélé de graves irrégularités dans la gestion du programme.

En novembre 2024, Mamina Daffé, ancien coordonnateur, et Ibrahima Cissé, gérant de la société Tida SA, avaient été placés sous mandat de dépôt pour escroquerie, faux et usage de faux et blanchiment de capitaux.
Une expertise indépendante du cabinet Adr avait confirmé plusieurs anomalies dans les transactions avec Green 2000.

Aujourd’hui, le parquet soupçonne des connexions financières directes entre :

  • Khadim Ba, PDG de Locafrique, et Mame Mbaye Niang, ancien ministre de la Jeunesse ;

  • Mamina Daffé et Ibrahima Cissé ;

  • Ibrahima Cissé et Mame Mbaye Niang.

Une confrontation judiciaire entre Daffé et Cissé a d’ailleurs été requise, les magistrats ayant relevé de graves contradictions dans leurs versions.

 Entre justice et règlement de comptes

La réouverture du dossier Prodac dépasse le cadre judiciaire.
Pour de nombreux observateurs, elle illustre à la fois la volonté du nouveau pouvoir de restaurer la reddition des comptes et le risque d’une lecture politique de la justice.

Plusieurs figures de l’ancien régime sont déjà sous le coup d’enquêtes ou de mandats de dépôt.