NETTALI.COM - Bien malin celui qui nous fera croire que tout roule comme sur des roulettes au sommet de l’exécutif et dans les rapports entre la coalition Diomaye et le Pastef. Et la preuve la plus évidente de cette crispation, est sans aucun doute la récente sortie d’Abdourahmane Diouf au cours de laquelle, il a plaidé tour à tour pour le pardon et la réconciliation et l’unité du peuple sénégalais. Et même s’il ne s’agissait en aucun cas pour lui de passer par pertes et profits, les crimes sous l’ancien régime, il avait prêché contre ce qui peut être perçu comme une justice des vainqueurs, estimant qu’il y a "un niveau de fracture dans le pays, tel qu'on sent la haine partout". Le leader d’Awalé avait aussi pris le soin de déclarer que le président Bassirou Diomaye Faye « n'est pas le président d'un parti » mais « le président d'un pays », estimant qu’ « on doit laisser le président rester à équidistance de la justice. Son rôle n'étant pas de donner des ordres à la Justice, mais plutôt de réconcilier les Sénégalais. »
Une sortie qui lui a d’ailleurs valu quelques remontrances puisque le microphone de Pastef, Waly Diouf Bodian qui aime bien se la jouer radical, a saisi l’occasion de l’annonce du 4éme anniversaire du parti Awalé, pour lancer quelques piques au ministre et lui rappeler son statut de poids plume politique. « En politique, a commenté Bodian, l'idée de rencontrer tous ses militants et sympathisants dans une salle fermée, fut-elle pleine comme un oeuf pourri, donne une claire mesure de son poids et de sa représentativité sur l'échiquier », lui a-t-il lancé. Sacré Waly, il est décidément au four et au moulin et a une telle propension à se prononcer sur tout et n’importe quoi, que ses propos en deviennent banals et lassants.
Le « Diomaye mooy Ass, Ass mooy Diomaye » qui irrite
Mais des piques toutefois pas suffisantes pour arrêter Abdourakhmane Diouf. Dans une salle comble du Cices, lors de l’anniversaire, ce dernier a remis une couche en lançant à nouveau, un appel à la paix et à la concorde nationale, notamment à l'endroit de l'opposition. Aux membres du gouvernement ainsi qu'aux militants et sympathisants des leaders politiques, il a aussi prôné l’union et a invité à ne pas sous-estimer le rôle des mouvements soutenant le président. Une sorte de réponse à Waly Diouf à peine voilée. “Il y a la légitimité principale et les légitimités secondaires. Personne ne doit minimiser ceux qui sont dans Diomaye Président”, a-t-il déclaré. D’ailleurs a rappelé Abdourahmane Diouf, Awalé a, à trois reprises, contribué en termes de mobilisation et de financement pour d’autres partis : élections locales, présidentielle et législatives. Le parti, dit-il, a la même vision que le président Diomaye. Une vision qui repose sur une souveraineté ouverte, qui ne cherche ni l’isolement ni le repli sur soi. Ainsi, dit-il, Vision 2050 incarne l’horizon d’une Afrique refondée sur ses valeurs et ses potentialités.
Diouf n’a pas fait que cela, puisqu’après avoir demandé à toute la salle de se lever pour un standing ovation au président Bassirou Diomaye Diakhar Faye, a également déclaré : « Diomaye s’il permet cette familiarité, est arrivé très très jeune au pouvoir, mais il est arrivé très très mûr, il est arrivé très très mature, très très responsable. » D’après le président d’Awalé, le président de la République l’a marqué dès les premiers jours d’exercice du pouvoir par sa capacité d’écoute extraordinaire, sa capacité à comprendre très vite les enjeux, mais aussi son ouverture d’esprit. Lors de sa sortie polémique sur la RTS, il regrettait un défaut de valorisation du travail remarquable qu’il est en train de faire à la tête du pays. ”…La cellule de communication fait certes un excellent travail, mais je pense qu’on doit davantage valoriser le président de la République qui n'est pas le Président d’un parti, mais de tout le Sénégal.”.
Mais le comble a été le « Ass mooy Diomaye, Diomay mooy Ass, » scandé par Abdourahmane Diouf qui n’est pas sans rappeler le « Sonko Mooy Diomaye, Diomaye mooy Sonko ». De quoi soulever l’ire de Mansour Diop, acteur des médias, proche du pastef qui s’offusque du fait que l’on puisse prononcer 100 fois le nom de Diomaye Faye sans pour autant prononcer celui d’Ousmane Sonko, alors que tout le monde sait que c’est grâce au choix de Sonko que Diomaye est devenu président de la république. Et celui-ci de se demander comment entre 2024 et maintenant, Asse peut-il être Diomaye ? A combien d’élections a participé la coalition Diomaye si ce n’est la présidentielle, estimant que celle-ci n’était destinée qu’à la présidentielle ? Une expression « Ass mooy Diomaye, Diomaye mooy Ass » qui n’a d’ailleurs pas laissé indifférent le chroniqueur Ibou Fall et qui lui a fait dire qu’il veut la place du premier ministre.
D’ailleurs le quotidien « Le Point » qui sembler aller dans ce sens, a barré à sa Une, le lendemain de l’événement, précisément le lundi 3 novembre « Abdourakhmane Diouf, l’as de cœur de Diomaye », avant de développer en ces termes : « le chef de l’Etat confirme sa complicité avec Abdourahmane Diouf en déléguant Aldiouma Sow, ministre conseiller auprès du président de la république et Mor Sarr, conseiller à la présidence, coordonnateur communal de Pastef à Nianganiao, membre de son cabinet.»
Autre fait que l’on ne peut occulter, c’est l’intervention d’Aminata Touré, la Haute représentante du président de la république, disparue des radars et enfermée dans un mutisme depuis belle lurette. Présente à l’anniversaire d’Awalé, elle a rappelé que l’enjeu reste de consolider l’unité de la coalition présidentielle et de travailler à la mise en œuvre de la « Vision Sénégal 2050 », présentée comme un cap stratégique pour le développement du pays. Et même si elle a pensé que des divergences ne peuvent pas manquer dans une coalition, elle croit savoir qu'il faut les minimiser. Le ministre de la Justice sous Macky Sall a par ailleurs plaidé pour que les auteurs de prévarication et les auteurs des meurtres commis lors des manifestations politiques soient punis. " Le pouvoir a besoin d'ouverture mais les auteurs de meurtriers et de détournement de deniers publics sont exclus. La justice doit accélérer la cadence pour que les coupables soient sanctionnés. La lutte contre l'impunité c'est un sacerdoce", déclare Aminata Touré.
Une manière sans doute pour elle, de couper la poire en deux dans un discours prônant à la fois l’ouverture vis-à-vis des alliés, mais aussi de répondre en même temps aux préoccupations du Pastef qui tient à la reddition des comptes et à la justice liée aux évènements politiques.
Et fait marquant de la prise de parole d’Aminata Touré, elle a été bien élogieuse envers le président qu’il n’a pas manqué de féliciter, sans oublier son gouvernement, mais sans toutefois piper mot sur Ousmane Sonko.
Le tout nouveau ministre de l'Environnement et de la Transition écologique ne rate d’ailleurs plus aucune occasion pour chanter les louanges de Bassirou Diomaye Faye, tout en snobant le chef de Pastef. Une attitude qui intrigue et qui met les "Pastefiens" en colère, certains soupçonnant le président de la République de cautionner les sorties du ministre Abdourahmane Diouf.
D’ailleurs un récent post fait par ce dernier sur sa page Facebook, ne risque pas de calmer les ardeurs. En effet, remplacé au ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, Abdourahmane Diouf a migré vers le ministère de l'Environnement présenté comme moins prestigieux. Mais le leader de Awalé ne semble pas perdre au change. Il vient d'être renforcé par le chef de l’Etat. "J’ai effectué, ce lundi 3 novembre 2025, la passation de services avec le ministre de l’Urbanisme, des Collectivités territoriales et de l’Aménagement des territoires, Moussa Balla Fofana, conformément au décret n°2025-1431", a écrit Abdourahmane Diouf. Avant de poursuivre : "ce transfert vise à renforcer la cohérence des politiques de développement durable. Les structures concernées, telles que la Direction du Cadre de vie, le PROMOGED et la SONAGED, sont désormais placées sous la tutelle exclusive du ministère de l’Environnement et de la Transition écologique, facilitant ainsi une gestion unifiée des questions liées au cadre de vie et à la gestion des déchets."
Mais comment oublier le très marrant et médiatisé Bougar Diouf qui essaime les plateaux. Celui-là qui a été le premier dans la coalition Diomaye président à expliquer comment ils avaient procédé financièrement pour faire tourner la machine de la coalition et qui ne manque jamais l’occasion de rappeler l’orthodoxie républicaine et la place centrale du président de la république dans le dispositif et en tant qu’élu ? L’infatigable militant de la république et du respect des institutions n’a jamais cessé de dénoncer ce qui peut ressembler à une dualité anormale à la tête de l’exécutif.
En somme autant de faits qui montrent qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans la galaxie « Diomaye président-Pastef » ainsi qu’au sommet de l’exécutif et qui peut expliquer cette sortie et ces discours aux allures de recadrage et de mise au point.
Au même moment d’ailleurs ressurgit le débat sur l’affaire du gouvernement de transition de Diomaye Faye, alors que des observateurs ont fini de rectifier en faisant savoir qu’Habib Sy ayant bénéficié du parrainage des députés, pendant que Diomaye passait finalement au second tour avec le parrainage citoyen, était en vérité le choix N° 1 de Sonko. Bref autant d’explications avec des versions racontées qui sèment davantage la confusion quant au choix initial de Sonko.
Et comme il fallait s’y attendre, Ayib Daffé, le président du groupe parlementaire de Pastef, de faire quelques précisions selon lesquelles, « c’est le Pastef qui a créé la coalition Diomaye Président qui se nommait « coalition Sonko président », ajoutant qu’ils « connaissent l’historique et la manière dont elle a été mise en place ». le chef de file des parlementaires, d’ajouter que « Diouf a fait partie des derniers à avoir intégré la coalition puisqu’il était un candidat recalé ». Finalement on s’est battus jusqu’à ce que l’élection puisse se tenir sans report. Personne ne peut mieux connaître que nous la coalition. Pour Daffé, « la locomotive de la coalition Diomaye président, c’est le Pastef. Non seulement c’est l’initiateur mais sur le plan de la représentativité, Pastef est la locomotive (…) C’est Aida Mbodji qui dirige la coalition. On ne peut rien faire dans la coalition en mettant à l’écart Pastef. Pastef a un président et le président de la république a pris la décision de se départir de son poste de secrétaire général pour assumer son rôle de président de la république, mais reste toujours militant de Pastef. Je crois aussi que Pastef a son président et l’on ne peut parler de la coalition de Diomaye président sans avoir au préalable parlé au président de Pastef .»
Une relation de plus en plus ambiguë à la tête de l'exécutif
La situation actuelle ne semble d’ailleurs pas surprendre certains observateurs qui voyaient déjà poindre les signes annonciateurs d’une dualité rampante à la tête de l’exécutif, alors que beaucoup voyaient une volonté de semer la zizanie entre le président et son PM. La sortie d’Ousmane Sonko contre le président Diomaye Faye, à travers un discours d’une rare virulence, dénonçant publiquement ce qu’il qualifiait de « problème d’autorité » au sommet de l’État et demandant qu’on le laisse gouverner, était venue confirmer ces craintes.
L'opposant Thierno Alassane Sall, à l'émission "Faram Facce" de la TFM, ne manque pas relever tous ces actes qu'il considère comme "de la provocation du Premier ministre à l'encontre du président de la république". A savoir cette notion de "président légitime et légal" évoquée par un proche du Premier ministre, la "transition à opérer six mois après" ; tout comme "les refus d'accompagner le président à l'aéroport", "le PM qui fait semblant de ne pas voir le président de la république, alors que le président lui tend la main, après l'annonce avec une voix de stentor par l'huissier de l'arrivée du président de la république", "la maladie pour justifier une absence au Conseil des ministres avec le président qui va par la suite lui rendre visite ", "le président qu'on n'accueille pas à l'extérieur de la salle, lors de la rentrée des cours et tribunaux", etc. Bref, autant de faits que TAS attribue à "une volonté permanente de provoquer et d'humilier le président de la république" .
Jamais en effet dans l’histoire politique récente du Sénégal un Premier ministre en exercice n’avait exprimé aussi frontalement ses griefs à l’endroit du chef de l’État. Une sortie qui signait l’entrée dans une nouvelle séquence politique où la cohabitation entre les deux hommes forts du Pastef paraît de plus en plus intenable, minée selon des observateurs par plusieurs dossiers sensibles, notamment diplomatiques et économiques et judiciaires qui ont exacerbé les tensions. Tandis que Diomaye Faye soigne ses relations avec les partenaires étrangers — France, États-Unis, Chine et le FMI —, Sonko, fidèle à sa ligne souverainiste radicale, continue de prôner une rupture plus brutale et immédiate avec certaines pratiques héritées de l’ancien régime, sans oublier les questions liées à la justice.
Le journaliste chroniqueur Ibou Fall avait d’ailleurs récemment prévenu par rapport à des indices révélateurs au moins une crise au sommet et que cela était à prévoir. « Nous sommes en république avec une hiérarchie, le président de la république, c’est le patron de tout le monde (…) Nous, on a assisté dès le début à une sorte de tandem, le pouvoir ne se partage pas. Il y a eu cette formule "Diomaye mooy Sonko etc" tout le monde a voulu… La vérité est que dans leur hiérarchie politique, c’est Ousmane Sonko le patron, dans la république, c’est Diomaye. Soit tu acceptes que c’est lui le président de la république, que c’est lui qui donne une vision, qui donne une cadence, qui polarise l’attention et qui décide ; soit tu te démets. Un premier ministre qui fait de l’ombre au président, ça ne peut pas durer. Ce qui nous arrive par rapport aux partenaires financiers, je pense qu’il y a une hésitation parce qu’ on ne sait pas qui décide. Or, en économie, c’est la confiance. La confiance c’est de se dire voilà notre interlocuteur, c’est avec lui qu’on va parler ; Si on arrive dans un pays où en principe c’est le président qui doit décider, et où c’est le premier ministre qui est l’interlocuteur, on va faire attention… », a ainsi analysé Ibou Fall.
Le live récent d’Ousmane Sonko renvoyé et finalement transformé en « téra meeting », le samedi 8 novembre a davantage semé le trouble dans les esprits et prouvé qu’il y a véritablement un malaise au sommet de l’exécutif qu’on ne nous dit pas. Toujours est-il en qu’il y en avait beaucoup pour se demander si le PM n’aurait pas renoncé à une annonce grave ?
Et pour couronner le tout Le Premier ministre Ousmane Sonko a informé, le mercredi 5 novembre, le conseil des ministres, qu’il observera une nouvelle période de repos à partir du 6 novembre, après une première pause fin octobre. Aucun détail n’a toutefois été communiqué sur la durée de ses congés. L’annonce en soi anodine, intrigue par son timing : au même moment, le chef du gouvernement prévoit de tenir un meeting politique le samedi 8 novembre, au parking du stade Léopold Sédar Senghor. L’on apprend aussi du quotidien « Le Point » que "le conseil des ministres rend compte de monologues parallèles entre le président de la république et son Premier ministre" et que le Premier ministre y a félicité trois ministres dont Moustapha Guirassy, Bamba Cissé et Cheikh Tidiane Dièye.
Au meeting du 8 novembre, le président du Pastef cherchera inévitablement à faire une démonstration de force afin de démontrer qu’il reste très populaire et toujours le maître du jeu. Ce sera sans doute une nouvelle occasion pour lui de dire tout ce qu’il a dans le cœur. Mais après tout ce que Diomaye Faye lui a cédé, que doit-il bien vouloir de plus ? Le président Diomaye Faye est en tout cas prévenu par Ahmed Aidara acteur des médias proche du Pastef. Selon lui, « normalement, le 8, le président Bassirou Diomaye Faye devra mobiliser sa base politique de Ndiaganiao, soutenir le parti à s’y rendre et se rendre au meeting », ajoutant qu’il ne doit pas prétexter qu’il est président de la république parce que c’est l’activité politique qui l’a placé là où il est ».
Et le même jour, Bougane Guèye Dany et cie organiseront un « Niakhtou National », sans doute une réplique au Pastef. Sacrés politiciens et leur obsession des foules ! On est en tout cas loin d’être sorti de l’auberge.






