NETTALI.COM - L’ancien Garde des Sceaux, Me El Hadji Amadou Sall, a tiré la sonnette d’alarme sur la situation actuelle de la justice sénégalaise. Invité de l’émission Jury du dimanche sur Iradio, il a dénoncé une instrumentalisation politique croissante de l’institution judiciaire, qu’il estime « discréditée ».

« Le procureur de Dakar pose problème. Même tousser très fort devient une occasion pour lui de poursuivre », a lancé l’ancien ministre, précisant qu’il distingue « l’homme » qu’il respecte, des « actes » qu’il critique.

Me Sall a appelé les acteurs politiques à la retenue, estimant que la justice doit « impérativement sortir de l’arène politique ». Selon lui, « ce sont les politiques, du pouvoir comme de l’opposition, qui doivent s’abstenir de régler leurs différends devant les tribunaux. Si l’opposition fait comme le pouvoir, nous irons vers des procédures croisées qui discréditeront encore davantage le parquet ».

L’ancien ministre a par ailleurs déploré la perte de crédibilité du parquet, symbole, selon lui, du déséquilibre du système judiciaire : « Quand le parquet ne poursuit que les opposants et ferme les yeux sur les fautes du pouvoir, il marche sur un seul pied. Et cela, c’est dangereux pour la justice. »

Scepticisme sur la mise en œuvre des Assises nationales de la justice

Interrogé sur les Assises nationales de la justice, Me Sall s’est montré réservé quant à leur application effective.
« Les conclusions ont été remises au président depuis un an, mais rien n’a bougé. Je ne crois qu’à ce que je vois, et pour l’instant, je ne vois rien », a-t-il déclaré.

Il reconnaît néanmoins que ces réformes pourraient constituer un tournant décisif, en réduisant la toute-puissance du parquet et du juge d’instruction, et en créant un juge des libertés réellement indépendant.

Mais tant que les « dérives » contenues dans le Code pénal et le Code de procédure pénale perdureront, prévient-il, le risque d’un parquet liberticide restera entier.
« Il suffit d’avoir un ministre de la Justice liberticide pour que tout le parquet le devienne. Il faut arrêter cela. Sans rompre le lien entre le parquet et la chancellerie, le procureur doit faire preuve d’intelligence et d’indépendance », a conclu Me El Hadji Amadou Sall.