NETTALI.COM - L’économiste Seydina Alioune Ndiaye met en garde contre un « choc fiscal sans précédent » contenu dans la Loi de finances initiale (LFI) 2026. Dans un entretien accordé à L’Observateur, il estime que le Sénégal s’engage sur une trajectoire budgétaire à haut risque, marquée par une hausse de la pression fiscale de 3,9 points de PIB, dont près de 93 % seraient supportés par les ménages et les entreprises.
Selon l’analyste, cette stratégie vise à ramener le déficit budgétaire de 12 % du PIB en 2024 à 5,37 % en 2026, puis à 3 % en 2027, conformément aux critères de convergence de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).
Pour y parvenir, le gouvernement prévoit une augmentation des recettes fiscales de 23,5 %, soit 5 384 milliards de F CFA, alimentée par de nouvelles taxes sur les jeux de hasard, le mobile money, les salaires et les importations.
Des risques économiques et sociaux préoccupants
Mais derrière cette volonté de redressement budgétaire, Seydina Alioune Ndiaye voit poindre un risque de déstabilisation économique et sociale. « Les ménages verront leur pouvoir d’achat s’éroder, tandis que l’inflation alimentaire, déjà cumulée à 36 % sur trois ans, risque de s’accentuer », avertit-il.
Les entreprises ne seraient pas épargnées : la Taxe sur les activités financières (TAF) devrait bondir de 56 %, tandis que les impôts sur les salaires augmenteraient de 32 %. Une évolution qui, selon l’économiste, menace la compétitivité et la pérennité de nombreuses sociétés locales. Certaines pourraient même envisager une délocalisation vers des pays de la sous-région plus attractifs sur le plan fiscal.
Une économie sous tension
Le spécialiste estime que la LFI 2026 traduit un « budgétarisme fiscal étroit », centré sur la maximisation des recettes au détriment de la croissance. Dans un pays où près de 90 % de l’activité économique reste informelle, une telle orientation risque, selon lui, de freiner la consommation, ralentir l’investissement et affaiblir la dynamique de création d’emplois.
Avec une dette publique évaluée à plus de 130 % du PIB et une croissance hors hydrocarbures limitée à 2 %, l’économiste redoute une récession si la politique fiscale n’est pas ajustée. « Le pays marche sur une corde raide. Si ce choc fiscal est mal maîtrisé, il pourrait entraîner une cassure sociale », prévient-il.
Appel à un nouveau contrat fiscal
Pour éviter un tel scénario, Seydina Alioune Ndiaye plaide pour un dialogue ouvert avec le secteur privé, une pédagogie fiscale renforcée et une diplomatie économique plus offensive à l’égard des partenaires techniques et financiers, notamment le Fonds monétaire international (FMI).
Il recommande aussi la mise en place de mécanismes de compensation sociale destinés à protéger les ménages les plus vulnérables et à stabiliser l’inflation. « L’ajustement budgétaire est nécessaire, mais il doit être progressif, concerté et soutenable », conclut-il, appelant à une approche équilibrée entre rigueur et relance pour préserver la confiance et la stabilité économique du pays.






