CONTRIBUTION - Les récentes déclarations de M. Ahmadou Al Amine Lô, ancien Directeur national de la BCEAO pour le Sénégal et actuel ministre d’État auprès du président Bassirou Diomaye Faye, ont provoqué une onde de choc dans l’opinion publique. Affirmer publiquement que "nous avons été trompés" à propos de la politique d’endettement du régime précédent n’est pas un simple acte de transparence, c’est un aveu d’incompétence et une tentative de déresponsabilisation aux conséquences lourdes pour la crédibilité de nos institutions financières.
Pendant plus d’une décennie, M. Lô a été au cœur du dispositif macroéconomique ayant soutenu le Plan Sénégal Émergent (PSE). Il a été l’un des visages les plus visibles de la défense du modèle économique du régime de Macky Sall, vantant la soutenabilité de la dette et la rigueur budgétaire supposée de l’État. Si aujourd’hui il reconnaît que les chiffres étaient faussés, il est impossible de dissocier sa responsabilité de celle des anciens décideurs politiques.
Un haut cadre de la BCEAO, dépositaire de la rigueur et de la transparence monétaire, ne peut prétendre à l’ignorance de pratiques irrégulières aussi systémiques. Car si le Sénégal a effectivement dissimulé une partie de son endettement, alors c’est toute la chaîne de contrôle, y compris la représentation nationale de la Banque Centrale, qui a failli.
Le recours à un cabinet externe comme Forvis Mazars pour établir la véracité des chiffres actuels souligne à quel point la confiance dans les institutions nationales a été ébranlée. Mais plus inquiétant encore, c’est de voir un acteur de premier plan de cette architecture économique vouloir se recycler dans la posture du repenti.
Peut-on sérieusement bâtir la nouvelle gouvernance sur ceux qui hier ont validé les dérives qu’ils dénoncent aujourd’hui ?
Et demain, qui nous dit que le même Ahmadou Al Amine Lô ne reviendra pas affirmer que la Vision 2050 du Projet, pourtant présentée comme la nouvelle boussole du développement national, était une erreur, une illusion, un mirage économique, et qu’il a, encore une fois, été induit en erreur ?
Ce type de revirement fragilise la cohérence de l’action publique et renforce le scepticisme des citoyens envers leurs institutions.
Les Sénégalais sont prêts à consentir des efforts pour redresser le pays, mais à condition que la gouvernance nouvelle soit fondée sur l’exemplarité et la responsabilité.
Dans ce contexte, M. Ahmadou Al Amine Lô doit tirer les conséquences de ses propres déclarations et présenter sa démission, pour ne pas diluer le sens du sacrifice national que réclame le redressement économique.
À ce niveau de responsabilité, on n’a pas le droit de se tromper deux fois. Quand on a été gardien de la rigueur monétaire et de la transparence financière, on ne peut pas se réfugier derrière l’excuse de la tromperie des autres. On assume et on s’efface.