CONTRIBUTION - On répète souvent aux Africains qu’il suffirait d’avoir une monnaie nationale et de « l’ouvrir comme un robinet » pour financer les écoles, construire des routes ou payer les fonctionnaires. Mais c’est une illusion. Une monnaie n’est pas une source magique : si on en crée trop sans lien avec la richesse réelle, on provoque l’inflation et, à terme, une crise économique.

Beaucoup pensent que les pays riches, comme les États-Unis, le Japon ou la France, recourent librement à la planche à billets. En réalité :
• Les États-Unis sont très endettés, mais leurs dépenses sont financées par des investisseurs du monde entier, parce que le dollar inspire confiance.

• Le Japon est encore plus endetté, mais la dette est achetée par les Japonais eux-mêmes : là aussi, c’est la confiance qui fait tenir le système.

• La France, avec l’euro, reste confrontée à de lourdes difficultés budgétaires. Si « l’impression monétaire » suffisait, elle n’aurait aucun problème à financer ses retraites ou ses hôpitaux.
Conclusion : même les pays riches n’ont pas trouvé de miracle dans la création monétaire illimitée.

*Pourquoi pas en Afrique ?*

Si « le robinet monétaire » était une solution, des pays comme la Mauritanie, la Gambie ou la Guinée, qui disposent de leur propre monnaie, l’auraient déjà utilisé. Pourtant :
• En Guinée, la crise de liquidités est telle qu’il manque de billets dans les banques.
• En Gambie ou en Mauritanie, la monnaie nationale n’a pas mis fin ni à la pauvreté ni au chômage.
Le Zimbabwe a tenté l’expérience : imprimer massivement pour financer l’État. Résultats désastreux :
• Hyperinflation incontrôlable.
• Prix doublant parfois en quelques heures.
• Billets de millions de dollars qui ne valaient même pas le prix d’un pain.
Au final, l’économie s’est effondrée et le pays a dû abandonner sa monnaie nationale au profit de devises étrangères.

*Le robinet monétaire n’est pas la solution pour un pays comme le Sénégal.*

En 2024, le pays a enregistré un déficit de la balance courante de 2 478 milliards FCFA. Or, par définition, un déficit courant signifie que la nation absorbe et importe plus qu’elle ne produit et exporte. Cette différence doit automatiquement être couverte par des ressources extérieures : dette publique ou privée, investissements directs étrangers (IDE), ou encore dons.
Se passer de ce financement extérieur serait illusoire. Même des économies avancées comme la France (dont près de 50 % de la dette est détenue par des étrangers) ou les États-Unis vivent avec cette contrainte et attirent en permanence l’épargne internationale.
Le Sénégal ne fait pas exception : il doit certes renforcer la mobilisation de ses propres ressources, mais il lui faudra aussi recourir aux financements extérieurs pour équilibrer sa balance des paiements. Ainsi va le monde : aucun pays ne vit en vase clos.

*La vraie leçon*
La monnaie ne repose ni sur le patriotisme ni sur les slogans politiques. Elle repose sur la confiance :
• Confiance que le billet gardera sa valeur demain.
• Confiance qu’on pourra l’utiliser partout pour payer.
• Confiance que la Banque centrale ne va pas inonder le pays de billets au détriment des ménages.

Imprimer de la monnaie ne crée pas de richesses. Ce sont le travail, la production, l’innovation et la bonne gestion qui produisent la vraie prospérité. La monnaie n’est qu’un instrument qui sert à mesurer, à faire circuler et à conserver ces richesses.

Injecter abusivement de la monnaie crée de l’inflation, et l’inflation appauvrit le peuple. L’État ne doit pas vivre injustement sur le dos des citoyens en manipulant la monnaie à sa guise. Ce serait profiter de leur travail sans rien donner en retour. La posture juste pour l’État, c’est de lever des impôts et d’offrir en contrepartie des biens et services publics.

*le titre est de nettali.com

Pr Amath Ndiaye
FASEG-UCAD