NETTALI.COM - Le remaniement ministériel du samedi dernier a réservé une surprise de taille : Me Mouhamadou Bamba Cissé est désormais ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique. L’avocat, connu pour son éloquence dans les salles d’audience et sa présence remarquée dans les médias, succède au Général Jean-Baptiste Tine, en poste depuis la formation du premier gouvernement de l’ère Bassirou Diomaye Faye.

Inscrit au Barreau en 2003, lauréat du premier prix des Barreaux francophones d’Afrique et ancien secrétaire de conférence, Bamba Cissé s’est illustré dans des dossiers retentissants. Aux côtés de Me Ciré Clédor Ly, il a défendu Cheikh Béthio Thioune dans l’affaire Madinatoul Salam. Dans le procès de la Caisse d’avance, il a conseillé Mbaye Touré, co-accusé de Khalifa Sall. Plus récemment, c’est lui que le juge constitutionnel Cheikh Ndiaye a sollicité pour porter plainte après avoir été accusé de corruption dans le cadre de l’invalidation de la candidature de Karim Wade en 2024.

Sa réputation d’as des joutes oratoires, maniant citations de grands penseurs et rigueur juridique, en a fait l’une des robes noires les plus médiatisées du pays.

Une proximité assumée avec Sonko

Le nouveau ministre de l’Intérieur est aussi une vieille connaissance du Premier ministre. Me Cissé aime rappeler qu’il a rencontré Ousmane Sonko en 2002 à l’UCAD, lors d’un doctorat en droit. Depuis, leurs trajectoires se sont croisées à plusieurs reprises, notamment lorsque Me Cissé a défendu Sonko dans ses démêlés judiciaires.

En 2024, il avait qualifié le leader de PASTEF de « phénomène politique » et « l’homme le plus remarquable de l’histoire politique du Sénégal ». Une proximité qui alimente déjà les critiques de l’opposition, certains mettant en doute sa neutralité pour organiser les prochaines élections.

Habitué à manier le code pénal et le code de procédure, Me Bamba Cissé passe aujourd’hui dans un autre registre : celui de la gestion sécuritaire et politique de l’État. À lui de superviser la police, la gendarmerie, l’organisation matérielle des élections et la sécurité publique dans un contexte où les tensions sociales et politiques restent vives.

Ses détracteurs rappellent qu’il n’a pas l’expérience administrative d’un général ou d’un haut fonctionnaire, mais ses partisans saluent un esprit brillant, rigoureux et profondément attaché au civisme. L’avocat, qui partageait régulièrement sur Facebook des extraits du code pénal pour sensibiliser les citoyens à la propreté et au respect de l’ordre public, s’était taillé l’image d’un « avocat du peuple ».

Les premiers défis

À l’Intérieur, Me Cissé devra rapidement faire face à :

  • L’organisation des scrutins à venir, dans un climat politique sous tension ;

  • La garantie de la sécurité publique face aux menaces régionales, notamment le terrorisme au Sahel ;

  • La gestion des forces de l’ordre, souvent critiquées pour leur brutalité ;

  • La reconquête de la confiance de l’opposition, qui redoute un ministère instrumentalisé.

Un ministre attendu au tournant

Me Bamba Cissé disait en 2015 que « la politique est une affaire de seigneurs », où respect et dépassement doivent primer sur les invectives. Il lui faudra mettre en pratique cette philosophie dans un portefeuille hautement sensible, où chaque décision sera scrutée et où l’équilibre entre autorité et neutralité sera déterminant.

Le pari de Sonko est audacieux : confier l’Intérieur à un avocat brillant mais novice dans la gestion sécuritaire. Si Me Cissé parvient à transposer son sens du droit et sa rigueur intellectuelle à la conduite d’un ministère aussi stratégique, il pourrait incarner une nouvelle approche. Sinon, ses adversaires ne manqueront pas de lui rappeler que le prétoire et la place Washington ne relèvent pas du même registre.