NETTALI.COM - La présentation, ce vendredi 2 Août, du Plan national de redressement “Jubbanti Koom” a été une occasion de raviver la polémique autour de la paternité de la dette cachée. Le régime du Président Sall a-t-il laissé un taux d’endettement de 119% ? Éléments de réponses.

Le Premier ministre Ousmane Sonko a présenté, ce vendredi 2 le plan de redressement mis en place par le Gouvernement pour inverser la mauvaise pente des finances publiques. Il est revenu sur l’héritage laissé par le défunt régime du président Macky Sall. “Aujourd’hui, les différents audits aboutissent à un constat sans appel. Qu’il s’agisse du rapport réalisé par l’Inspection Générale des Finances qui est aggravé par l’audit de la Cour des Comptes, du rapport du cabinet Forvis Mazars, tous ces différents audits ont débouché sur un constat très difficile, avec un déficit qui se cumule à 14 % contre plus de 4 % déclarés par le défunt régime et d’un encours de la dette publique estimé à 119 % du PIB contre 74 % déclarés par le défunt régime…”, a annoncé Ousmane Sonko à l’entame de son propos.

Plus loin dans son discours, Ousmane Sonko a souligné que le taux de 119 % d’endettement relève du legs de l’ancien régime. D’où viennent donc ces nouveaux ratios annoncés par le chef du Gouvernement ? Pour rappel, dans son audit publié au mois de février, la Cour des comptes avait fixé à 99,6 % le taux d’endettement en fin décembre 2023 contre 12,30 % pour le déficit budgétaire de l’État central. Est-ce que les chiffres de la Cour ont été corrigés ? Ou bien l’encours de la dette sous Sall s’est creusé de 20 points supplémentaires entre le 31 décembre 2023 et le 2 avril (date de départ de Sall) ? Le Premier ministre impute-t-il une partie de la dette contractée par son régime à leurs prédécesseurs ? EnQuête fait le point.

Dysharmonie au sommet du Gouvernement

D’abord, il faut relever un vrai problème d’harmonisation des déclarations chez les membres de l’actuel Gouvernement. Le même jour, hier, à la présentation du plan de redressement, le ministre Abdourahmane Sarr a parlé d’un taux d’endettement de 119 % mais pour fin 2024. “La dette de l’État central est estimée à 119 % du PIB à fin 2024…”, a souligné le ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération. La dysharmonie ne se limite pas à l’encours de la dette. Elle porte également sur le déficit budgétaire.

Selon Abdourahmane Sarr, la dynamique d’endettement sous l’ancien régime a conduit à des déséquilibres macroéconomiques persistants, “notamment des déficits budgétaires cachés de l’ordre de 13 % du PIB entre 2019 et 2023”.

Ces chiffres viennent ainsi en rajouter à la confusion dont nous parlions déjà dans nos éditions précédentes. Il faut noter que ce taux de 119 % pour l’encours de la dette a été pour la première fois révélé par la Banque Barclays, citée par plusieurs médias internationaux. Reuters avait précisé : “En juin (2025), des chiffres provisoires ont établi la dette de l'administration centrale à environ 23 200 milliards de francs CFA (41,7 milliards de dollars) à la fin de 2024, soit une augmentation de plus de 27 % par rapport à la fin de 2023… Cela se traduit par un ratio dette/PIB de 119 %, selon Michael Kafe, économiste chez Barclay's”.

Pour ce qui concerne le déficit budgétaire, Barclays s’était plutôt référé aux chiffres de la Cour des comptes.

Plusieurs sources concordantes renseignent que le taux de 119% est celui enregistré en décembre 2024

Dans son dernier rapport sur la situation économique et financière, la Direction générale de la planification et des politiques économiques (DGPPE) avait donné des chiffres plus proches de ceux de son ministre de tutelle pour ce qui concerne le taux d’endettement. Le document l'évalue à 118,3 % mais pour 2024 et non pour 2023. “L’encours de la dette publique de l’Administration centrale budgétaire est évalué provisoirement à 23 535,9 milliards en 2024 contre 20 674 milliards un an auparavant, soit une hausse de 13,8 %. Le ratio de l’encours de la dette rapporté au PIB est ressorti à 118,3 % en 2024 contre 111 % en 2023”, indique en effet la Direction en charge de la planification et des politiques économiques au ministère de l’Économie.

En ce qui concerne le déficit budgétaire, le document l’évaluait à 2 668,9 milliards, soit 13,4 % du Produit Intérieur Brut (PIB) à fin 2024 contre 2 749,3 milliards (14,8 % du PIB) en 2023, soit une amélioration de 1,5 point de pourcentage.

Interpellé sur ces évolutions dans les statistiques, le Directeur général de la planification et des politiques économiques avait évoqué l’audit réalisé par le cabinet Mazars qui a livré les derniers chiffres. “Les chiffres de la SEF (situation économique et financière de la DGPPE) tiennent compte des dernières informations. Il y a le rapport Mazars qui fait état des dernières informations”, avait-il laissé entendre.

Verdict

Les déclarations du Premier ministre Ousmane Sonko attribuant le taux d’endettement de 119 % à l’ancien régime manquent de précision. Plusieurs sources concordantes laissent croire que le taux d’endettement de 119 % est celui noté au 31 décembre 2024. Il y a quelques jours, la banque Barclays reprise par plusieurs médias internationaux avait révélé ce chiffre, qui a été confirmé par plusieurs sources gouvernementales. Dans son intervention hier à la présentation du plan de redressement, le ministre de l’Économie a affirmé que le taux de 119 % est celui enregistré à fin 2024. À ce jour, nous n’avons pas de chiffre sur le niveau exact de la dette cachée au 2 avril 2024, pour pouvoir dire avec exactitude quelle est la part de l’ancien régime dans le déficit.

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