NETTALI.COM- Dans une tribune au vitriol, Moussa Tine, président de l’Alliance Démocratique Pencoo, s’interroge sur les dérives du Premier ministre à l’égard de la critique. Sans insulte ni excès de langage, il démonte, point par point, les contradictions du régime actuel. Un appel à la cohérence républicaine et à la mémoire historique.
Moussa Tine, leader de Penco connue pour sa modération verbale, sort de sa réserve pour dresser un tableau sans complaisance de l’attitude du Premier ministre. Il le fait sans invective, mais avec des arguments aiguisés. À ses yeux, les propos et postures de l’homme fort de Pastef révèlent une dérive inquiétante du pouvoir.
Dès l’ouverture de sa tribune, Moussa Tine plante le décor. S’il affirme ne jamais avoir été adepte des mots blessants en politique, il reconnaît que certains, comme le Premier ministre, s’en sont fait une spécialité. « Fitna mo gnou indi pouvoir », cite-t-il de ce dernier, pour souligner que la conquête du pouvoir s’est faite à coup de provocations.
Mais aujourd’hui, s’insurge Tine, l’homme qui fustigeait la répression devient intolérant à la critique : « Le problème du Premier ministre, c’est qu’on dit du mal de lui et qu’on parle en mal de lui pendant que l’autorité laisse aller». Il redoute qu’à travers les appels à l’ordre, se cache la tentation de museler l’opinion : « J’espère profondément qu’il n’y a pas derrière cette demande l’idée qu’on peut aller en prison par la volonté d’un homme. ».
La confusion entre la personne et l’institution inquiète le leader de Pencoo. Il rappelle qu’un élu, même au sommet de l’État, n’est pas au-dessus de la critique : « L’autorité doit raisonnablement subir les critiques de l’opinion et être exposée aux satires de l’opposition ».
Dans un passage particulièrement mordant, Tine dénonce l’hypocrisie d’un pouvoir qui ne tolère pas les critiques mais ne se prive pas d’en lancer : « Je ne pense pas que quelqu’un ait encore osé traiter un contradicteur de FUMIER dans les confrontations publiques ». Il rappelle que Moustapha Diakhaté a été emprisonné pour avoir été qualifié de « gougnafier »,un terme que le Premier ministre lui-même a employé, au même titre que « résidus ».
Avec un sens précis du langage, Tine fait parler les dictionnaires : « Le Robert définit le résidu comme un reste sans valeur… gougnafier c’est un bon à rien. » Puis il tranche : « C’est juste un rapport entre celui qui ne sert à rien et celui qui ne sait rien faire ». Pour lui, le pouvoir actuel s’indigne de mots qu’il a lui-même banalisés.
Au-delà des mots, Moussa Tine soulève un enjeu institutionnel majeur. Pour lui, le pays traverse une période semblable à celle de 1962, marquée par une dualité de pouvoir explosive : « Nous avons un président… qui a la plénitude des pouvoirs juridiques… alors que le Premier ministre… détient la réalité du pouvoir politique. » Si les deux têtes de l’exécutif ne s’entendent pas, prévient-il, « bonjour la crise ».
Il fustige également les velléités d’un État-Parti, évoquées par le Premier ministre. « Cette phrase ne sera jamais oubliée », prévient-il, car elle va à l’encontre de la culture démocratique sénégalaise. À ses yeux, cette option remettrait en cause tous les acquis : « Je n’ose pas penser ce qui se serait passé au Sénégal si un de nos anciens chefs d’État avait osé dire la même chose ».
Enfin, Moussa Tine entrevoit les calculs politiques derrière le silence ambiant : « Plusieurs acteurs comptent encore sur le Premier ministre pour leur ascension politique… d'autres évitent de subir les affres du système numérique de diabolisation de Pastef ».
Moussa Tine termine sur une note stratégique. À ses yeux, le Premier ministre, qui détient la majorité parlementaire, a les cartes en main pour modifier le Code électoral et se rendre éligible en 2029. Mais il reste prudent, pour l’instant, en raison du dossier toujours pendant du maire de Dakar. « Il ne le fera pas maintenant à cause des conséquences », précise-t-il, tout en rappelant que ce même article 29 du Code électoral l’a empêché d’être candidat en 2024.
Et de conclure par une citation de Platon : « Vous savourez les chants du peuple, mais vous ne les avez pas compris ».