NETTALI.COM - L’agence de notation S&P Global Ratings vient de revoir à la baisse la note de crédit à long terme du Sénégal, la faisant passer de B à B-, assortie d’une perspective négative. Une sanction sévère qui survient alors que les comptes publics du pays viennent d’être minutieusement auscultés par les nouvelles autorités et révèlent un endettement bien plus lourd qu’annoncé.
Selon les données communiquées par Investing.com, la dette publique du Sénégal représenterait désormais 118 % du produit intérieur brut (PIB) projeté pour 2024, contre 104 % estimés en février dernier. Une envolée spectaculaire attribuée à une révision comptable de 8,3 billions de francs CFA (13 milliards de dollars) intégrés à l’encours de la dette depuis octobre 2024, soit l’équivalent de 41 % du PIB annuel.
Pour S&P Global Ratings, cette trajectoire préoccupante devrait se poursuivre, la dette publique restant au-dessus des 110 % du PIB à l’horizon 2028, une estimation revue à la hausse de 10 points par rapport aux prévisions de mai dernier.
Face à ces chiffres, le budget révisé pour 2025 n’offre guère de répit. Il prévoit des besoins de financement de 5,7 billions de francs CFA (10,2 milliards de dollars), soit 26 % du PIB. Parmi ces charges, le service de la dette progresse de 15,8 %, et l’État entend également apurer les arriérés dus au secteur privé, pour un montant équivalent à 2 % du PIB.
S&P anticipe ainsi un déficit budgétaire proche de 9 % du PIB pour l’exercice à venir, tandis que le gouvernement table sur 7,8 %. Mais l’agence pointe l’absence de réformes structurelles significatives dans la loi de finances rectificative, qui reposerait principalement sur l’hypothèse d’une forte croissance nominale.
Côté croissance, les projections restent plus favorables. Le Sénégal devrait bénéficier en 2025 de l’entrée en production du gisement pétrolier de Sangomar et du champ gazier Greater Tortue Ahmeyim. À cela s’ajoutera l’augmentation attendue de la production aurifère, ce qui pourrait porter la croissance réelle à 8 %.
Sur le plan extérieur, le déficit du compte courant devrait passer de 20 % du PIB en 2022 à 11,6 % en 2025, selon S&P, avant de viser 9,5 % cette année et de revenir sous la barre des 3 % en 2027, conformément aux critères de convergence de l’UEMOA.
L’autre inquiétude reste l’alourdissement progressif du service de la dette, qui atteindrait 4.922 milliards de francs CFA (8,8 milliards de dollars) en 2026, contre 3,3 billions prévus pour 2025.
Dans ce contexte, l’appartenance à l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) constitue, selon S&P, un filet de sécurité relatif. Les banques régionales jouant un rôle central dans le financement des États membres, leur soutien pourrait limiter les tensions immédiates de trésorerie, mais sans résoudre les déséquilibres structurels.
Cette dégradation rappelle que le Sénégal devra rapidement engager des réformes de fond, tant pour maîtriser la trajectoire de sa dette que pour sécuriser durablement ses finances publiques. Car si le rebond économique lié aux hydrocarbures est attendu, il ne suffira pas, à lui seul, à contenir des charges financières exponentielles sans consolidation budgétaire et rationalisation de la dépense publique.