NETTALI.COM - Les mots étaient graves, les chiffres alarmants et l’exigence unanime. Réunis à l’occasion d’un atelier national à Saly, parlementaires, membres du gouvernement, acteurs de la société civile et partenaires internationaux ont dressé un constat sans concession : les violences faites aux femmes et aux filles au Sénégal demeurent une urgence sociale, juridique et politique.

Dès l’ouverture des travaux, la professeure Amsatou Sow Sidibé, présidente de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), a donné le ton. Avec une fermeté rare, elle a dénoncé la persistance des mutilations génitales féminines, qualifiées de « grave atteinte à l’intégrité physique et psychologique des femmes ». Plus qu’une question de santé publique, elle y voit un enjeu de dignité humaine.

La juriste et militante des droits humains a également pointé du doigt une autre inégalité encore trop peu débattue : la puissance paternelle dans le droit sénégalais.
« Le père reste souvent le seul détenteur de l’autorité parentale. Cette inégalité juridique profondément ancrée doit être abolie », a-t-elle martelé. Selon elle, il est urgent d’accorder aux mères les mêmes droits et responsabilités que les pères dans l’éducation et la prise en charge des enfants, condition indispensable pour lutter durablement contre les violences de genre.

Des chiffres insoutenables

Abdoulaye Tall, président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, a apporté un éclairage glaçant sur l’étendue du phénomène.
« Plus de deux millions de filles ont été ou risquent d’être victimes de mutilations génitales au Sénégal, avec des pics de 90 % dans certaines régions comme Kédougou. C’est intolérable. »

Face à ce constat, il a plaidé pour une application stricte de la loi et la relance du projet de Code de l’enfant, bloqué depuis plusieurs années dans les tiroirs de l’administration.

Pour le gouvernement, cette rencontre s’inscrit dans la vision du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye et son projet 2050 pour les droits de la famille et de l’enfance. Mamadou Ndoye, représentant du ministère de la Famille, a insisté : « Les violences faites aux femmes ne peuvent plus être reléguées au second plan. C’est désormais une priorité nationale. »

Un appel à rompre avec les hypocrisies politiques

La société civile n’a pas été en reste. Alioune Tine, fondateur de l’Africajom Center, a livré un plaidoyer sans détour, fustigeant l’instrumentalisation des droits humains au gré des intérêts politiques.
« Tant que les droits des femmes seront une variable d’ajustement, le Sénégal reculera. Il faut rompre avec les hypocrisies. »Ismaïla Diallo, vice-président de l’Assemblée nationale, a reconnu l’urgence de renforcer le cadre législatif. Selon lui, la loi criminalisant les mutilations génitales doit être révisée et appliquée avec rigueur. Il a également appelé à rouvrir le débat sur un nouveau Code de la famille, pour moderniser un texte hérité de structures patriarcales et dépassées.

À Saly, les mots ont été forts. Mais pour les millions de femmes et de filles victimes de violences, ce sont les actes qui comptent. Le Sénégal est aujourd’hui à la croisée des chemins : agir pour l’égalité et la dignité humaine ou continuer de détourner le regard face à une injustice persistante.