NETTALI.COM - Un gérant de multiservices a été victime d’une escroquerie bien rodée orchestrée par deux fonctionnaires de police en poste à Dakar. Les mis en cause ont subtilisé son téléphone et vidé ses comptes Wave et Orange Money. Retour sur une affaire qui jette un voile sombre sur l’intégrité de certains éléments des forces de sécurité.
Le 11 mai 2025, en début de soirée, I. Sow, gérant de multiservices, se trouve à l’Unité 9 des Parcelles Assainies lorsque deux individus en tenue policière l’interpellent sous prétexte d’un contrôle d’identité. Ne disposant pas de sa pièce sur lui, il est sommé d’aller la récupérer à son domicile. En guise de garantie, les prétendus policiers lui demandent de laisser son téléphone portable et de leur communiquer les codes d’accès à ses comptes Wave et Orange Money.
Confiant et respectueux de l’autorité, I. Sow s’exécute. À son retour, les deux policiers avaient pris la fuite avec l’appareil. C’est plus tard qu’il constatera des retraits massifs et frauduleux sur ses comptes de transfert d’argent.
Près de 3 millions dérobés en quelques heures
Au total, 2 900 000 francs CFA ont été détournés via plusieurs opérations menées dans différents points de retrait. Alertée, la Division spéciale de la cybersécurité (DSC) ouvre immédiatement une enquête.
Grâce à la géolocalisation et à la remontée des lignes téléphoniques utilisées pour les transactions frauduleuses, les enquêteurs parviennent à identifier les deux policiers : M. Kane (27 ans) et N. Ndour (28 ans), tous deux en service au Groupe opérationnel de Dakar.
Interpellés puis placés en garde à vue, les deux policiers passent aux aveux, confirmant le vol et les opérations frauduleuses. Ils reconnaissent également avoir revendu le téléphone de la victime pour 30 000 francs CFA.
Lors de son audition, M. Kane restitue 1,450 million de francs CFA à la victime, affirmant qu’il s’agissait de sa part du butin. Les montants restants n’ont pour l’heure pas été récupérés.
Le dossier a été transmis au parquet du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Dakar. Les deux mis en cause ont été déférés et placés sous mandat de dépôt pour association de malfaiteurs, vol et retraits frauduleux d’espèces via moyens électroniques. Ils comparaîtront devant le tribunal dans les prochains jours.
Un coup dur pour la réputation des forces de sécurité
Cette affaire, qui implique directement des membres en uniforme, jette un nouveau discrédit sur les forces de sécurité sénégalaises déjà pointées du doigt ces derniers mois dans diverses affaires de corruption et de bavures.
De nombreux citoyens expriment leur indignation sur les réseaux sociaux, dénonçant des dérives et appelant à un assainissement urgent des rangs policiers pour restaurer la confiance.
Ce type d’affaire n’est pas isolé. Les abus et détournements via les services de mobile money connaissent une recrudescence préoccupante, au point que les opérateurs et les autorités multiplient les campagnes de sensibilisation et les renforcements de sécurité.
Pour plusieurs analystes, cette affaire traduit aussi les défis sociaux et éthiques que traverse la corporation policière, confrontée à des conditions de travail difficiles et à des tentations facilitées par l’essor du numérique.
En attendant leur procès, cette affaire relance le débat sur la moralisation des services de sécurité et la protection des citoyens face aux dérives de certains de leurs protecteurs supposés. La hiérarchie policière, elle, n’a pour l’heure fait aucune déclaration officielle.