CHRONIQUE - Ne refusons pas le diagnostic ! Il y a, comme qui dirait, une vague à l’âme qui engourdit le pays. Une morosité qui s’est installée et dont les symptômes visibles ne sont pas que ces polémiques politiques stériles ou cet état de ruine annoncé qui est à même d’angoisser le plus blasé d’entre nous.
Approfondissons les analyses, auscultons mieux. Et on constatera que cet état clinique mérite quelques remèdes qui ne sauraient être une poudre de perlimpinpin ou une méthode Coué pour nous épargner l’abandon de soi. Ne cherchons pas aussi à user d’anxiolytiques ; ils ne nous feront pas sortir de cette anxiété tenace qui nous noue le ventre depuis plusieurs mois.
Après un an, les Sénégalais s’attendaient à vite distinguer une petite lumière qui scintille au bout du tunnel. Que si le chemin est long pour changer de système, et tout le monde en convient, au bout, nous serions aveuglés par une lumière crue un an juste après l’installation du duo de l’Exécutif. Que l’on respirerait goulûment des bouffées d’air frais. Pour ne pas faire saliver, n’ajoutons pas qu’à l’accueil au sortir de la passe difficile des premiers mois, des plateaux de victuailles nous seraient servis.
Le constat est qu’aujourd’hui, la DQ, la fameuse dépense quotidienne, est devenue insignifiante et le bol de riz manque carrément de substance pour nourrir la famille. On vit d’expédients dans beaucoup de ménages. Les rues sont encombrées d’étals qui proposent des mets cache-misère ou trompe-faim. Ce sont autant de preuves que la période est difficile : le Projet ne se mange pas pour l’heure.
Dans le monde rural, la période dite de ‘’soudure’’ est bien précoce. Les greniers se vident et la prochaine récolte n’est pas proche. Dans les semaines à venir, la pluie que la météo annonce abondante cette saison va peut-être donner espoir aux paysans. Mais les ventres sont déjà tenaillés par la quasi-disette saisonnière. Espérons qu’elle ne sera pas aussi dure que dans les années 1970 ou 1980. Espérons comme le président Faye qui semble bien optimiste. En le voyant se rendre à Dakar Arena le week-end dernier, avec décontraction, on a envie de croire avec le président Faye que tout va mieux.
Le président Diomaye a donc été au stade pour assister à des matches de la Basketball African League (Bal). Il faut peut-être y voir un intérêt nouveau pour le sport et une sérénité qui fait plaisir. Ce qui nous change des discours démoralisants. Entre Sonko qui estime l’opposition politique résiduelle et Diomaye qui s’amuse à Dakar Arena, il y a deux attitudes en porte-à-faux. Si Sonko est dans sa logique, Diomaye semble vouloir communiquer autrement. En allant regarder des matches de basket et rencontrer des personnages de l’’’entertainment’’ africain, le président Faye voudrait-il nous faire croire que l’on n’a pas à se faire du mouron, d’autant plus qu’il est annoncé que le taux de croissance de notre économie est le plus élevé d’Afrique ?
Désormais, peut-on se permettre des jeux ? Des loisirs ? C’est un visage nouveau qu’affiche le président Faye en attendant que son chef de gouvernement fasse pareil.
Depuis un an, ce n’est pas la gaieté dans le pays, sauf peut-être pour les partisans heureux d’avoir vaincu Macky et ses fidèles qui se serrent dans des charrettes pour l’échafaud. Mais plutôt que des jeux, les Sénégalais auraient sans doute souhaité avoir le pain d’abord, parce que comme hier, cela se disait, un taux de croissance, ça ne se mange pas. Et le pain, il est inaccessible, pour ne pas dire que les trois repas quotidiens sont devenus un exploit pour les familles. Pire, le repas chaud n’est plus servi quotidiennement. Que le prix du gaz baisse ou pas, les cuisines sont froides. Les marmites ne bruissent plus, parce que faire la cuisine coûte beaucoup trop cher pour la poche des chefs de ménage.
Alors malgré cette morosité palpable, Diomaye essaierait donc de nous vendre des jeux et son PM continue de servir des aigreurs. Cependant, le premier aurait-il dû attendre que le second nous serve abondamment du pain avant de nous inviter à Dakar Arena. Bof !, diraient certains : n’exigeons pas l’impossible ! Jouissons de ce spectacle au tribunal digne du Colisée d’antan dans l’arène duquel les damnés meurent pour le plaisir de la plèbe qui, repue du sang des condamnés, oublie sa vie médiocre et sa désespérance d’avoir mieux. On a le bonheur qu’on peut se donner.
Et puis, on est censé ne pas être aussi paumé que cela. Il est, en effet, rapporté dans le quotidien ‘’L’Observateur’’ que le Sénégal est classé 107e pays… plus heureux sur 147 au monde dans une étude de Wolrld Happiness Report 2025*. Les non-classés (47) seraient donc les pays dans le malheur. Les ‘’pays de merde’’ dans le jargon ‘’trumpien’’. Ne nous réjouissons pas de notre classement, il n’y a que 40 rangs qui séparent notre pays du dernier, l’Afghanistan. À défaut de pain, mais avec des jeux et un classement qui nous fait croire au bonheur, ne boudons pas notre plaisir. La morosité est dépressive.
* https://happiness-report.s3.useast-
1.amazonaws.com/2025/WHR+25.