NETTALI.COM - L'Assemblée nationale a levé ce vendredi l'immunité parlementaire du député Farba Ngom. Les députés de la coalition "Takku Wallu" ayant boycotté, 136 députés ont voté dont 10 ont voté par procuration.
La députés, réunis en plénière, ont démarré peu après 11 heures l’examen des conclusions de la commission ad hoc de l’Assemblée nationale chargée de statuer sur la demande de levée de l’immunité parlementaire du député Mouhamadou Ngom dit Farba. La commission ad hoc, instituée pour auditionner Mouhamadou Ngom, député du groupe parlementaire Takku Wallu Sénégal, avait soumis ses conclusions en début de semaine.
Cette commission est composée de onze membres, à savoir neuf députés groupe parlementaire Pastef Les Patriotes, un du groupe Takku Wallu et un représentant des non-inscrits.
Avant le vote, prenant la parole, la présidente du groupe parlementaire Takku Wallu Sénégal, Me Aissata Tall Sall, défenseur de Farba Ngom, a qualifié de “grave” l’exercice auquel s’est prêtée l’Assemblée nationale. “Notre Assemblée nationale a rendez- vous avec l'histoire parce qu'elle nous a demandé de poser un acte grave et solennel en enlevant l'immunité parlementaire d'un collègue député. Serions-nous à la hauteur de la gravité de l'acte qui nous a été demandé de poser ? Je l'espère, je prie sincèrement que nous puissions être à la hauteur de la gravité et de la solennité de l'acte qui nous a été demandé de poser”, a-t-elle déclaré, tout de blanc vêtu, avec une écharpe aux couleurs du drapeau national, comme tous les autres membres de la coalition Takku Wallu.
Elle cite l'Apôtre Paul, qui disait à ses fidèles : “Si le ministère de la condamnation est glorieux, le ministère de la justice est encore plus glorieux que celui de la condamnation.” Aïssata Tall Sall d’ajouter : “Oui, il avait tout à fait raison… Avons-nous été justes avec notre collègue ? Avons-nous posé et soupesé avant de prendre la décision ? Bien sûr que non.” Avons-nous été justes pour transmettre un dossier entre guillemets, quatre lettres de transmission sur deux feuilles volantes ? Si c'est ça un dossier, on est loin de l'idée qu'on se fait de notre mission. Avons-nous été justes vis-à-vis de notre collègue Mouhamadou Ngom lorsqu'il aura suffi dix jours, samedi et dimanche compris, pour s'appuyer dans la précipitation sur cette demande de levée de l'immunité parlementaire ? Avons-nous été justes, lorsque nous sommes juges le jour et procureurs impitoyables la nuit ?”, a-t-elle interrogé.
Aïssata Tall Sall considère que c’est pour la première fois qu’une demande de levée du ministère a suscité “autant de débats, autant de controverses et autant de polémiques”. Il a fallu quand même décider. “Voyez-vous, Monsieur le Président, je m'en vais terminer sans presque plaider, sans presque vous dire ce que nous devons faire pour notre honorable collègue. Savez-vous pourquoi ? Parce que notre honorable collègue n'a jamais voulu venir ici pour demander une quelconque protection. Il ne l'a jamais demandée”, a soutenu la députée.
De son côté, membre du groupe Takku Wallu Sénégal, le député Dawa Diallo a exprimé toute sa tristesse. “C'est une journée triste pour l'Assemblée nationale, surtout pour Takku Wallu, parce c’est notre camarade Mouhamadou Ngom qui est concerné par cette affaire. C’est extrêmement triste de devoir lever l'immunité parlementaire d’un député, quelle que soit son appartenance politique”, a-t-il dit, regrettant le fait que le fond du dossier ne soit pas remis au défenseur de l'accusé.
Président de la commission ad hoc : “Il n'y a jamais eu de précipitation, ni d'accélération de la procédure.”
Mais Aissata Tall Sall a estimé que Farba n’a pas refusé de comparaître. Selon elle, il a été retenu, dès le début de la procédure, que c’est elle qui sera son défenseur. Et qu’il a choisi l’option de la présence uniquement de son défenseur, afin de “mettre à l’aise les membres de la commission ad hoc et de leur permettre de travailler librement”.
Les députés du Pastef ont apporté des réponses par rapport à la dénonciation de la procédure du dossier. “Les droits de nos collègues, comme nous le comprenons, étaient respectés conformément aux dispositions des articles 61 de la Constitution, 52 et 34 du règlement intérieur de l'Assemblée nationale”, a déclaré le président de la commission ad hoc, Abdoulaye Tall.
“À ma première observation, il n'y a jamais eu de précipitation ni d'accélération de la procédure, dans ce sens que l'Assemblée a été saisie le 10 janvier. Aujourd'hui, nous en sommes au 24 janvier, donc deux semaines après que l'appel a été convoqué pour statuer sur la levée ou non de la liberté parlementaire du député concerné, contrairement à ce qui se faisait”, a-t-il déclaré le vendredi 23 janvier.
De plus, Abdoulaye Tall soutient que la commission ad hoc ne saurait être confondue avec la commission d’enquête parlementaire qui dispose de larges pouvoirs d’investigation : “Elle n’est ni un organe de poursuite, ni un cabinet d’instruction et encore moins une instance juridictionnelle. En l’espèce, c’est le pouvoir Judiciaire qui sollicite la collaboration du pouvoir Législatif dans le cadre de la procédure de levée de l’immunité parlementaire d’un député sur des faits déterminés en se basant notamment sur des rapports de la Centif, à la suite de déclarations de soupçon qui obligent le parquet financier à saisir immédiatement le juge d’instruction.”
Qualification des faits
C’est le 20 janvier dernier qu’Aïssata Tall Sall, défenseur du député Mouhamadou Ngom, a sollicité la mise à sa disposition des pièces du dossier relatif à la présente procédure de levée de l’immunité parlementaire, selon le président de l’Assemblée nationale. Ce dernier dit avoir répondu favorablement à cette requête en lui transmettant les copies de toutes les pièces, à savoir : lettre du ministre de la Justice, garde des Sceaux adressée au président de l’Assemblée nationale et transmettant la correspondance du procureur général près la Cour d’appel de Dakar portant sur la demande de levée de l’immunité parlementaire du député Mouhamadou Ngom, formulée par le procureur de la République financier près le Pool judiciaire financier (PJF) ; lettre du 3 janvier 2025 adressée au ministre de la Justice, garde des Sceaux du procureur général près la Cour d’appel de Dakar pour transmettre la demande de levée de l’immunité parlementaire ; lettre n°18 Conf/PF/PJF/MJ du 3 janvier 2025 du procureur de la République financier adressée au procureur général près la Cour d’appel de Dakar portant demande de levée de l’immunité parlementaire d’un député ; demande motivée du procureur de la République financier datée du 3 janvier dernier.
Il résulte des rapports de la Centif, selon le procureur, des faits susceptibles d’être qualifiés d’association de malfaiteurs, blanchiment de capitaux, escroquerie portant sur les deniers publics, trafics d’influence, fraudes fiscales, abus de biens sociaux et de complicité dans la commission des trois premières infractions.
A noter que la présidente du groupe parlementaire Takku Wallu, Aïssata Tall Sall, a déclaré, mardi, avoir décidé de ne pas s’associer aux travaux de ladite commission, en guise de protestation contre le fait de n’avoir pas reçu le dossier de M. Ngom Farba Ngom dont elle assurait la défense.