NETTALI.COM - Candidate à la Présidentielle de février 2024, la directrice générale de Sedima, Anta Babacar Ngom, devra batailler ferme pour lever les nombreux obstacles sur son chemin. Longtemps la cible de plusieurs attaques, la présidente d’Alternative pour une relève citoyenne (ARC)s’est tiré une balle dans le pied en voulant se défendre de certaines attaques la présentant comme un enfant gâté qui ne connait pas ce que c’est la pauvreté.

Elle s’appelle Anta Babacar Ngom Diack. Ngom comme son père le fondateur du groupe Sedima qui a fait, en 2022, un chiffre d’affaires autour de 60 milliards F CFA (source “Jeune Afrique”). Diack comme son époux, le redoutable enquêteur, le lieutenant-colonel Issa Diack, ancien patron de la Section de recherches de la gendarmerie nationale. Longtemps sous l’ombre de son père, Anta a pris dernièrement une ascension fulgurante dans l’espace public sénégalais. Dans les affaires, la jeune dame dirigeait déjà l’entreprise familiale depuis 2016. Mais c’est surtout en politique qu’elle a réussi à se faire connaitre du grand public, réussissant presque à faire “oublier” son célèbre papa, le temps de la Présidentielle de février 2024 dans laquelle elle est engagée comme candidate, parmi les rares femmes, les plus jeunes, avec moins de 40 ans. Née dans la banlieue dakaroise à Pikine en 1984, la présidente du mouvement Alternative pour une relève citoyenne (ARC) est l’une des sensations de la prochaine présidentielle. Va-t-elle passer le cap des parrainages ?

C’est au mois d’aout qu’elle avait lancé en grande pompe sa candidature au Grand Théâtre. “C’est parce que je veux faire renaitre l’espoir que je me présente à l’élection présidentielle du Sénégal…”, clamait-elle devant une foule complètement acquise à sa cause. Requinquée par les applaudissements de ses supporters, elle enchainait : “Mesdames et messieurs, nous sommes confrontés à des défis majeurs qui ébranlent notre cohésion sociale, notre économie et notre confiance envers les symboles de l’État. Aujourd’hui, plus que jamais, il est temps de marquer de vraies ruptures et de proposer de réelles solutions... Le temps de la relève est arrivé, le temps des citoyens est arrivé…”

Dès l’annonce de sa candidature, Anta a été la cible de nombreuses attaques. Les unes plus violentes que les autres. Pour beaucoup d’observateurs, la jeune candidate est surtout victime des déboires de son père réputé homme d’affaires intraitable, accusé, à tort ou à raison, d'accaparer les terres des “pauvres” et “valeureux” paysans de Ndingler. Présentée comme une fille de riche qui ne comprend rien de la souffrance des Sénégalais, souvent lynchée et persécutée sur les réseaux sociaux, la candidate a passé une bonne partie de son temps à se défendre, à essayer de convaincre qu’elle n’est pas née avec une cuillère en or dans la bouche.

 “Je suis née dans une famille démunie. J’ai vu ma mère dire qu’elle est rassasiée alors qu’elle n’avait pas mangé. C’est à l’âge de 12 ans que j’ai connu l’électricité dans notre maison ; c’est à cet âge que j’ai connu également l’eau de robinet. Toute ma vie, je me réveillais à 4 h pour aller à l’école, en ville. Vous savez, les enfants ont comme animaux de compagnies des chiens… Moi, mon animal de compagnie c’était les serpents. Je vous dis des réalités. J’ai grandi dans cette ferme, j’ai connu la faim et la soif, j’ai connu des maladies comme la gale et la variole… Je suis donc un témoin du succès de mon père ; je connais ce que c’est la pauvreté…”

L’histoire était attendrissante, le ton vraiment triste. Seulement, Anta a plus fait rire qu’émouvoir. Elle n’a pas été aidée par les nombreux témoignages qui ont suivi son storytelling et qui, tous, démontraient, preuves à l’appui, qu’il y avait une bonne dose d’exagération dans le récit de la néo-politicienne. Sans doute une volonté de se départir coute que coute de l’image d’enfant gâté, de fille de… que certains de ses détracteurs lui collent, parfois méchamment, pour la décrédibiliser. À en croire cette ancienne camarade de classe qui réagissait sur Facebook, il y a plus de contrevérités dans le récit de la candidate. “Anta Babacar, l’apostrophait-elle, please stop ! You are not serious. Tu parles, tu racontes des mensonges sans gêne. Nous qui sommes tes camarades de classe de primaire et de secondaire à l’Immaculée Conception de Dakar, nous te connaissons très bien. Rappelle-toi de la visite pédagogique que l’école avait organisée en 1996 pour visiter les locaux de la Sedima. Pourtant, on avait 12 ans à l’époque et on faisait le CM2. Nous avons tous visité chez toi ; c’était une grande et belle maison remplie de lumière”.

Brillante et travailleuse

Malgré ces anecdotes qui ont porté un coup à son ascension, la candidate est réputée être brillante et travailleuse. Après avoir fait ses humanités à l’Immaculée Conception de Dakar, elle a intégré le Lycée international bilingue, actuel collège Waca (West African College of the Atlantic) aux Almadies, où elle a décroché la même année trois Bacs, disait-elle (le Bac sénégalais, le Bac international et le Bac américain). Le diplôme en poche, elle s’envole d’abord pour la France, puis au Canada où elle a passé une bonne partie de ses études. Ses compétences ne font l’ombre d’aucun doute, selon ses collaborateurs. Titulaire d’un Master 1 en économie obtenu à York Université à Toronto, d’un Master 2 en management international de projets et NTIC à l’université de Paris Dauphine et d’un Exécutive MBA en communication à Sciences Po à Paris, Anta Babacar Ngom a rejoint l’entreprise familiale en 2009. Peu à peu, elle a gravi les échelons jusqu’au poste de directrice générale. Auparavant, elle a été stagiaire, directrice en charge de la Stratégie et du Développement, avant de devenir DGA, puis DG de l’entreprise. Son rêve, informait “Jeune Afrique”, c’est de porter le chiffre d’affaires de la société à 100 milliards F CFA à l’horizon 2025. Politiquement engagée, la directrice générale de la Sedima est réputée également très famille. Une qualité qu’elle tient sans doute de son père qui a toujours mis en avant le rôle de son épouse et de ses enfants dans le business. Dans une interview diffusée sur la chaine Synapse en 2013, M. Ngom disait : “Le travail et la vie de famille se sont confondus pendant longtemps et jusqu'à aujourd'hui. On s'est marié en 1980 et on a décidé d'aller habiter dans la ferme. À l'époque, il n’y avait pas d'électricité. À la limite, on n'était pas véhiculé. Elle (son épouse) prenait le transport en commun pour aller à Malika. Entre la ferme et Malika, c’est au moins 4,5 km. Avec Keur Massar, c’est au moins 5 km. Dans cette ferme où l’on n’a pas de voisin sur un rayon de 4-5 km, on a habité tous les deux ; ils n'étaient pas encore nés (il désignait ses enfants sans distinction). Il n’y avait pas une semaine où on ne tuait pas un serpent dans la ferme. Parce que ce n'était pas clôturé.”

La cause des femmes

Engagée pour la cause des femmes, Anta Babacar a toujours clamé son attachement pour les mêmes valeurs familiales. Pour elle, la vie de famille ne saurait être un obstacle pour la femme. “Aujourd’hui, il y a un réel complexe chez les femmes qui se demandent si elles sont en mesure d’allier vie familiale et vie professionnelle. Je suis une femme mariée épanouie, avec deux enfants et je suis directrice générale d’une entreprise qui compte 780 collaborateurs : tout est une question d’organisation”, disait-elle dans une interview en 2016. Alors que certains doutent toujours de ses intentions réelles pour la Présidentielle, elle et ses collaborateurs persistent et signent : c’est de devenir la première femme présidente de la République du Sénégal, la plus jeune femme à la tête d’un État dans le monde. Parmi ses priorités, il y a l’éducation pour tous avec l’enseignement de l’anglais, mais aussi le renforcement de l’indépendance de la justice. Son premier électeur sera sans doute son père dont les propos ont été rapportés à “EnQuête”. “Son père a toujours estimé qu’un entrepreneur doit se garder de faire de la politique. C’est, d’une part, pour garder son indépendance ; d’autre part, pour éviter de prendre des coups inutiles”, rapporte notre interlocuteur. Face à la détermination de sa fille, il a un peu changé d’avis. “Sa candidature est une demi-surprise pour moi. Je dois dire qu’Anta ne fait ni un pari ni un caprice. Elle a l’amour du Sénégal chevillé au corps depuis toute petite. Malgré ses études brillantes à l’international, son ambition a toujours été de réussir ici, au Sénégal. Elle a toujours cru à notre immense potentiel. Elle pense aujourd’hui pouvoir apporter sa réussite et son ambition comme modèle pour que les jeunes comprennent que tout est possible. Si elle m’a convaincu, je pense qu’elle réussira à convaincre tous les Sénégalais”.