NETTALI.COM - C'est fait, LeBron James est le marqueur le plus prolifique de l'histoire de la NBA. Le "King" des Los Angeles Lakers a dépossédé Kareem Abdul-Jabbar, lui aussi star de la franchise de L.A., détenteur du record depuis près de 40 ans. Dans ce laps de temps, quelques légendes se sont approchées de la marque sans pouvoir la battre. Ce qui a conduit à penser qu'Abdul-Jabbar était intouchable.

Abdul-Jabbar savait-il ? Savait-il que quelque part dans un coin perdu des Etats-Unis, à Akron (Ohio) allait naître celui qui le détronnerait un jour ? Ce 5 avril 1984, "KAJ" est sur le toit du monde, il vient d'effacer les 31 419 points de Wilt Chamberlain sur un "skyhook", ce bras roulé qui descend du ciel, son shoot signature. Ce record, la légende des Lakers, le portera à 38 387 points le 23 avril 1989, date de son dernier match de saison régulière. Se pensait-il intouchable à cette hauteur ? Peut-être. Mais 269 jours après sa prise de pouvoir, le 30 décembre 1984, LeBron James poussait son premier cri. Et l'histoire était en marche.

Il faut bien comprendre à quel point la NBA fut chamboulée quand Kareem Abdul-Jabbar a dépassé l'immense star, sûr et en dehors du terrain, Wilt Chamberlain. Le pivot légendaire n'est pas là ce soir-là et il goûte moyennement les honneurs reçus par son successeur. "Il y a certaines choses qui me dérangent à propos de ce record, glisse-t-il au New York Times. Si c'est si génial, eh bien, ce n'est qu'un record parmi les 90 que j'ai détenus. Il faut me mettre dans un monde à part". Ce jour-là, "l'échassier" (c'est son surnom) voit sa légende un peu abîmée. Ce qui arrive aussi à Kareem Abdul-Jabbar 39 ans plus tard.

JORDAN, LA PREMIÈRE MENACE

Dans l'euphorie de cette soirée californienne d'avril 1984, certains, Jeanie Buss, la fille du propriétaire de l'époque (Jerry Buss) et boss actuel de la franchise, par exemple, ont pu avancer que ce record serait intouchable. Pensez donc que le numéro 33 des Lakers venait de faire mieux qu'un joueur qui avait dominé son temps, statistiquement en tout cas, comme personne. Et comme "KAJ" devait prolonger l'aventure jusqu'à ses 41 ans, tout en restant un joueur solide, cette marque de 38 387 points paraissait bien intouchable.

Pourtant, en 1989, la menace avait déjà un nom et un visage : Michael Jordan. Après cinq saisons dans la Ligue, celui que l'on taxe alors d'individualiste, celui dont on doute qu'il sera un jour champion, pointe à 11 263 points. Après cinq saisons, Jabbar avait mis la barre plus haut : 12 262. Mais Jordan fut blessé pour son année de sophomore. S'il maintient ses standards, "His Airness", le scoreur le plus talentueux de l'histoire, peut aller haut, très haut. Mais même Jordan n'aura pas tout ce qu'il fallait, et pourtant Dieu sait qu'il avait beaucoup, pour atteindre les hauteurs d'Abdul-Jabbar.

A ce rythme qui était le sien, à savoir 2 400 points par saison environ, Jordan aurait pu être à plus de 33 000 points en 1998 s'il n'avait pas pris sa première retraite en 1993. Le tout après 14 saisons NBA quand Jabbar a usé ses chaussures pendant 20 ans dans la Ligue. Oui, "MJ" aurait pu battre ce record. Seulement, il ne le voulait pas... "Oubliez Jabbar. Je n'ai pas l'intention de jouer près de vingt ans", avait-il répondu à une journaliste, anecdote rapportée dans sa biographie, "The Life".

1 500 MATCHES À 25 POINTS OU 1 400 À 27

C'est toute l'équation impossible de ce record. Il faut être excellent, et même plus que ça, pour espérer s'en approcher mais ça ne suffit pas. Vous devez aussi être prêt à jouer pendant longtemps, très longtemps tout en conservant un niveau de jeu exceptionnel. Puisque nous sommes dans le monde des chiffres, en voici qui permettent de saisir un peu mieux l'immensité du record que LeBron James a battu :

A 25 points de moyenne en carrière, il fallait disputer plus de 1 500 matches pour battre Abdul-Jabbar (1560 matches au compteur)

A 27 points, le nombre de matches nécessaires descend à plus de 1400.

LeBron ne va pas s'arrêter là : "Je sais que je peux jouer encore quelques années"

Ils ne sont que cinq dans l'histoire de la NBA à avoir joué plus de 1 500 matches de saison régulière, onze à afficher une moyenne de 25 points ou plus. Et s'ils sont onze aussi à avoir joué plus de 1 400 rencontres (dont LeBron James), six doigts suffisent pour compter ceux qui dépassent la barre des 27 points de moyenne (dont LeBron James évidemment). Impossible équation donc, ou presque.

A ce jeu-là, Karl Malone n'était pas loin. Surnommé "The Mailman" (le facteur) pour sa régularité, l'ancien intérieur du Jazz a foulé 1 476 fois les parquets NBA pour une moyenne de 25,02 points. Une immense carrière donc et pourtant il est venu mourir à 1 459 points du record. Quand Malone a quitté le Jazz pour les Lakers à l'été 2003, Jabbar avait compris que la menace s'était éloignée. Car le musculeux Malone se blessait enfin. Et d'un coup, il n'a plus joué 80 matches mais 42 tout en passant de 20 à 13 points de moyenne.

NI MALONE NI BRYANT…

Cette saison-là aux Lakers, Malone côtoie un joueur qui passe pour le successeur de Jordan. Même style, mouvements copiés, même mentalité, Kobe Bryant se veut le mâle alpha de la ligue. Il sort d'une saison à 30 points de moyenne alors qu'il n'a que 24 ans. Une menace ? A 34 ans, après 17 saisons NBA, Kobe Bean Bryant grimpe à 31 617 points. Il lui manque donc un petit 7 000 points pour rattraper Jabbar, soit trois saisons et demie au rythme qui est le sien. Mais en cette fin de saison 2012/2013, il se rompt le tendon d'Achille. Jabbar a compris.

"Battre mon record de points en carrière va être très compliqué pour lui, juge-t-il. S'il a l'intention de le battre, il va devoir se concentrer uniquement sur l'attaque. Mais son corps est en pleine chute." Bryant aura assez d'essence dans le réservoir pour "tuer" le roi Jordan et le dépasser au scoring, pas assez pour ne serait-ce que pour se rapprocher du record ultime. Jordan, Malone, Bryant… Des années 1980 à aujourd'hui, vous tenez à peu près là ce qui s'est fait de mieux soit en termes de scoring, soit en termes de longévité, soit les deux. Pourtant, aucun de ces trois n'a battu le record individuel le plus prestigieux de l'histoire de la NBA.

LES 40 000 POINTS POUR LEBRON JAMES ?

Comprenez-donc l'immense tâche réussie par LeBron James. Non seulement le "King" est arrivé tôt dans la Ligue (19 ans), sautant la case université, non seulement il a commencé fort (27 pts de moyenne dès sa 2e saison) mais en plus il dure (20 saisons en NBA) tout en ne se blessant pas, ou très peu, jusqu'à son arrivée aux Lakers au tournant des 35 ans. Et puisque LeBron est LeBron, il a compensé ce manque de matches par une aptitude à marquer toujours plus, franchissant la barre des 30 points de moyenne la saison dernière pour la… troisième fois de sa carrière seulement, la première depuis 2007/2008.

Hasard ou pas, c'est l'année de ses 39 ans que Kareem Abdul-Jabbar avait vu sa moyenne de points chuter lourdement. Le géant avait poussé jusqu'à 41. En décembre, LeBron James aura… 39 ans. Ira-t-il jusqu'à ses 41 printemps ? Il n'y a, aujourd'hui, aucune raison de penser le contraire, d'autant plus qu'il a avoué vouloir jouer avec son fils qui devrait débarquer en NBA pour la saison 2024/2025. La barre des 40 000 points ne devrait pas lui résister. Et ce record sera sans doute considéré par ses contemporains comme intouchable. Mais d'ici-là, son successeur aura peut-être, à son tour poussé son premier cri.

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