NETTALI.COM- Intervenant à l’audience de rentrée solennelle des Cours et tribunaux, le Bâtonnier de l’ordre des avocats  n’a pas fait dans la dentelle pour dénoncer les attaques contre la justice, le comportement de certains acteurs judiciaires. Me Mamadou Seck a aussi plaidé pour de meilleures conditions de travail pour ces derniers.

De meilleures conditions de travail pour les acteurs de la justice. C’est ce que plaide le Bâtonnier de l’Ordre des avocats du Sénégal à travers son discours prononcé lors de l’audience de rentrée solennelle des Cours et tribunaux, tenue ce lundi 23 janvier 2023 à la Cour suprême. « Leur investissement et leur sens du service les conduisent, en dépit de conditions de travail souvent difficiles, et à bien des égards perfectibles, à assurer leur office. Oui, malgré les efforts notés, la justice souffre de la pénurie de moyens humains et matériels, lesquels impactent son fonctionnement normal », s’est désolé Me Mamadou Seck.

Outre le déficit de moyens, il a fustigé les attaques contre la justice. « Notre justice n’a pas été épargnée ces derniers temps, où nous avons été témoins plus généralement d’une confrontation entre les institutions et les citoyens, dont les formes comme les raisons ont pu laisser perplexes certains. Les commentaires sont aisés, fréquents, rarement convergents et les attentes des uns et des autres souvent teintées de contradictions », relève l’avocat.

Il poursuit : « quand les réseaux sociaux cherchent à s’imposer au droit et à la justice, quand le principe même d’autorité est rejeté, quand le triomphe de droits subjectifs illimités est revendiqué avec âpreté sur des bases à géométrie variable, quand les décisions sont aussitôt contestées voire vilipendées, les acteurs de la justice sont interpellés au plus haut point pour que la justice ne tende pas à devenir le patient de son propre système judiciaire. »

Fort de ce constat, Me Seck fait remarquer que « le déficit de confiance et la défiance des citoyens à l’égard de leur justice jettent de façon dommageable le soupçon sur une institution qui ne le mérite pas et qui doit être respectée, car la justice est rendue au nom des citoyens, lesquels doivent s’y reconnaitre et s’y soumettre pour qu’elle reste ce pilier de l’Etat de droit. »

Dans cette situation décrite, le Bâtonnier pointe du doigt le comportement des acteurs de la justice. « Le respect dû à la justice est uniquement, ou à tout le moins en grande partie, le rôle de ses acteurs qui doivent en tout temps et circonstances se rappeler son sens de vertu et les exigences des responsabilités qui déterminent leur place dans la société », dit-il. Et de marteler : « Notre justice doit être protégée, défendue par ceux qui l’animent et qu’elle transcende, pour être la plus parfaite possible. Ils doivent se rappeler que la justice est aussi une vertu personnelle et un niveau d’excellence morale »

Poursuivant sa plaidoirie, Me Seck assène : « Chers magistrats, Chers avocats, Chers auxiliaires de justice, ce que l’on peut appeler un affaiblissement de l’autorité judiciaire procède certes d’un état d’esprit de certains citoyens mais, reconnaissons-le aussi, est entretenu de l’intérieur de l’institution par certains de nos comportements. »  A son avis, « les acteurs de la justice doivent être irréprochables, les magistrats exerçant leur magistère avec indépendance et impartialité et les avocats assurant la Défense dans la dignité, l’honneur, le courage et en toute indépendance. » « Les acteurs de la justice que nous sommes, avons tout pour jouer notre partition surtout que nous avons tous, un jour, prêté serment d’être indépendants et dignes pour ne citer que ces deux principes essentiels qui nous caractérisent », rappelle-t-il. Soulignant que l’indépendance est une manière d’être, il estime que « c’est à tort que nous reprochons à l’exécutif ou au politique et à d’autres de la restreindre ou d’y faire peser des contraintes. »

« Les plans de carrière, les relations politiques, les relations sociales, les relations douteuses entre les acteurs de la justice, l’incompétence ou l’absence de conscience professionnelle, la corruption ne doivent pas résister un instant à l’indépendance, la dignité, l’impartialité,  l’exigence de bonne qualité de la justice et la protection des intérêts de la société. La capacité à résister aux influences extérieures ne peut nous valoir que considération et respect » souligne Me Seck.

Les avocats aussi en ont pris pour leur grade « Le spectacle que donnent aujourd’hui certains avocats, sorte d’employés de leurs clients, n’honore pas cette noble profession et remet totalement en cause leur rôle d’acteur de la justice », fustige le Bâtonnier.  Aussi promet-il que « l’Ordre des Avocats s’attellera, en ce qui le concerne, à travailler à « redresser la barre », pour favoriser le développement de la confiance des citoyens dans l’autorité judiciaire. »

Pour finir, Me Seck rappelle aux justiciables qu’ils ont le droit de demander des comptes mais, dit-il, « ils doivent bannir tout comportement qui entrave le bon fonctionnement de la justice qui n’est pas un service public comme un autre, mais un pilier de la démocratie, le régulateur de l’Etat de droit.»