NETTALI.COM - En plus de permettre au public de connaître la vérité sur un sujet devenu d’intérêt national, le Bureau politique du parti de l’opposition demande une enquête parlementaire pour faire la lumière sur cette affaire.

L’ audition du leader du Pastef/Les patriotes, le 3 novembre dernier, continue d’alimenter la vie politique sénégalaise. Depuis que les détails de ce tête-à-tête entre le doyen des juges Omar Maham Diallo et l’opposant accusé de viol ont été exposés à tous, c’est le refus du mis en cause d’effectuer un test ADN qui prête à interprétations. Mais pour les responsables de son parti, la question n’est pas là. ‘’Lors de cette audition, Ousmane Sonko a établi le complot dont il s’est toujours dit victime. Il dit avoir mis sur la table du juge des pièces à conviction irréfutables dont, jusqu’ici, personne ne conteste ni l’existence ni la véracité du contenu. (…) Si la justice veut une manifestation de la vérité, il n’y a qu’à déclassifier le rapport que le président Ousmane Sonko dit qu’il le disculpe totalement et qu’il dit avoir mis à disposition du juge’’, réclame Bassirou Diomaye Faye. Le secrétaire général du Pastef s’exprimait hier, lors d’une conférence de presse organisée par le nouveau porte-parole du parti. Et l’homme ne s’arrête pas là. ‘’C’est dans ce cadre, ajoute-t-il, que notre parti, Pastef/Les patriotes, a saisi l’Assemblée nationale pour demander que ce rapport soit déclassifié et mis à la disposition du peuple sénégalais qui a besoin de savoir’’.

Le fameux rapport est une enquête interne de la gendarmerie qui a été brandie par l’opposant à la sortie de son audition et qui comporterait, selon lui, les preuves que de hautes autorités ont fomenté un complot à travers les accusations de viol dont il fait l’objet de la part d’une jeune masseuse. Pour le militant patriote, «s’il peut être établi par la déclassification du rapport allégué que le complot est vrai et vérifié, et que les personnes citées sont réellement impliquées, aucun voile de secret ne doit entourer ce rapport. L’Assemblée nationale doit mettre en place une commission parlementaire inévitable pour situer les responsabilités et sanctionner les comploteurs dont les viles actions ont causé la mort de 14 Sénégalais, sans compter les dégâts matériels et les amputations’’. «Sonko ne donnera pas une demi-goutte de sang… pour qu’on le donne à on ne sait qui’’.

Les membres du Bureau politique du Pastef estiment que c’est ce dont la justice a besoin pour dire le droit, ‘’mais pas du sang du président Ousmane Sonko dont rêvent certains pour aller voir on ne sait qui’’. Les histoires autour de ce test d’ADN dépassent les cadres scientifique et judiciaire, et semblent constituer un enjeu au-delà du rationnel. C’est dans cet esprit, assure Bassirou Diomaye Faye, «une chose est sûre : le parti Pastef/Les patriotes n’aurait jamais laissé le président Ousmane Sonko donner, ne serait-ce qu’une demi goutte de son sang à des personnes qu’il accuse, preuves irréfutables à l’appui, d’être impliquées dans un complot visant à le liquider politiquement. Et il ne le fera jamais’’.

Ce premier exercice de communication du nouveau Bureau politique du Pastef a permis au parti de montrer qu’il ne verse pas dans la violence gratuite. Malgré la grosse tension qui a accompagné l’audition du plus grand opposant du régime, il n’y a pas eu de heurts, contrairement à sa première convocation qui avait conduit à de violents troubles en mars 2021. La raison est toute simple, assure le secrétaire général du Pastef : «Au-delà de la bunkérisation de son domicile et de la restriction de la liberté d’aller et de venir de membres de son parti, l’audition du président Ousmane Sonko s’est bien passée, comme il avait appelé les Sénégalais à le faire. Si cela s’est fait dans la sérénité, c’est parce que ses droits fondamentaux ont été respectés, contrairement à mars 2021. Tant qu’il en sera ainsi pour n’importe quel leader de l’opposition, les choses se passeront normalement.’

 Les raisons d’une audition dans le calme

N’empêche qu’au cours de cette rencontre avec le juge, la garde rapprochée du maire de Ziguinchor a été arrêtée. Cinq de ses plus proches gardes du corps ont d’ailleurs été placés sous mandat de dépôt, suite à des accrochages survenus lors d’une opération de visites de proximité dans la région de Mbour. Des arrestations ‘’partisanes’’, de l’avis du militant patriote qui fustige que malgré la présence massive de gendarmes autour du convoi de l’opposant, ‘’cela n’a pas empêché qu’il soit attaqué à Thicky, que des véhicules soient caillassés et que des militants soient blessés’’. Tout cela ne représente que de nouvelles provocations, selon l’inspecteur des impôts. Toutefois, rassure-t-il ses partisans, le ‘’Némeeku Tour’’ va se poursuivre dans le calme. «Ces visites sobres du Sénégal des profondeurs dans le calme et la sobriété vont se poursuivre. N’en déplaise au président Macky Sall et à ses souteneurs. Les provocations qu’on a notées, avec finalement l’arrestation des gardes du corps du président Ousmane Sonko, n’y feront rien’’.

Malgré tout, les patriotes interpellent les autorités religieuses, les régulateurs sociaux, pour parler au président Macky Sall, «afin qu’il arrête les provocations, brimades et persécutions, pendant qu’il est encore temps. Il n’y a pas encore de dégâts incommensurables, de vies perdues’’. Une personne arrêtée placée sous mandat de dépôt, pour avoir partagé une une satirique avec 3 émoji. Des arrestations et séquestrations de citoyens sans convocation. Des personnes torturées en détention jusqu’à en perdre la vie. Des opposants disqualifiés des listes électorales. Un journaliste arrêté pour un délit de presse : le tableau que dépeignent les responsables politiques du Pastef/Les patriotes décrit une situation très préoccupante des Droits de l’homme et de la liberté de presse et d’opinion sous le régime du président Macky Sall. Mais pour Bassirou Diomaye Faye, tout ceci ne représente que des prémices d’un régime finissant. C’est ainsi qu’il exige au gouvernement de Macky Sall de mettre fin aux violences notées sur la presse et à l’intimidation exercée sur les journalistes. Troisième mandat : les intimidations n’y pourront rien…

À un peu plus d’un an de l’élection présidentielle de 2024, le président de la République n’a toujours pas clarifié ses intentions sur une troisième candidature à un troisième mandat à la tête du pays. Plusieurs membres de son parti et de sa coalition soutiennent déjà une éventuelle candidature de Macky Sall. Face à ces sorties de plus en plus audibles, le secrétaire général du Pastef répond : «Ceux qui croient que la militarisation excessive et ridicule du pays peut suffire à imposer une troisième candidature illégale et immorale, et aboutir à un vol des élections et son maintien au pouvoir, nous leur rappelons qu’il y a eu dans l’histoire récente d’autres pays des régimes beaucoup plus sanguinaires que celui du président Macky Sall. Cela ne les a pas empêchés de tomber. »

Les exemples de la Tunisie et de l’Égypte ont été cités. Les patriotes se disent croire, désespérément, à un sursaut de lucidité du président Macky Sall, afin de renoncer à un troisième mandat qui a coûté 11 vies au Sénégal en 2011.