NETTALI.COM - A l’initiative du mouvement Baol Debout et de l’association Touba Toulça kanam, les habitants du village de Réwo Mao, une localité de la commune de Réfane située dans le département de Bambey, ont battu le macadam. Ils réclament justice pour leur fille dont ils sont sans nouvelles depuis maintenant trois années.

Les populations de Rew Mao et de Touba Toul ont battu, hier, le macadam. Selon la livraison de ce mardi 19 avril de Enquête, elles réclament justice pour leur fille Lissa Tine qu’elles ont perdue de vue depuis le 14 avril 2019, jour où elle s’était rendue chez son mari Modou Yade, à Dakar. Aliou Thiaw, le chauffeur qui avait déposé Lissa Tine à Dakar, témoigne. “C’est moi qui ait conduit Lissa Tine à Dakar, sur instruction de son mari qui avait loué mes services. Pour moi, il avait tout prémédité, parce que lorsque nous sommes arrivés à destination, Modou Yade, après avoir dit qu’il nous attendait, a changé de version pour dire qu’il était sorti. Il nous avait mis en rapport avec le gérant d’une quincaillerie qui m’a remis 20 000 F pour le paiement de la location du véhicule, avant de remettre les clés à Lissa Tine. Si Modou Yade avait été interpellé, toute cette affaire allait être élucidée’’.

Il s’est exprimé en marge de la procession des populations. Arborant des brassards rouges, les habitants des villages de Touba Toul et de Rew Mao n’ont pas caché leur colère contre les tenants du pouvoir. Pour ces manifestants, cette affaire Lissa Tine n’est pas moins importante que celle d’Adji Rabi Sarr, encore moins que celle de Diarry Sow dont la disparition avait mobilisé au plus haut sommet de l’Etat. Lors de cette marche, le président du collectif Réfane réclame sa fille a dénoncé ce qu’il appelle “une justice à deux vitesses dans cette affaire’’.

Pour lui, “l’affaire Lissa Tine est plus sérieuse que celle d’Adji Sarr qui tient en haleine tout le pays depuis un an. Après que la section de recherches a bouclé son enquête, Modou Yade qui, entre-temps, avait voyagé, avait pris le soin de faire disparaître toutes les traces qu’il jugeait compromettantes. C’est ainsi qu’il a gâté le portable. Lorsqu’il a été convoqué par la police de Gadaye, il n’a pas daigné répondre. Il a refusé tout bonnement de déferrer à la convocation. Dans le procès-verbal d’enquête de la section de recherches, on retrouve des faits accablants contre Modou Yade. Il reconnaît que Lissa Tine est venue chez lui et que c’est chez lui qu’elle a terminé son séjour’’.

Dossier classé sans suite : les populations ne comprennent pas

Et le président d’ajouter : “Les autres faits troublants sont que le procureur de la République, Serigne Bassirou Guèye, a classé le dossier sans suite, parce que, pour lui, le fait que Modou Yade ait avoué que Lissa Tine est venue chez lui dans une maison en construction et qu’il était le dernier à la voir, ne sont pas des indices qui prouvent que la culpabilité de Modou Yade est établie. Pourquoi il protège Modou Yade et qu’est-ce qui explique qu’il n’a pas transmis le dossier à un juge d’instruction ? Le juge Mamadou Seck avait fait une délégation judiciaire adressée à la section de recherches pour lui demander de décaper la maison où habite Modou Yade. Mais cela dure depuis maintenant sept mois. Il faut de grands rassemblements pour régler ce problème. Il va s’en suivre des séries d’actions’’.

Lors de cette marche, sa fille Fatou Yade réclamait sa mère. Elle a participé aux côtés de son grand-père maternel à la procession.

Présent à la marche, le docteur Diéry Ngom, enseignant-chercheur à l’UADB, au nom du maire de la commune de Touba Toul, dans le département de Thiès, arrondissement de Thiénaba, a aussi laissé entendre son incompréhension : “Elle a disparu, depuis le 14 avril 2019 et kidnappée. Tous les moyens légaux ont été utilisés pour retrouver leur fille qui était élève en classe de terminale, en vain. Cette jeune fille porte l’espoir de toute une famille. Les populations de Réfane, de Touba Toul, de Lambaye et de Bambey dénoncent et condamnent cet acte ignoble de kidnapping, d’enlèvement de leur fille. L’Etat du Sénégal, qui est garant de la sécurité publique, est interpellé au plus haut sommet.’’

Il ne s’en arrête pas là et prévient : “Si l’Etat ne fait rien pour retrouver Lissa Tine, alors les populations citées vont prendre l’Etat comme seul responsable et nous prenons à témoin l’opinion nationale et internationale. Nous interpellons les ministres de la Justice, de l’Education nationale, de la Femme pour qu’ils fassent tout afin que justice soit faite et que Lissa Tine soit retrouvée dans les meilleurs délais. Si l’Etat ne le fait pas, nous n’excluons pas d’utiliser d’autres moyens pour monter à la vitesse supérieure. Certes, nous faisons confiance à la justice de notre pays, c’est pourquoi, depuis lors, nous utilisons des moyens pacifiques pour que Lissa Tine soit retrouvée. Malheureusement, jusqu’à présent, nous n’avons aucun résultat. L’Etat est interpellé afin que justice soit faite.’’

Ainsi, les marcheurs, après avoir dénoncé les auteurs de cet enlèvement, ont demandé qu’ils soient traduits en justice. Ils ont lancé un appel aux associations de parents d’élèves et de Droits de l’homme pour qu’elles viennent se joindre à ce “noble combat’’, afin que Lissa Tine soit retrouvée, remise à sa famille et puisse continuer ses études. Ils ont aussi demandé aux élus locaux de se tenir prêts à leurs côtés pour que triomphe ce combat.