NETTALI.COM - Fait inédit : un maire est élu par des bulletins blancs. Cela s’est passé à Touba, la seule collectivité locale du Sénégal où, pour les élections municipales, il n’y a qu’une seule et unique liste. 77,12 % de bulletins blancs ont été recensés. Le maire est élu à 22,88 % des voix

La Commission départementale de recensement des votes du département de Mbacké a rendu publics, hier, les résultats des élections municipales et départementales. Des résultats ubuesques, puisque la commission a dénombré 38 414 bulletins blancs, soit 77,12 % des voix exprimées. Ainsi, le maire Abdoul Ahad Kâ de la coalition Benno Bokk Yaakaar a été élu avec 11 3396 voix, soit 22,88 %.

Réagissant à ce camouflet, Fallou Mbacké, Président du Conseil départemental de Mbacké, pointe du doigt Abdoul Ahad Kâ. « La réponse des populations est plus pertinente. Trente-neuf mille ont voté pour le bulletin blanc, contre 11 000 voix pour l'équipe municipale. Si j'étais à la place du maire de Touba, je présenterais ma démission. Parce que les populations n'en veulent plus. Donc, je lui suggère de présenter sa démission à Serigne Mountakha Mbacké », dit-il dans les colonnes de EnQuête.

En effet, la plupart des personnes interrogées par le journal sur cet état de fait, ne voit plus l’importance d’une seule liste à Touba, encore appelée « liste du khalife général des mourides » et qui est aussi celle du parti au pouvoir. Mama Ndiaye est de ceux-là : « Il faut que les tenants du pouvoir, aussi bien religieux que temporel, soient logiques. Si l’option est de faire de Touba une collectivité territoriale, il faut qu’il y ait plusieurs listes concurrentes et à l’issue de l’élection, le maire va travailler en étroite collaboration avec le khalife général des mourides. À défaut, il faut un statut spécial qui fera de Touba une collectivité territoriale spéciale, avec des règles définies par le pouvoir religieux en place. »

Il poursuit : « Pour comprendre l’histoire d’une liste unique à Touba, il faut revisiter l’histoire de la décentralisation dans cette partie du Sénégal. En 1976, soit quatre années après l’entrée en vigueur de la décentralisation, avec la mise en place des communautés rurales, Serigne Abdoul Ahad Mbacké, alors khalife général des mourides, avait obtenu du président Léopold Sédar Senghor l’érection de Touba Mosquée en collectivité territoriale, mais avec une condition : « Il n’y aura qu’une seule liste, parce que la politique est interdite à Touba et qui plus est, celui qui présidera aux destinées de cette collectivité territoriale est choisi par le khalife général des mourides ou la personne déléguée à cette tâche. »

Le maire de Touba peut être révoqué à tout moment par le khalife général des mourides

Depuis lors, c’est cette logique qui est appliquée à Touba. Et à chaque élection, le nombre de bulletins blancs ne cesse de prendre des proportions inégalées. En 2014 déjà, le nombre de bulletins blancs était égal à celui des bulletins marron, couleur de la coalition Benno Bokk Yaakaar. À Touba, aussi bien le maire que les autres conseillers municipaux ne doivent leur présence dans le conseil municipal qu’à la volonté du khalife général des mourides ou de son représentant. La preuve, c’est une liste d’adjoints qui est présentée et aucune distinction n’est faite sur le choix des personnes désignées.

D’ailleurs, le maire de Touba peut être révoqué à tout moment par le khalife général des mourides. L’on se souvient qu’en 2010, l’actuel maire avait été désigné président de la communauté rurale en lieu et place de Mourtalla Mbacké qui n’avait pas terminé son mandat.