NETTALI.COM - L’ex-procureur du parquet spécial de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), Alioune Ndao, sort de sa réserve pour commenter les décisions prises lors de la réunion du Conseil supérieur de la magistrature lundi dernier. Il dénonce le mode de nomination des magistrats, l’affectation-sanction de l’ex président de l’Ums le juge Souleymane Teliko, non sans se prononcer sur l’indépendance de la justice qui selon lui est loin d’être une réalité.

« Le pouvoir exécutif tient le pouvoir judiciaire »

« Le principe d’indépendance de la Justice est consacré par la constitution. Mais, ce ne sont que des écrits. Dans les réalités, la justice sénégalaise n’est pas indépendante. Oui. Il y a certes des magistrats qui veulent faire preuve d’indépendance dans leur travail, mais la justice elle-même, le système lui-même, n’est pas indépendant », dénonce le procureur sur les ondes de la Rfm en des propos repris par Igfm.

Alioune Ndao, de préciser sa pensée en ces termes : « on a proclamé dans la constitution que les trois pouvoirs sont indépendants l’un vis-à-vis des autres ». Mais dans la réalité, précise-t-il, « le pouvoir exécutif tient le pouvoir judiciaire, il le nourrit et lui fournit  les moyens de son fonctionnement. Le pouvoir législatif a ses moyens propres. Il ne dépend pas de l’exécutif, alors que le budget des magistrats des tribunaux est inséré dans celui du ministère de la Justice ». Donc comment peut-on parler d’indépendance dans ce cas? », s'interroge-t-il.

Teliko, « c’est une affectation-sanction »

Au rayon de l’affectation du juge rebelle et ex-président de l’Ums, Souleymane Teliko, Alioune Ndao déclare : «Tout le monde sait qu’entre M. Téliko et l’actuel ministre de la Justice, le torchon brûlait depuis longtemps. Le fait de l’avoir affecté à Tamba, pour moi, est une affectation sanction. Il était président de chambre à la Cour d’appel de Thiès. On l’a affecté à Tamba comme président de chambre à la Cour d’appel de Tamba  qui n’est pas encore fonctionnelle. Pour moi, c’est une sanction déguisée en affectation ».

Toutefois, Alioune Ndao reconnait que « l’Etat a le droit d’affecter son agent où il veut ». L’ex-procureur de la Crei rappelle que sur ce cas précis, « tout le monde connait les rapports entre Téliko et le ministre de la Justice Me Malick Sall. Leurs rapports sont heurtés ».

« Il y a même des choses qu’on m’a dites que je ne pourrais révéler. Pour moi, c’est une affectation – sanction. Ce n’est pas une promotion. J’estime que c’est le conflit qui l'opposait au ministre de la Justice qui explique l’affectation. Il y a des règlements de comptes dans les affectations, ça, tous les juges le savent. C’est ce qui a engendré le dossier Ngor Diop », révèle-t-il.

« Le pouvoir conféré au ministre de la Justice doit être enlevé »

Pour régler les règlements de comptes qui sous-tendent certaines affectations, Alioune Ndao dévoile les revendications des magistrats à ce propos. « C’est le ministre de la Justice qui propose la nomination de tous les magistrats. Ce que les magistrats revendiquent, c’est que ce pouvoir de proposition conféré au ministre de la Justice, soit enlevé et remplacé par une commission collégiale. Celle-ci va scruter les dossier des magistrats candidats à un poste pour proposer au Conseil supérieur de la magistrature les plus méritants », indique-t-il.

Selon lui, pour que le magistrat ait les coudées franches, il faut que sa nomination n’émane pas de la tutelle (le ministère de la Justice). « Tant qu’ils n’instaurent pas cela, le magistrat à son poste, n’osera pas faire certaines choses car il se dira qu’il sera démis. Je vous parle d’expérience. Tout magistrat qui voudra incarner une certaine indépendance, sera alors démis au prochain Conseil supérieur de la magistrature », insiste Alioune Ndao.