NETTALI.COM - Le flou sur le statut du chef de l’opposition profite à Ousmane Sonko, si l’on en croit le doyen de la presse sénégalaise, Ibrahima Bakhoum. Toutefois, ce dernier alerte sur l’hypothèse d’une banalisation de la parole du leader de Pastef, trop de communication tuant la communication. C'est l'objet du dossier réalisé ce samedi par le quotidien Enquête et dont nous reproduisons quelques extraits. 

 

Pour Ibrahima Bakhoum, journaliste et analyste politique, le flou entourant le statut du chef de l’opposition prévu dans la loi, laisse le champ libre à Ousmane Sonko qui, de facto, s’est imposé comme le chef de cette même opposition à Macky Sall.

Par ailleurs, la mise en place de cette stratégie de rendez-vous régulier avec le peuple sénégalais peut être considérée comme un moyen de séquencer ses messages et d’offrir aux Sénégalais une lecture alternative par rapport à l’actualité présente. “L’opposition au Sénégal existe à travers les visages et des voix. Si l’opposition reste muette, les premiers commentaires des journalistes seraient de dire qu’elle est inexistante ou invisible. Dans le cas d’Ousmane Sonko, le fait de donner rendez-vous aux Sénégalais dans des rencontres régulières, on peut en déduire qu’il a un programme et qu’il veut le délivrer de manière séquentielle. Il peut ainsi, sur la base de son programme, interpeller régulièrement les Sénégalais et leur proposer un certain nombre de solutions pour résoudre leurs difficultés’’, argue-t-il, avant de préciser que ce format peut entraîner des remous au sein de la mouvance présidentielle, dans la mesure où il dispose de sources d’informations venant des gens du pouvoir.

Risque de banalisation de sa parole

Toutefois, cette volonté d'apparaître comme une source de proposition alternative et de critique permanente peut entraîner le risque d’une banalisation de la parole d’Ousmane Sonko et une perte d’intérêt pour son discours. “Cet exercice est risqué, car ce n’est pas toutes les semaines qu’on aura des choses intéressantes à dire. Si Ousmane Sonko délivre le même message aux Sénégalais, il risque alors d’entre inaudible pour l’opinion publique et de voir son discours banalisé’’, poursuit-il.

Ainsi, l’ancien directeur de publication de “Sud Quotidien’’ invite les journalistes à la prudence, dans la mesure où, le format adopté, la déclaration de presse, peut entraîner un changement de paradigme avec des politiques qui informent et des journalistes qui communiquent.

Selon lui, la seule manière de ne pas tomber dans ce piège, c’est de pousser les journalistes à renforcer leurs capacités à mener à bien le travail de vérification et d’investigation concernant les thèmes que développe Ousmane Sonko. “Il y va de la responsabilité des journalistes de s’appuyer sur les déclarations d’Ousmane Sonko comme plan de base pour mener à bien leurs investigations. En cas de manquements et de contrevérités, ils doivent venir apporter la contradiction à M. Sonko et mettre côte-à-côte ses allégations par rapport à la réalité des faits ; montrer les vrais faits. Cette déclaration peut être une source d’investigation pour les journalistes. A eux d’aller faire le travail de vérification qui est à la base de leur métier’’, clame-t-il avec force.

En ce qui concerne la digitalisation des moyens de communication d’Ousmane Sonko, à travers l’importance particulière accordée aux plateformes numériques (Youtube, Tik Tok) et les réseaux sociaux (Twitter, WhatsApp, Facebook), le journaliste Ibrahima Bakhoum y voit l’avenir de toute forme de communication politique. “Il est impensable, pour un parti politique, de faire sans la digitalisation, car les anciens meetings, on peut dire que c’est révolu. Chacun peut maintenant se faire son propre meeting, depuis la maison, tout en restant lié à des milliers de personnes via les réseaux sociaux. Ousmane Sonko et ses conseillers ont bien compris cela, car ils peuvent mobiliser des milliers de personnes, rien qu’en restant dans leurs locaux, car un meeting coûte cher’’, ajoute le formateur.