NETTALI.COM - Alors que l’Assemblée nationale a été convoquée hier pour se pencher sur la loi portant Code électoral, l’expert en démocratie, gouvernance et élections donne son avis sur le texte envoyé devant les représentants du peuple.

L’ Assemblée nationale s’exécute, depuis hier, sur le projet de loi portant Code électoral. Le processus menant à l’organisation des élections locales prévues le 23 janvier 2022 a ainsi été amorcé, malgré les tensions notées entre le pouvoir et l’opposition. Si celles-ci devaient être dissipées par le dialogue politique lancé par le président de la République à la veille de sa réélection en 2019, les points de désaccord n’ont que faiblement changé. Une vision des choses que défend l’expert électoraliste Ndiaga Sylla, dans les colonnes du quotidien Enquête.

Pour le président de Dialogue citoyen, ce manque d’évolution notable, après autant de temps passé autour d’une table, correspond à une grande perte de temps. “Quel gâchis, après deux longues années de concertation, deux reports des élections territoriales, deux missions (audit du fichier électoral - évaluation du processus électoral) !’’, regrette-t-il. Celui qui indiquait récemment que l'enjeu du projet de loi portant Code électoral réside essentiellement dans le sort réservé aux points de désaccord soumis à l'arbitrage du président de la République Macky Sall, retient qu’après la lecture du texte remis à l'Assemblée nationale, les réformes substantielles préconisées sur le système électoral restent mineures.

En effet, ajoute Ndiaga Sylla, “il n'y aura pas de changement de modèle de gestion électorale (autorité chargée de l'organisation des élections), ni modification du système de parrainage, en dépit de l'injonction de la Cour de justice de la CEDEAO ni l'introduction du bulletin unique. Il s'y ajoute le statu quo acté par le refus d'abroger ou de modifier les articles L.31 et L.32 qui instituent la déchéance électorale de manière générale, automatique et indifférenciée, alors que cela violerait les Droits de l'homme’’.

L’expert en démocratie, gouvernance et élections poursuit sa réflexion en estimant que les conditions pour opérer un changement de Code électoral ne sont guère réunies au Sénégal. Selon lui, l'adoption d'un nouveau Code électoral se justifie par l'ampleur des réformes, comme ce fut le cas avec le code consensuel abrogé en janvier 2012. “Il en a été de même avec le Code électoral de 2014, à la suite de la réforme dénommée Acte 3 de la décentralisation, et en 2017 du fait de l'institution de la carte nationale d’identité biométrique CEDEAO fusionnée à la carte d'électeur et de ses impacts’’, retient-il.

Mais tout n’est pas à jeter, dans le projet de loi adopté par les députés. L’innovation majeure reste l'élection des maires et des présidents de conseil départemental au suffrage universel direct. Cela accompagne “un toilettage du Code électoral intégrant notamment la facilitation de la participation des personnes handicapées au processus électoral, ainsi que l'harmonisation du dispositif de contrôle et de vérification des parrainages, dans le cadre des élections législatives’’.

Parrainage, les cas Khalifa Sall et Karim Wade, etc. Les points de discordance restent entiers

Le président de Dialogue citoyen admet aussi que du point de vue de la forme, les concertations ont été inclusives, les préalables remplis et les délais prescrits par la CEDEAO relativement à la période de réforme ont été respectés. Et ce, même s'il a fallu procéder par consensus à des reports de la date initiale. Les mêmes appréciations ont été faites d’une partie des travaux de la Commission cellulaire chargée du dialogue politique.

Selon Ndiaga Sylla, elle “est parvenue à des avancées significatives concernant la modernisation du système partisan, le financement des partis politiques ainsi que le statut de l'opposition et de son chef’’. Sous ce rapport, ajoute-t-il, la sous-commission du dialogue politique a pu produire des résultats significatifs et les conclusions des missions d'audit du fichier et d'évaluation du processus électoral ont indiqué des pistes et formulé des recommandations appropriées.

En attendant la partie réglementaire complétive et plus précise sur les modalités de contrôle de la tenue du fichier électoral, qui a longtemps été un vide entretenant une discorde entre l'administration électorale et les acteurs politiques, l’expert en démocratie, gouvernance et élections insiste sur “l'impérieuse nécessité de revoir le modèle de gestion électorale tout en instaurant un nouvel organe indépendant chargé de la régulation du système partisan, la répartition des fonds et le contrôle du financement public des partis politiques’’.

Pour Ndiaga Sylla, il faut espérer que les évolutions notées dans le système démocratique sénégalais, déjà actées lors du référendum de mars 2016, soient traduites par une législation harmonisée et unifiée dans le cadre d'une charte des partis politiques.

Pour se faire, suggère-t-il, le gouvernement devrait s'engager à poursuivre les concertations avec les acteurs politiques, au-delà des prochaines échéances électorales, en vue de mettre en œuvre les réformes qui s'imposent sur le système électoral et le système partisan.