CONTRIBUTION - Grâce à votre requête près la Cour de la CEDEAO, des conclusions claires peuvent être tirées relativement à notre Etat sénégalais. En effet, vous avez déposé plainte contre l'Etat Sénégalais le 11 décembre 2018. La Cour de la CEDEAO vient de trancher ce 28 avril 2021 sur le différend qui vous opposait : l'utilisation du parrainage lors de l'élection présidentielle du 24 février 2019.

Que dit la Cour ? S'appuyant sur les instruments juridiques, tous ratifiés par le Sénégal et donc opposables à notre pays - je cite les références juridiques invoquées: déclaration universelle des droits de l'homme article 2; Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples articles 2 et 13; Charte africaine de la démocratie des élections et de la gouvernance articles 3.7, 3.11, 4.2, 8.1 et 10.3; Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance article 1er - la Cour arrête en substance que la loi sénégalaise 2018-22 du 4 février 2018 instituant le parrainage est une VÉRITABLE ENTRAVE au droit de participer aux élections en tant que candidat. Pire, elle dit aussi que cette loi VIOLE LE SECRET DU VOTE. Enfin la Cour demande que les électeurs et candidats soient RETABLIS DANS LEURS DROITS dans un délai de 6 mois soit donc avant le 28 octobre 2021.

Quelle claque pour ce régime ! Pour rappel, la Cour de la CEDEAO avait déjà infligé des sanctions à ce régime dans l'affaire Khalifa SALL et l'Etat avait dû payer une amende de plus de trente millions sans respecter le corollaire qui était de reprendre la procédure judiciaire d'inculpation de Khalifa SALL. Ici nous nous acheminons vers quelque chose du même genre malgré l'agitation de quelques thuriféraires du régime.

L'Etat Sénégalais, avec ce coup fatal ainsi reçu au plan international pour sa crédibilité, n'a d'autre choix que de tenter encore maladroitement une nouvelle sortie de crise. Car un Etat qui signe des lois internationales et qui ne les respecte que quand cela l'arrange est un Etat voyou qui ne peut plus convaincre des partenaires sérieux au développement (sauf pour les " One Shot", les " coups"). Macky SALL n'a pas le choix puisque des États de l'afrique de l'ouest jadis derrière nous sur les aspects démocratiques font des avancées au moins en apparence (Niger, Togo, Ghana, Burkina, Nigeria, Bénin).

Or le Sénégal prétend être encore parmi les modèles de notre sous-région , que pourrait-il dire à ses pairs désormais ? Quant aux institutions africaines, elles deviennent de plus en plus bancales. Sinon comment comprendre que la CEDEAO reconnaisse la régularité du processus électoral et la victoire de Macky SALL en 2019 alors qu'un procès dans le même temps était pendant près sa propre Cour de justice et dont le verdict s'est avéré (certes plus tard) en déphasage avec la caution donnée au vainqueur putatif ? Il faut rappeler dans ce sens que la Cour de l'UA avait aussi condamné les méthodes de Ouattara pour écarter ses adversaires, dont Guillaume SORO, et pourtant la machine a continué et le vainqueur a été reconnu par l'UA. C'est quoi donc le projet de ces organismes ?

Pour revenir à nous, je voudrais dire à Macky SALL qu'il ne peut plus faire l'économie de la suppression ou la réforme de ce parrainage non vertueux. C'est sa crédibilité qui est désormais ouvertement entachée et il se doit de rafistoler notre pseudo démocratie
puisque l'élection présidentielle est désormais derrière nous. On peut d'ailleurs en profiter pour souligner l'inadaptation de nos instruments judiciaires sous-régionaux à la vie démocratique de nos Nations : une requête déposée 2 mois avant l'événement visé et qui obtient une réponse 26 mois après l'événement, c'est quand même surréaliste ! Revoyons donc les délais du code électoral pour les mettre en concordance avec ceux de la Cour et faciliter les procédures d'urgence pour permettre de rendre opérationnelles les décisions de cette dernière en cas de recours !

Macky SALL doit aussi comprendre que de tels errements nous conduiront inéluctablement vers des remous, nonobstant les tentatives de manipulations qui pointent du doigt des présumés terroristes. Au Tchad par exemple, il y a bien des bandes armées très actives en ce moment, pourtant cela n'a pas empêché les populations de se soulever contre un gouvernement de transition qui leur a été imposé. Attention donc à la violence aveugle d'un peuple en colère.

Autres leçons que Macky SALL doit tirer de ce camouflet (deuxième de la CEDEAO, mais deuxième coup dur pour son régime en deux mois !) c'est qu'il doit gérer avec plus d'humilité ce pays qui l'observe et sait tout ce qui se passe. Notre État révèle ses faiblesses actuelles de plusieurs manières : quand des affrontements à relents religieux font des morts sans qu'aucun dispositif de régulation ne s'interpose (je ne parle pas des forces de l'ordre, elles mêmes impuissantes devant l'embrasement ), quand le chef de l'Etat n'arrive plus à convaincre fort opportunément les syndicats qu'un rallongement à 65 ans de l'âge de la retraite n'est pas admissible à cause de la nécessité de trouver des emplois aux plus de 67% de la population qui sont jeunes, quand toutes les décisions de l'Etat sont suspendues à celle du chef de l'Etat...

Monsieur le président de la République, le Sénégal mérite mieux que ça. Nous sommes fatigués d'être dans une foire d'empoigne quotidienne, dans une pauvreté chronique, de vivre un "sabar bu tass"*, de subir en interne les affres de Ndoumbelane le pays de bouki l'hyène et en externe les quolibets envers une "république très très démocratique du Gondwana"**.

Il faut que cela cesse et malheureusement pour vous TOUT dépendra de votre seule volonté.
Citoyennement.

Bruno d'ERNEVILLE
Président du PAC
Membre de la Coalition JOTNA
* sauve qui peut (wolof)
** Mamane humoriste Nigérien et consultant RFI