NETTALI.COM - Le Sénégal ne progresse plus, depuis 5 ans, dans le classement faisant la promotion de la transparence et de la bonne gouvernance. Le pays ne parvient pas à sortir de la zone rouge et le contexte de l’année écoulée a peut-être empiré les choses.

 L’impunité, absence de reddition des comptes, implication de l’Exécutif dans l’appareil judiciaire, etc. La liste des maux maintenant le Sénégal dans la zone rouge du classement de l’Indice de perception de la corruption (IPC) en 2020, est loin d’être exhaustive. Publié hier, cet indicateur, utilisé pour mesurer la perception de la grande corruption dans le secteur public et la classe politique dans différents pays du monde, a encore réservé une mauvaise note à la gestion du pays. Fait récurrent depuis 2016. Et l’année 2020, celle d’une des pires crises sanitaires et économiques mondiales, n’a rien arrangé.

La pandémie aidant, beaucoup de procédures ont été raccourcies dans les opérations administratives pour faire face aux urgences de l’heure. Des sommes considérables ont été investies pour tenter d’arrêter la propagation d’une pandémie qui a touché plus de 100 millions de personnes. Et pour Transparency International, organisation qui publie chaque année un rapport sur l’IPC, le Sénégal ne s’est pas distingué, comme dans plusieurs pays du monde, dans la difficulté d’accéder à l’information relative aux dépenses consacrées à la riposte contre le Covi19. Résultat : ici et ailleurs, “l’analyse montre que la corruption, non seulement fragilise la réponse sanitaire mondiale à la Covid-19, mais elle contribue également à approfondir la crise démocratique en cours’’, regrette Transparency International. Sur ce manque de transparence, beaucoup de dossiers peuvent être pris comme exemple au cours de l’a mie, les marchés d’achat des vivres, dans le cadre de la distribution de l’aide alimentaire accordée par le président de la République, trainent encore un scandale non élucidé. Qu’en sera-t-il du bilan des 1 000 milliards de francs CFA de la force Covid-19 dégagés pour lutter contre la pandémie ? Cette question, encore pendante, l’état de catastrophe sanitaire a été décrété sans qu’aucune communication n’ait été faite sur les nouvelles sommes engagées.

Reddition des comptes sur les fonds de la lutte contre la pandémie

D’ailleurs, l’absence de reddition des comptes des marchés passés sous le régime du décret n°2020-781 du 18 mars 2020 dérogeant au Code des marchés publics, a été dénoncée par les auteurs de cette enquête. Le curseur a été placé principalement sur les ministères de la Santé, du Développement communautaire et du Tourisme, en première ligne dans la lutte contre la pandémie et ses conséquences sur l’économie.

Que dire alors du Plan décennal de 750 milliards de francs CFA de lutte contre les inondations qui a beaucoup fait parler, après les fortes pluies et des dégâts qu’elles ont causés en septembre 2020 ? Plus actuels, sont les milliards financés par l’Union européenne pour lutter contre l’émigration irrégulière dont l’évocation a valu l’incarcération du président de l’ONG Horizon sans frontières, Boubacar Sèye.

Sur ce point, le Forum civil, section sénégalaise de Transparency International, recommande au président de la République Macky Sall de “faire toute la lumière sur les fonds (reçus ou ressources propres) injectés dans la lutte contre l’émigration dite irrégulière’’. Le dernier communiqué du Conseil des ministres a informé que le chef de l’Etat a demandé un rapport sur ces fonds qui, selon l’Union européenne, ont atteint 180 milliards de francs CFA, depuis 2016. Si l’IPC cherche à sensibiliser l’opinion publique sur l’état de la corruption et à susciter la volonté politique des gouvernements à lutter effectivement contre le phénomène, les mauvais résultats n’ont point amené ces derniers à se bouger. Comme un an auparavant, l’indice établi en 2020 est pareil aux résultats réalisés par le pays en 2019, à savoir un score de 45/100. Ce qui place le Sénégal à la 67e position dans le classement international, sur 179 pays, et au 8e rang africain.

Le Sénégal ne fait plus d’efforts contre la corruption, depuis 2016

Le score, inférieur à la moyenne de 50/100, est bien plus important que le rang, précise le Forum civil. Ce qui lui fait remarquer que le Sénégal a cessé de progresser et conserve sa note de 45 sur 100 et reste dans la zone rouge. “Depuis 2016, le score du Sénégal n’a pas changé. La progression constatée à partir de 2012 s’est stoppée en 2016. Le Sénégal continue de stagner dans la zone rouge, avec une sous-moyenne de 45/100’’, constate l’organisation de lutte contre la corruption.

Pour l’organisation dirigée par Birahime Seck, “la stagnation du Sénégal dans la zone rouge, après une période de progression (36/100 en 2012, 41/100 en 2013, 43/100 en 2014, 44 en 2015), est due à un affaiblissement réel de la volonté politique effective de lutter contre la corruption, mais aussi à une situation de mal gouvernance actée par un accroissement volontaire et inquiétant de l’impunité’’.

Ainsi, révèlent les chiffres, le régime a cessé de faire de la lutte contre la corruption une priorité, quatre années après son arrivée au pouvoir. Tous les efforts consentis ont cessé de progresser. Et cela s’est matérialisé à plusieurs niveaux, parmi lesquels : une “impunité croissante, affirmée, voulue et entretenue par le chef de l’Etat’’, “la forte implication de l’Exécutif dans le système judiciaire’’ et “l’inertie de l’Assemblée nationale dans la lutte contre la corruption’’, entre autres. La 8e place du Sénégal au niveau africain (2e au sein de la CEDEAO) n’a pas grand-chose de réjouissant. Car un écart très important de 21 points le sépare du 1er, Les Seychelles. Une analyse des résultats au niveau africain montre que seuls 5 pays, en plus du leader, sont en dehors de la zone rouge, à savoir : le Botswana (60 points), le Cap-Vert (58 points), le Rwanda (54 points), l’ile Maurice (53 points) et la Namibie (51 points).

Des leçons pour Macky Sall

Pour inverser la tendance actuelle, le Forum civil recommande au président de la République de cesser d’entretenir une impunité affirmée et voulue sur des dossiers qui intéressent la gestion des ressources des contribuables et de s’abstenir de maintenir sous le coude des dossiers qui lui sont transmis par les corps de contrôle.

Lors de son grand oral du 31 décembre 2020 face aux journalistes, Macky Sall avait reconnu que certains citoyens pouvaient échapper à une arrestation, lorsque celle-ci présente des risques de troubles publics. De même que la suite des rapports qu’il reçoit des corps de contrôle relevait de sa volonté.

A l’Assemblée nationale, l’organisation de lutte pour la transparence recommande d’user de ses pouvoirs constitutionnels et législatifs pour éclairer les Sénégalais sur les financements et réalisations de beaucoup de projets dont : l’autoroute Thiès - Touba, la réfection du Building administratif ou encore les listes des “grands producteurs’’ bénéficiaires des différents mécanismes de subvention sur les intrants (engrais, semences et matériels agricoles).

(Avec Enquête )