NETTALI.COM - C’est l’affaire de corruption (fortement) présumée portant sur un détournement de 94 milliards de franc CFA (plus de 140 millions d’euros) qui enlise le pouvoir et installe le pays dans une période d’instabilité qui ne faiblit pas. Selon toute vraisemblance, principalement orchestré par l’ancien Directeur des domaines de la République du Sénégal, Mamour Diallo, à partir d’un titre foncier de l’Etat (TF1451R), c’est l’affaire de plus qui fait tâche et colle à la peau du régime de Macky II.
Depuis plusieurs semaines, la polémique entamée bien avant l’élection présidentielle de février 2019, s’est invitée à nouveau dans le débat public. Ce qui interpelle les sénégalais, c’est l’ampleur des sommes en jeu et l’attitude incompréhensible de la justice, du pouvoir, face à ce gros scandale sans précédent. Beaucoup a été dit, redit, mais comme le dit Ousmane Sonko depuis des mois, seul un procès pourra édifier l’opinion publique. Mais d’ici là, pour mieux vous informer et tirer le vrai du faux, nous allons infirmer pour vous les quatre idées fausses les plus répandues.
1. Dans cette affaire, c’est Ousmane Sonko qui est allé voir la famille Ndiaga Ndoye.
C’est faux ! Reprenons la chronologie des faits. Le 4 mai 2018, le député Ousmane Sonko, président du PASTEF, avait porté plainte pour détournement présumé de deniers publics, mais pour une raison qui demeure toujours inconnue, le procureur ne s’est jamais saisi de l’affaire. Puis, le 08 mai 2018, les organes de contrôle ont été saisis (l’OFNAC, l’IGE). Cinq mois plus tard, en Octobre 2018, Ousmane Sonko convoque une conférence de presse et accuse publiquement un haut fonctionnaire de l’Etat de détournement de fonds publics. Le coupable supposé : Mamour Diallo, directeur des domaines. Les montants détournés : 94 milliards de francs CFA. Le mode opératoire : l’accusé aurait procédé à l’escroquerie lorsqu’il avait en charge un dossier lié à un titre foncier de l’Etat. En réalité, il s‘agit d’un vieux contentieux qui oppose l’Etat et des familles de la communauté léboue (dont la famille Ndiaga Ndoye) concernant un terrain à Rufisque. Ces différents éléments lancent le début de l’épopée médiatique de l’affaire dite des 94 milliards, avec une dernière plainte déposée par Ousmane Sonko auprès du juge d’instruction avec constitution de partie civile, le 23 août 2019.
Mais alors qu’en est-il de l’entrée en scène de la famille Ndoye ? Ces derniers, s’estimant victime d’une injustice qui avait assez perduré, sont venus frapper à la porte du cabinet d’Ousmane Sonko, le 06 août 2018, c’est-à-dire 3 mois après le dépôt de la toute première plainte.
En conclusion, dans cette affaire, c’est la famille Ndiaga Ndoye qui a contacté Ousmane Sonko, parce que, selon eux, il était « la seule personne » capable de les aider à faire face à leur adversaire, l’Etat du Sénégal.
2. Ousmane Sonko a saisi la justice pénale parce qu’il n’a pas pu obtenir le paiement d’une commission.
Personne n’a été dupe. Les Sénégalais en recherche de la vérité n’ont pas été dupes. Dans ce dossier, lorsque l’accusation a été de plus en plus précise, lorsque Ousmane Sonko a révélé être détenteur de preuves irréfutables qui accablent Mamour Diallo, et, qu’il n’a jamais cessé de réclamer l’ouverture d’une instruction judiciaire… Lorsque l’étau s’est de plus en plus resserré et que l’opinion publique et la société civile ont maintenu la pression pour demander à la justice, à l’Etat, d’avoir le courage d’édifier les sénégalais et de dire quelle est la responsabilité de Mamour Diallo (c’est important de le rappeler, un haut responsable du régime en place et inconditionnel de Macky Sall) dans cette affaire de détournement supposé de fonds publics à hauteur de 94 milliards de francs CFA, la stratégie de défense du camp opposé (soutenu par une certaine presse) a été la rhétorique du « tous pourris ». Ce faux-semblant consiste à installer le doute dans les esprits et renforcer la croyance selon laquelle tous les hommes politiques sont des corrompus, ou de potentiels corrompus.
Nul besoin de réclamer des statistiques officielles pour affirmer que les sénégalais n’ont plus foi en la probité de ceux qui les dirigent depuis belle lurette (ce sentiment a empiré avec l’avènement du régime actuel). Le camp d’en face a compris cela. Si le pouvoir doit chanceler, Sonko sera entrainé dans la tourmente. Alors on a essayé de faire diversion et de tromper l’opinion publique en rendant public (en période de campagne électorale) un enregistrement audio où on entendrait Ousmane Sonko négocier avec les représentants de la famille Ndiaga Ndoye et consorts. Mais, comme je l’ai dit plus tôt, les sénégalais ne sont pas dupes. Ce peuple n’est pas bête. Il sait reconnaitre la vérité en dépit des pressions subies de toutes parts.
La vérité des faits est sans équivoque. La justice a été saisie par Ousmane Sonko au moins 3 mois avant que des représentants de la famille Ndiaga Ndoye et consorts ne viennent le solliciter. Sonko a accepté de les recevoir, les a entendus et a envisagé un temps de les défendre avant de se raviser, car, étant bien conscient de la déferlante mensongère et haineuse qui s’en suivrait automatiquement.
Mais alors, quand bien même il aurait négocié le paiement d’honoraires pour une activité de conseil ou d’expertise en toute légalité, peut-on reprocher à un homme de parler business avec des clients venus le solliciter ? Sur une base légale ? c’est sans fondement. Sur une base morale ? C’est bien le souci de l’éthique et de la morale qui a conduit Ousmane Sonko à refuser de défendre les intérêts de la famille Ndiaga Ndoye, quand d’autres n’auraient pas hésité un seul instant.
3. Mamour Diallo n’a aucune responsabilité dans cette affaire.
Ces mots résument la conclusion (prévisible) de la commission d’enquête parlementaire, concernant l’affaire dite " affaire des 94 milliards, instituée par Résolution n°01/2019 du 15 Février 2019. Or, sitôt le rapport rendu public, il semble suggérer le contraire de ce qu’avancent les députés de la majorité. La première responsabilité de Mamour Diallo semble se trouver dans l’existence de deux actes d’acquiescement (générant respectivement 49 950 000 000 F CFA et 44 227 305 500 F CFA) au profit du dénommé Tahirou Sarr. Le rapport de la commission parlementaire reconnait l’existence de ces actes d’acquiescement tout en mettant un point d’honneur à exclure totalement la responsabilité de Mamour Diallo. Mais, c’est là, une conclusion qui est très difficile à accepter, quand on sait comment les choses marchent.
En résumé, un acte d’acquiescement est un document délivré lorsqu’il y a expropriation pour cause d’utilité publique, l’exproprié est alors convoqué pour notification de la décision d’expropriation stipulée par décret, ensuite, des négociations sont menées au plus haut niveau pour fixer le montant de l’indemnisation. Une fois un accord trouvé, c’est le directeur des domaines dont Mamour Diallo de facto qui rend effectif l’acte d’acquiescement agissant au nom et pour le compte de l’Etat du Sénégal. À ce stade, une question cruciale s’impose : comment la responsabilité de Mamour Diallo peut-elle être entièrement, légalement, raisonnablement, écartée, en ce qui concerne les 2 actes d’acquiescements dont l’existence est reconnue par la commission parlementaire ?
Cette affaire aurait généré au total une créance fictive, illégale, de 94 milliards, établie sur la base de faux documents et de fausses mentions, dénoncés explicitement par Ousmane Sonko lors de sa conférence de presse à Ziguinchor le 12 octobre 2019. Toujours selon le rapport de la commission parlementaire, les transactions n’auraient généré que le paiement de plus de 2,8 milliards de francs CFA (en vérité, pas un seul centime n’aurait dû sortir des caisses du Trésor Public !).
À charge maintenant pour la justice de nous dire le pourquoi de ces créances fictives établies et transactions frauduleuses, mais aussi, clairement établir les degrés de responsabilités, déterminer le préjudice global et sanctionner les coupables.
4. Ousmane Sonko n’était pas habilité à porter plainte alors la justice ne pouvait pas agir.
Cette affirmation est reprise par ceux qui cherchaient jusque-là à couvrir le voile sur cette affaire de détournement supposé de fonds publics, qui, je l’accorde, dépasse parfois l’entendement. Il faut aussi dire qu’il y a également le désir manifeste de justifier la paralysie temporelle du procureur de la République qui défie toute tentative de discernement.
En qui concerne le rôle de la justice : le procureur (qui en principe demeure libre de ses initiatives) n’a pas réagi jusqu’à présent, depuis le dépôt de la plainte d’Ousmane Sonko en mai 2018. Pourquoi une totale absence de réaction alors qu’un haut responsable de l’Etat est mis en cause, puis publiquement accusé à multiples reprises de faits extrêmement graves ? Pour ceux qui trouvent que c’est normal, les raisons avancées sont simples, « en matière de détournement de deniers publics, seul le procureur de la République et l’Agent judiciaire de l’Etat peuvent déclencher des poursuites ». Soit, admettons. Mais peut-on vraiment s’en tenir là quand on a assisté pendant de longs mois au tohu-bohu médiatique soulevé par cette affaire à 94 milliards présumés détournés, dans un pays où les populations manquent de tout ?
Admettons que la plainte de Sonko ne puisse pas « déclencher » une procédure judiciaire, alors, tout au plus, Ousmane fait une simple dénonciation. La gravité des faits évoqués ne peuvent-elles pas induire une réaction de la justice, aussi timide soit-elle ? Au-delà de ces interrogations qui ne trouvent pas de réponses, se pose la question de l’indépendance de la justice au Sénégal. Les sénégalais peuvent-ils avoir confiance en la Justice pour qu’elle les protège, pour qu’elle défende leurs intérêts, même lorsque cela va à l’encontre des intérêts de l’autorité publique, aussi puissante soit-elle ? Les hommes politiques au pouvoir resteront-ils intouchables encore longtemps ?
Dans cette affaire dites des 94 milliards, lorsque l’on a fini de faire le tour du propriétaire, il est toujours essentiel de rappeler, qu’aujourd’hui, Ousmane Sonko, soutenu par PASTEF et l’ensemble des sénégalais épris de justice, est l’homme politique qui se bat le plus pour que la vérité éclate.
Dieynaba Sar est responsable PASTEF Bordeaux, Membre du Secrétariat National à la Communication.