NETTALI.COM - Ingénieur polytechnicien de formation, Saër Diop dirige, depuis mai dernier, l’Agence pour l’économie et la maîtrise de l’énergie (Aeme). Dans cet entretien, il se prononce sur les défis qu’il compte relever à la tête de cette structure et les avantages qu’il y a pour les Sénégalais de rationaliser l’utilisation de l’énergie en général, de l’électricité en particulier.

 

Un ami m’a demandé l’utilité de l’Aeme et ses missions. Quelles réponses pouvez-vous lui donner en tant que directeur général de cette structure ?

L’Agence pour l’économie et la maîtrise de l’énergie (Aeme) est une structure étatique venue à son heure. Elle a été créée dans un contexte de crise énergétique, en particulier de crise d’électricité en 2011. Il est bon de produire de l’électricité, de l’énergie, mais il est encore mieux de savoir l’utiliser à bon escient, de manière efficiente. La principale mission de l’Aeme, c’est d’optimiser l’utilisation de l’énergie et d’inciter les populations à utiliser des équipements efficaces. Cela procure un potentiel énorme en termes d’économie d’énergie et évite de construire de nouvelles centrales qui seraient plus coûteuses. C’est donc une manière de rationaliser l’utilisation de l’énergie en général et de l’électricité en particulier avec un potentiel d’économie pouvant aller jusqu’à 40 %.

En dehors de la sensibilisation des ménages, l’Aeme semble mettre un accent sur la rationalisation de l’énergie dans le secteur public. Pourquoi ?

L’Aeme a mené une opération dénommée Sardel (analyse, suivi et réduction de la facture d’électricité du secteur public). Les résultats sont édifiants : sans aucun investissement, nous avons réalisé entre 2015 et 2017, une économie de plus de 2,5 milliards de FCFA sur les factures d’électricité du secteur public. L’Etat du Sénégal, dans sa démarche d’optimisation des dépenses publiques, accorde une importance au poste relatif aux dépenses d’électricité. Ce poste de dépenses est de l’ordre de 37,855 milliards de FCFA en 2017 pour 7622 polices d’abonnement. A ce niveau, l’Aeme avait déjà entrepris la mise en œuvre d’un programme d’optimisation des polices d’abonnement de l’administration qui, à lui seul, présente un potentiel d’économies de 4 à 5 milliards de FCFA. En plus de ce programme, plusieurs autres activités permettront de réduire les dépenses d’électricité de l’administration. Celles-ci portent essentiellement sur l’amélioration des performances énergétiques des installations et équipements dans les bâtiments de l’État avec la mise en œuvre des recommandations découlant des diagnostics énergétiques ciblés, mais aussi l’assistance technique à certains sites. L’ensemble de ces actions permettront de réduire jusqu´à 8,342 milliards de FCFA la facture publique d’électricité, soit près de 22 % de baisse comparé à 2017. Également, des économies d’énergie de 31,01 gigawattheures et de 6,4 mégawatts en découleront. Nous sommes en train de réfléchir à étendre des actions similaires sur les entreprises privées.

L’Aeme a aussi décidé de se concentrer sur le bâtiment. Pourquoi et en quoi consiste ce projet ?

Il s’agit, avec ce projet, de travailler sur l’efficacité énergétique des bâtiments de tout type (résidentiel, administratif, industriel, commerciaux). Grâce à la réglementation thermique en cours, nous allons mettre en place, avec les partenaires institutionnels, des exigences d’efficacité énergétique qui vont autant toucher à l’enveloppe du bâtiment (spécifications constructives) mais aussi à ses composantes et son mode d’exploitation et de gestion afin de garantir de meilleures performances énergétiques et thermiques. Grâce aux audits énergétiques ciblés, nous fournirons à l’ensemble des Sénégalais l’opportunité de classer leur bâtiment en fonction de leur niveau de consommation énergétique. Mais il n’y a pas que le bâtiment. Nous voulons travailler à faire de l’Aeme une institution de référence dans la mobilisation d’économies d’énergie et une locomotive de tous les acteurs pour une maîtrise durable de l’énergie. Cette vision ressort de la volonté de l’Aeme d’apporter sa contribution au secteur de l’énergie en allant chercher le surplus de consommateurs grâce aux nouvelles technologies de l’énergie et aux bonnes pratiques dans le domaine de l’efficacité énergétique. Cette économie d’énergie se traduit également en économie financière avec des dépenses en énergie évitées, ce qui se répercute doublement sur l’économie nationale.

Comment allez-vous vous y prendre ?

L’objectif de l’Aeme est d’impulser une dynamique nationale de maîtrise de l’énergie pour tous les acteurs et de réaliser, au moins, 320,822 gigawattheures d’économies d’énergie sur les consommations finales d’électricité ; 65,9 mégawatts d’écrêtement de la pointe du réseau électrique et 39,8 milliards de FCFA de baisse sur les dépenses d’électricité des différents acteurs sur les 5 prochaines années. Pour ce faire, il s’agira de procéder à la mobilisation des potentiels sectoriels d’économie d’énergie à travers la promotion des équipements et technologies efficaces ; à la réduction des dépenses d’électricité de l’administration ; à l’amélioration des performances énergétiques et de la gestion de l’éclairage public des collectivités locales ; à l’information et la sensibilisation sur la maîtrise de l’énergie et à la création d’un cadre propice au développement rapide et pérenne des pratiques de maîtrise de l’énergie.

Que faites-vous pour les collectivités locales notamment en matière d’éclairage public ?

L’éclairage public joue un rôle déterminant dans la sécurité des personnes et des biens, dans la qualité de vie et demeure une préoccupation de la plupart de nos collectivités territoriales. Cependant, plusieurs difficultés sont notées. Avec la structure du réseau d’éclairage public, l’amélioration des performances énergétiques et techniques des sources d’éclairage grâce à des solutions technologiques efficaces en énergie accompagnées d’un bon dispositif de contrôle et de gestion du réseau pourraient être une bonne alternative pour mieux faire face à ces contraintes. La mise en œuvre de ce programme, à travers une approche globale, tenant compte des différents axes d’intervention, permettra de mobiliser des économies annuelles de 9,9 mégawatts de puissance (avec 6,1 mégawatts à la pointe), 29,5 gigawattheures sur les consommations finales et 3,59 milliards sur la facture d’éclairage public. Comme axe d’intervention, il est prévu, en rapport avec les collectivités territoriales, de mettre en place des mesures pour améliorer les performances des sources d’éclairage existantes avec l’utilisation de technologies Led et de mettre à niveau les installations d’éclairage public ainsi que les systèmes de contrôle de l’allumage et de comptage. En plus, un système d’information géo référencié sera développé avec des outils de pilotage à distance de l’éclairage public pour améliorer la gestion globale du réseau.

Malgré les efforts de l’Aeme, la sensibilisation sur les enjeux liés à la maîtrise de l’énergie ne semble pas encore porter les fruits. Envisagez-vous de mener une campagne de communication en direction de la population ?

Sur la sensibilisation, il reste un travail important à faire. Jusqu’ici, l’Aeme se résume à son siège. Nous en sommes conscients. C’est pourquoi nous avons décidé de lancer le projet des « Maisons vertes » ou des « Antennes territorialisées de l’Aeme ». A travers tout le pays, l’Aeme doit être présente avec n personnel qualifié. Cela permettra de véhiculer l’information à la base, de sensibiliser les populations sur le potentiel d’économie d’énergie, mais aussi leur faire comprendre qu’économiser de l’énergie, c’est économiser de l’argent. L’Aeme va donc accentuer les activités de communication à travers des campagnes et diverses activités dans les différentes régions. Elle compte également travailler avec les établissements scolaires en vue de changer les comportements énergétiques dès le bas âge. Dans ce sens, nous travaillons à mettre en place une convention avec le ministère de l’Education nationale pour l’intégration de l’économie d’énergie dans les programmes scolaires. Nous comptons aussi diversifier davantage les actions de communication avec des concours à lancer de même que des semaines dédiées à la maîtrise de l’énergie et des journées portes ouvertes. Il est attendu de cet axe, un taux de couverture régionale de 100 % et l’implantation de quatre (4) points d’informations à Dakar et dans les autres régions du Sénégal.

Quelle est la portée de la loi sur la maîtrise de l’énergie sur laquelle travaille actuellement l’Aeme ? Cette loi qui est en cours de finalisation consiste à mettre en place les bases d’une réglementation durable et transversale qui prendra en compte toutes les préoccupations relatives à l’amélioration des performances énergétiques et au développement de la maîtrise de l’énergie dans des secteurs tels que le bâtiment, le transport, l’industrie, le résidentiel et pour toutes les formes d’énergie. Elle fixera également des exigences d’efficacité énergétique dans la production, la transformation, le transport et la distribution d’énergie tout en tenant compte de l’exploitation pétrolière. Elle définira aussi, par exemple, des exigences en matière d’audits énergétiques périodiques pour certains bâtiments, d’étiquetage énergétique des équipements électrodomestiques, de promotion des contrats de performance énergétique et de respect de normes minimales de performance énergétiques. Elle favorisera également la mise en place de mesures incitatives pour la promotion de la maîtrise de l’énergie et le développement du marché de l’efficacité énergétique au Sénégal.

En tant qu’ingénieur polytechnicien ayant eu à travailler dans le secteur des hydrocarbures, quelle lecture faites-vous sur le débat autour des ressources pétrolières et gazières agité depuis un certain temps ?

Les découvertes pétrolières et gazières suscitent des discussions et l’intérêt à travers tous les pays où on a découvert ces ressources. Le Sénégal ne va pas faire exception. Mais je pense qu’on doit en discuter avec beaucoup de sérénité et de responsabilité afin d’en profiter et d’en faire profiter les générations futures. Mais à mesure que les jours passent, les citoyens épris de vérité se rendent compte que c’est une affaire montée de toute pièce par une opposition et une société civile politisée, en perte de vitesse et qui cherchait un moyen pour revenir au-devant de la scène après sa mémorable défaite à l’élection présidentielle de février dernier. L’opposition espérait un second tour et, à travers ce débat, tient toujours à son deuxième tour, alors que les Sénégalais ont tranché. C’est pourquoi nous invitons tout le monde à tourner la page des élections et à se mettre au travail pour relever les défis qui nous attendent. Les Sénégalais ont renouvelé leur confiance au Président Macky Sall et il est en train de travailler.

Vous avez une casquette politique en tant que conseiller municipal à la mairie de Diourbel, peut-on s’attendre à ce que vous briguiez le poste de maire lors des prochaines locales ?

Comme tout bon politicien qui a une base politique, il est important, voire essentiel, lors d’échéances aussi importantes que les locales, qu’il y participe. Mais nous faisons partie d’une entité, Bennoo Bokk Yaakaar qui regroupe pas mal de responsables à Diourbel. Ce que je peux dire, c’est que je suis candidat à la candidature de la Coalition Bennoo Bokk Yaakaar pour la mairie de Diourbel.

Propos recueillis par El hadji Ibrahima THIAM (Le Soleil)