NETTALI.COM - Dans son autobiographie intitulée «Mémoires», parue aux Editions du Seuil, qui retrace sa vie d’homme politique, Abdou Diouf, 2e Président du Sénégal, ancien Secrétaire général et Président du Parti socialiste, n’a pas tari d’éloges à l’endroit de Ousmane Tanor Dieng que beaucoup qualifiaient d’être son «dauphin». Les 380 pages du livre sont très succulentes anecdotes sur le défunt. Morceaux choisis !   

Le «Dauphin» : «(…) Dans la même lancée, j’ai mis en branle une autre Réforme qui, cette fois-ci, concernait le Parti socialiste, dont j’étais le Secrétaire général (…). En fait, je dois, à la vérité, dire que, quelque part, je me suis toujours senti mal à l’aise dans cette fonction de Secrétaire général du Parti socialiste en même temps que président de la République. Après ma réélection en 1993, j’ai pensé sérieusement à dire, comme dans les grandes démocraties, que je voudrais me décharger de mes fonctions de Secrétaire général du Parti (…) J’y ai sérieusement pensé pendant toute cette période de 1993 à 1995, mais c’était difficile, parce que mes camarades ne voulaient pas en entendre parler. Devant le refus de mes camarades de me décharger des fonctions de Secrétaire Général du Ps, je leur ai alors proposé une solution, consistant à changer les statuts ; je deviendrais alors Président du parti, mais il y aura un Premier Secrétaire. Il y avait vraiment un consensus pour que Ousmane Tanor Dieng qui était Coordonnateur, soit Premier Secrétaire du parti. Cela ne signifiait pas qu’il était mon dauphin, mais tout le monde l’avait interprété comme tel, surtout ceux qui aspiraient aussi, peut-être à juste titre, à accéder à la tête du parti, ou à la Magistrature suprême, après mon départ. C’est comme cela que les choses se sont passées. (…) Le Congrès de mars 1996 devait formaliser le tout et il avait été minutieusement préparé. Tout le monde avait préparé le Congrès qui ne devait pas prendre beaucoup de temps, car il n’y avait aucun débat à faire, puisqu’il s’agissait seulement de sanctionner ce sur quoi tout le monde était d’accord et cela, depuis 1993. On avait dit, depuis cette date, que Ousmane Tanor Dieng allait être chargé de la vie du parti, le Président devait prendre de la hauteur et faire les grandes orientations. Donc, il n’y avait pas de Congrès sans débats, c’était une formalité à remplir et elle l’a été quand on a modifié les statuts du parti (…). Cependant, à partir de ce moment, se sont posés les problèmes de dauphin, avec la formation de clans pour ou contre au sein du Parti. (…) C’est de là que tous les problèmes sont partis. Je peux comprendre maintenant que, pensant à Ousmane Tanor Dieng, les gens se remémoraient les conditions dans lesquelles le Président Senghor m’avait choisi pour sa succession. C’était un mauvais jugement, car le Président Senghor avait choisi un dauphin et, dès 1964, il pensait déjà à son successeur. Quant à moi, je n’ai pas voulu choisir un successeur, j’ai seulement voulu aménager les choses de façon que le travail du parti continue avec quelqu’un qui était à côté de moi, qui pouvait donc recueillir mes instructions plus facilement. Mais la perception qu’ont eue les gens a été mauvaise. Ils pensaient, en effet, que j’avais choisi Ousmane Tanor Dieng comme dauphin.»

 

«Rien à lui reprocher» : «Tanor, proche collaborateur, en même temps Premier Secrétaire du parti, gérait aussi les fonds politiques, puisqu’il était ministre d’Etat chargé des Affaires présidentielles. Aujourd’hui, je mesure mieux que cette proximité pouvait effectivement susciter bien des interrogations (…) Quand j’ai quitté la Primature, j’ai travaillé avec lui et je l’ai observé. Je ne peux vraiment que me féliciter de son travail. Il faisait toujours à temps le travail que je lui donnais. Je trouvais que c’était un garçon méthodique, sérieux, travailleur et cultivé. J’aime les collaborateurs qui font des discours aérés, avec des citations et c’est son cas. Je l’ai aussi beaucoup apprécié pendant la campagne difficile de 1988. Presque tous les jours, il m’envoyait un mot d’encouragement, me donnant également des idées sur tel ou tel point. Vraiment, je trouvais que c’est un garçon très bien. Et quand j’ai nommé Moustapha Kâ qui était mon directeur de Cabinet, ministre de la Culture, j’ai tout naturellement nommé Tanor directeur de mon Cabinet. En 1993, il était Directeur de campagne et là aussi, il avait très bien fait son travail et je n’étais pas le seul à penser que c’était un garçon qui pouvait, au possible, changer la structure du parti. Comme le disait le Président Senghor en parlant de moi : ‘’Je ne l’ai jamais pris en flagrant délit de déloyauté.’’ Je n’ai vraiment rien eu à lui reprocher.»