NETTALI.COM - Les transferts d’argent des expatriés sénégalais ont atteint un niveau historique en 2024, confirmant plus que jamais le rôle stratégique de la diaspora dans l’économie nationale. Selon les dernières données de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), ces flux financiers se sont élevés à 2 211 milliards de francs CFA, contre 1 600 milliards de FCFA en 2023, soit une progression spectaculaire en l’espace d’un an.

Ces transferts représentent désormais environ 12 % du Produit intérieur brut (PIB) du Sénégal, un poids macroéconomique considérable qui dépasse largement celui de l’aide publique au développement et rivalise avec les recettes générées par certains secteurs d’exportation traditionnels. Ils constituent l’une des principales sources de devises du pays et jouent un rôle crucial dans l’équilibre de la balance des paiements.

Au-delà des chiffres, ces ressources irriguent directement l’économie réelle. Elles soutiennent la consommation des ménages, financent l’éducation et la santé, participent à la construction de logements et contribuent à la résilience sociale de milliers de familles, notamment dans les zones rurales. Dans un contexte mondial marqué par l’inflation, les crises géopolitiques et le ralentissement économique, la constance et la progression de ces transferts témoignent du fort attachement de la diaspora à son pays d’origine.

Consciente de cet apport déterminant, l’actuelle équipe dirigeante entend repositionner la diaspora comme un acteur central de la souveraineté économique nationale. « Cette diaspora est notre or financier. Elle est patriote, économiquement solide et mérite de devenir un acteur central du financement de notre souveraineté économique », a déclaré le Premier ministre Ousmane Sonko lors d’une récente conférence de presse.

Dans cette optique, l’État du Sénégal a fait le choix d’une stratégie innovante et inclusive : ouvrir davantage ses mécanismes de financement à la diaspora, notamment à travers des instruments d’épargne souveraine à forte portée symbolique et patriotique, à l’image des diaspora bonds.

Cette orientation a déjà donné des résultats probants. La troisième opération d’Appel public à l’épargne (APE), lancée par le ministère des Finances et du Budget, a été qualifiée de véritable succès. Alors que l’objectif initial était de mobiliser 300 milliards de francs CFA, les souscriptions ont atteint 450 milliards de FCFA, soit un taux de couverture de 150 %.

Selon le ministère des Finances et du Budget, cette opération s’est distinguée par la forte participation de la diaspora sénégalaise, mobilisée dans plus de 45 pays, aux côtés d’investisseurs résidents et sous-régionaux. Cette adhésion massive confirme l’existence d’un fort patriotisme économique et d’une volonté réelle des Sénégalais de l’extérieur de contribuer directement au financement du développement national.

À court terme, ces diaspora bonds offrent à l’État une source de financement immédiate et relativement moins coûteuse, en devises fortes. Ils permettent de réduire la pression sur la dette publique, de contenir le déficit budgétaire et d’éviter un recours excessif aux marchés financiers internationaux, souvent plus onéreux et volatils.

Le gouvernement mise sur le fait que de nombreux membres de la diaspora acceptent une rémunération légèrement inférieure aux taux du marché, en échange de la satisfaction de participer à la construction économique du pays. Cette logique de patriotisme économique crée un cercle vertueux, où l’investissement devient à la fois financier et citoyen.

L’afflux régulier de devises issues de la diaspora contribue également au renforcement des réserves de change de la BCEAO, un indicateur clé pour la stabilité macroéconomique de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). À plus long terme, ces mécanismes favorisent la constitution d’une base d’investisseurs stables et fidèles, moins sensibles aux fluctuations des marchés internationaux que les investisseurs institutionnels classiques.

Enfin, la montée en puissance de ces « actionnaires-citoyens » pourrait renforcer les exigences de transparence, de rigueur et de bonne gouvernance dans la gestion des fonds publics. La diaspora, par son engagement financier, devient aussi un acteur de veille et de redevabilité, contribuant à consolider la confiance entre l’État et les citoyens, où qu’ils se trouvent.

Ainsi, au-delà de leur rôle traditionnel de soutien aux familles, les transferts d’argent des Sénégalais de l’extérieur s’affirment désormais comme un levier stratégique de développement, de souveraineté économique et de stabilité nationale.