NETTALI.COM - Isolé par son parti, pressé par son Premier ministre, Bassirou Diomaye Faye cherche refuge dans Diomaye président. Les raisons de son obsession soudaine pour la coalition suscitent pas mal de controverses.

Diomaye tient à son “Diomaye président”. Malgré les multiples médiations et tentatives de conciliation, malgré les critiques de son parti le Pastef les patriotes, il reste droit dans ses bottes et continue de dérouler son agenda. Pour le moment, le Président ne renonce ni à la coalition, ni à celle qu’il a désignée comme superviseur générale, Mme Aminata Touré. Cette dernière ne perd d’ailleurs pas de temps. Avec son équipe, elle poursuit avec beaucoup de détermination le travail de massification du camp présidentiel.

Dans un communiqué reçu mercredi 19 novembre, la Coalition a rendu public ce qu’elle considère comme étant la première liste consolidée regroupant 213 organisations. “Cette liste rassemble à la fois les structures ayant renouvelé leur engagement et de nouvelles entités ayant rejoint la dynamique, apportant ainsi leur soutien actif au Président de la coalition, Bassirou Diomaye Diakhar Faye”, renseigne la coalition, qui réaffirme son engagement “à accompagner le président de la République dans la mise en oeuvre de ses nobles ambitions pour le Sénégal”.

Le constat est presque unanime chez les analystes. Jusque-là, l’ancien secrétaire général du Pastef ne semble pas dans les dispositions de revenir sur certaines de ses décisions. Pourtant, son audience avant-hier avec des responsables du parti avait suscité de l’espoir chez certains militants. Un espoir qui a duré le temps d’une rose.

Des signes d’agacement du président de la République

Selon plusieurs sources concordantes, la rencontre a juste servi de prétexte pour le président de la République, pour réaffirmer avec forces son intransigeance sur les décisions prises ces derniers jours et son refus de suivre aveuglément les exigences du président du Pastef. Alors que beaucoup de responsables tentaient de jouer la carte de l’apaisement, c’est le député Cheikh Bara Ndiaye qui est monté au créneau pour mettre les deux pieds dans le plat des médiateurs. Sur sa page Facebook, il confirme que Diomaye n’a fait aucune concession.

D’après le député, le Président a signifié à la délégation de Pastef que c’est grâce à son propre mérite que Sonko l’a choisi comme candidat.

Toujours selon le député, le Président Faye a renouvelé sa confiance au ministre de l’Environnement, en estimant que ce dernier n’a rien fait. Il a aussi confié aux émissaires qu’Ousmane Sonko ne le respecte pas et ne respecte pas les institutions. Diomaye ne serait pas non plus content que les militants et sympathisants le tiennent pour responsable, à chaque fois qu’il y a un différend, sans se soucier des raisons du conflit. “Pour l’affaire Mimi Touré, Diomaye n’a pas changé. Pas de limogeages ni de suite au rapport de l’IGE qui l’a épinglée”, rapporte Bara Ndiaye.

Qu’est ce qui fait courir le Président ?

Mais pourquoi cette radicalisation de l’ancien SG du Pastef ? Pourquoi tient-il autant à se doter d’un appareil autre que Pastef dont il se réclame toujours ? Au-delà de l’agacement, de ce qu’il considère comme un manque de respect du président du Pastef, il est souvent évoqué la question de sa candidature en 2029. Sur cette question, le chef de l’État ne s’est jamais prononcé. Face au BP du Pastef, il a réaffirmé sa position de principe, à savoir que ce n’est pas encore à l’ordre du jour. “Je ne sais pas si je serais encore vivant”, aurait-il réagi.

Il faut rappeler que sur ce sujet, le président Faye est resté assez cohérent. Depuis ses 100 jours, la question est agitée, parfois jusque dans les rangs de son parti. Certains lui collant la volonté de se représenter en 2029, alors qu’il doit céder la place à Sonko. Face aux journalistes dans le cadre de la célébration de ses 100 jours au pouvoir, il disait : “Je n’ai fait que trois mois, 100 jours, et vous me parlez de 2029. Je sais que vous êtes dans votre rôle en tant que journaliste, mais vous savez que ce n’est pas raisonnable d’en parler. D’ailleurs je n’en parlerais pas si tôt, ceux qui m’attendent sur ce sujet, devront attendre très longtemps.

Il convient de noter que Diomaye n’a pris aucun engagement public sur cette question. Il n’a jamais dit qu’il serait un président de transition, ni un président pour un seul mandat, comme certains candidats à la candidature l’avaient promis. Du côté de pastef, pas à chercher de midi à quatorze heures, pour 2029, le candidat naturel reste Ousmane Sonko.

Diomaye ne peut compter sur Pastef

Pastef a voulu une clarification lors de la rencontre d’avant-hier, mais Diomaye a préféré camper sur sa position initiale. Une ambiance qui risque de plomber le camp de la majorité. Il y a quelques jours, Dr Abdourahmane Diouf regrettait une absence de vulgarisation des actions “remarquables” du président de la Republique. Pendant que Diouf regrette un défaut d’engagement, Pastef reproche au Président de s’éloigner du parti qui l’a porté au pouvoir.

Le BP renforce la confusion

Si c’était pour désamorcer la bombe, la rencontre entre le BP et le président de la République n’a réussi qu’à raviver la controverse. D’ailleurs face aux polémiques suscitées et aux révélations qui ont réveillé la colère des militants, le Bureau politique s’est vu obliger de sortir un communiqué pour s’expliquer.

Le parti de préciser : “Le Bureau Politique National (BPN) de PASTEF–Les Patriotes, sous la conduite du Secrétaire général Ayib Daffé, a rencontré le frère, Président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, ce 18 novembre 2025. Dans un climat fraternel et constructif, les échanges ont porté, entre autres, sur la situation politique actuelle, notamment sur le renforcement de l’unité du parti et du tandem Diomaye–Sonko en particulier.

Afin d’accompagner et de consolider cette dynamique positive, poursuit le document, le BPN poursuit la mise en oeuvre de son plan d’actions, défini lors de sa réunion du samedi 15 novembre 2025, dans le but de répondre toujours plus efficacement aux préoccupations, attentes et espoirs des peuples sénégalais et africains.

La guerre entre les radicaux et les modérés

Ce communiqué a été diversement apprécié au sein du parti présidentiel. Les radicaux l’ont trouvé très laconique. Maire de Golf Sud et membre du Cabinet du Président de Pastef Ousmane Sonko, Khadija Mahecor Diouf a jugé ce communiqué “vide, fade, sans courage et sans responsabilité”. Selon elle, au lieu de prendre position, le BP est plutôt dans la désertion. La mairesse a rappelé des principes qu’elle juge non négociables : “La loyauté envers Ousmane Sonko, la dignité et la responsabilité face à l’Histoire ne sont pas des options. Elles obligent. Elles engagent. Elles exposent.

Du côté des modérés, on essaie plutôt de tempérer. Selon la porte-parole du gouvernement, il faut se méfier des artisans de la division. “J'ai assisté à la réunion du bureau politique national où l'ambiance a été plus que cordiale. Des frères et soeurs de parti se sont retrouvés et se sont accordés sur les fondements même de ce dernier à savoir la fraternité, le don de soi pour la patrie et l'engagement sans faille pour la réussite du PROJET.” Toute autre lecture, selon elle, est biaisée. “Les manoeuvres tendant à semer le doute au sein de l'opinion et cultiver une division ne passeront pas. C'est malhonnête et indigne! J'ai vu pour ma part deux grands hommes conscients des enjeux et résolument engagés à avancer ensemble pour la réussite du PROJET.

Même discours chez le ministre en charge du Tourisme Amadou Ba, qui a fait un live dans la soirée pour calmer les frustrés.

EnQuête