NETTALI.COM - Le procureur de la République a fait libérer hier Maimouna Ndour Faye, après deux nuits de garde à vue qui ont suscité la mobilisation de toutes les forces vives. Réagissant lors de sa libération, Maïmouna Ndour Faye estime avoir voulu faire entendre l'autre version, estimant qu’au regard des conventions internationales et des lois nationales de ce pays, "rien ne s’oppose à ce qu’un journaliste donne la parole à un homme qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt international"
La Gendarmerie de Foire l’avait arrêtée, le procureur de la République l’a libérée le jeudi 30 octobre, après son déferrement. Les choses se sont passées très vite. Arrivée dès les premières heures de la matinée, la patronne de la 7TV n’a pas mis du temps à être reçue par le représentant du parquet, qui n’a pas jugé nécessaire de lui décerner un mandat de dépôt.
Une nouvelle qui a donné du baume au coeur à tous les professionnels des médias, qui avaient déjà programmé un sit-in de soutien dans l’après-midi au siège de la 7TV. À cette occasion, la journaliste et patronne de presse a confié que le dossier n’est pas totalement clos. Il lui a été interdit de parler de ce dossier parce que l’affaire est toujours pendante devant la justice, a-t-elle précisé d’emblée.
Cette précision faite, la journaliste a tenu à rectifier les charges de ses accusateurs. “…Je tiens juste à rassurer ceux qui ont formulé cette accusation d’atteinte à la sûreté de l’État et d’atteinte à l’autorité de la Justice, je leur dit juste ceci : il n’a jamais été dans ma démarche professionnelle d’envisager de porter atteinte à la sûreté de l’État ou d’affronter l’autorité de la Justice. Je suis journaliste, j’ai juste exercer le droit à l’information pour les citoyens”, souligne t-elle.
Les journalistes libérés
Pour elle, ça fait un mois que les Sénégalais parlent de ce dossier, et ils n’ont eu droit qu’à une seule version. Raison pour laquelle elle a jugé utile de démarcher une interview avec Monsieur Madiambal Digne. “Comme tout journaliste, nous avons besoin d’avoir l’autre version et j’ai permis au peuple sénégalais d’avoir cette version. Parce qu’il y’avait des éclairages à apporter sur le dossier. C’est tout ce qui a motivé ma démarche”, a expliqué Mme Faye.
La journaliste s’est dite désolée que son acte ait été considéré comme une atteinte à l’autorité de la justice. Elle l’est d’autant plus qu’au regard des conventions internationales et des lois nationales de ce pays, “rien ne s’oppose à ce qu’un journaliste donne la parole à un homme qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt international”, a-t-elle plaidé, non sans préciser que la personne interviewée n’est ni un déserteur, ni un terroriste, ni un rebelle, ni un séditionniste. “J’ai juste voulu que les Sénégalais aient la version de la partie accusée, qu’ils soient édifiés sur ce qui s’est passé dans cette affaire”, justifie-t-elle, réitérant son respect envers les institutions : “Si j’ai pu offenser les institutions, je m’en excuse très humblement. Ce n’était pas ma démarche”.
MNF : “j’ai juste voulu que les Sénégalais entendent l’autre version….”
Président du Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse, Mamadou Ibra Kane a salué dans son intervention la mobilisation de la presse qui a contribué à la libération des journalistes. Pour lui, cette libération prouve que ces arrestations étaient plus politiques que motivées par le droit. “Au Sénégal, insiste t-il, aucune loi n’interdit de donner la parole à une personne poursuivie par la Justice.”
De ce fait, selon lui, les journalistes n’ont fait que leur travail. Et ce n’est pas inédit. “En 2023, quand l’actuel premier ministre était dans l’opposition et qu’il s’était enfui de Dakar pour se réfugier, en tant que fugitif, à Ziguinchor, un de nos confrères l’a interviewé. Ce n’était pas parce que le confrère était d’accord avec les thèses défendues par le fugitif Ousmane Sonko. Il avait juste fait son travail. C’est ça la démocratie, c’est ça la pluralité du système médiatique sénégalais, où nous donnons la parole à toutes les sensibilités.”
Patron très engagé, Monsieur Kane a appelé le monde de la presse et les défenseurs de la liberté de la presse à continuer le combat. Pour lui, c’est nécessaire parce que le nouveau régime veut liquider la presse privée au Sénégal. En attestent les décisions de ne pas verser en 2024 comme en 2025 les subventions pourtant votées à l’Assemblée nationale par les députés, l’injonction qui a été donnée à toutes les entreprises publiques de résilier des contrats en bonne et due forme…. “Cela montre que ce régime, comme l’a confessé le PM, veut créer un parti-État au Sénégal. Un parti-État ne passera pas au Sénégal. Cette démocratie nous l’avons bâtie sur plusieurs années”, a averti le patron des patrons.
Les jeunes reporters trouvent inadmissible l’envahissement des rédactions par les forces de l’ordre
Les jeunes reporters n’ont pas été en reste lors de cette manifestation. Pour Mamadou Diagne, président de la Convention des jeunes reporters du Sénégal, ce qui s’est passé à la RFM et à la 7TV est une atteinte grave à la liberté de la presse. “… Des journalistes menottés, embarqués dans leurs lieux de travail, c’est n’est pas acceptable.”
Par ailleurs, le président des jeunes reporters a appelé l’État à s’assoir avec les patrons pour que la sérénité revienne dans le milieu. “La situation de la presse est plus que difficile et c’est les jeunes reporters qui en souffrent le plus. L’aide à la presse doit être débloquée, et si elle est débloquée, elle doit aussi servir à améliorer les conditions des reporters. Nous appelons l’État et les patrons de presse à avoir un dialogue franc et constant pour constituer un écosystème médiatique sain, avec un modèle économique viable”, plaide Mamadou Diagne.
À noter que si les journalistes ont pu être libérés, c’est aussi parce que toutes les forces vives se sont mobilisées pour dire non au musellement de la presse indépendante. Société civile, hommes politiques, organisations de presse et des droits humains, tout le monde s’est levé pour dire non à la dérive autoritaire. Une voix qui certainement été entendue chez les autorités judiciaires qui ont aussi fait montre d’une grande compréhension des enjeux.
 
						 
							 
			 
			 
			 
			





