NETTALI.COM - 17 mois de gestion du pouvoir par le nouveau régime et les signaux qui se donnent à lire, sont loin d’être rassurants. Entre les départs en mer de jeunes, les inondations qui pourrissent la vie de certaines populations, une économie des plus moroses et une contestation qui commence à gronder après avoir subitement quitté le terrain des médias et des réseaux sociaux, l’ambiance est tout simplement survoltée sur la terre sénégalaise.

Comment ne pas s’arrêter et s’interroger sur cette grande marche 19 septembre du mouvement « Rappel à l’ordre » aussi subite qu’inattendue. Elle a gagné le pari de la mobilisation et doit donner ainsi donner réfléchir pour la vraie première alerte qu’elle est contre le nouveau régime.

Les griefs les plus notables étaient relatifs aux « arrestations de personnalités politiques ou de simples citoyens” qualifiés de “détenus d’opinions” ou de “détenus politiques”, alors qu’étaient scandés des « libérez Badara Gadiaga, Abdou Nguer ». Le cas d’Abdou Nguer « envoyé en instruction sans raison, tout comme d’autres personnes détenues » a été d’ailleurs dénoncé par le leader de La République des Valeurs Thierno Alassane Sall qui a aussi pointé du doigt le licenciement de certains travailleurs sans motif valable. De même que la gestion du pouvoir, avec un régime qui aurait transformé la République en “un camp et un clan”, privilégiant le parti au détriment de la patrie, a également été dénoncée. Les atteintes à la liberté de la presse, la mauvaise gestion de certaines sociétés telles que le Port autonome de Dakar, sans oublier le coût élevé de la vie, tout est passé dans les complaintes des manifestants.

Et le message le mieux partagé, pour clore les diverses dénonciations, inscrites sur des pancartes et scandées, a été « Sonko dégage ». Tout cela pour dire la frustration des manifestants était plus dirigées contre le Premier ministre Ousmane Sonko que le régime en place dans son ensemble.

Un message « Sonko Dégage » qui a évidemment été mal accueilli dans les rangs pastéfiens, puisque des sorties virulentes ont été enregistrées pour fustiger des manifestants qui défendent selon eux, des « voleurs ». La conséquence, des insultes que la décence ne permet pas de répéter ici, ont été proférées contre les mères des manifestants. Ce qui a fait réagir l’activiste Assane Diouf qui, dans un live, a adressé un ultimatum au président de la république, afin que ces personnes soient traduites en justice.

L’équation du discours du Premier ministre Ousmane Sonko

Elle est en tout cas devenue de plus en plus dure, la vie sur cette terre sénégalaise, avec des populations victimes des inondations qui pataugent dans certaines zones comme Touba, dont la situation date d’avant le Grand Magal. Tamba et Kaolack étaient aussi concernés. Dakar et sa banlieue, avec des zones comme keur Mbaye Fall et Grand Mbao, prisonnières des eaux. Avant cela, c’étaient les Parcelles Assainies, Yoff, Thiaroye, Mbour, etc. A Matam aussi, le danger des inondations était à un moment donné imminent, alors que le fleuve n'était plus qu'à 74 cm de quitter son lit. Dans le Dandé Mayoo, les eaux avaient déjà commencé à envahir la forêt et se dirigeaient vers les habitations, avec des populations qui risquaient de vivre à nouveau, le calvaire des crues exceptionnelles de l'année dernière avec son cortège de catastrophes.. Bakel comme l’a révélé « Le Quotidien » est au bord de la noyade avec des routes coupées, des périmètres agricoles envahis d’eau. Bref, un spectacle assez désolant de cette période hivernale.

Sur le plan économique, l’ambiance est encore plus morose, marquée par un manque d’argent incroyable. Le Gouvernement d’Ousmane Sonko qui peine à faire démarrer la machine économique, cherche pendant ce temps, des solutions du côté des pays asiatiques tels que la chine ainsi qu’au Qatar et en Turquie. Enfermé dans sa croisade, le Premier ministre ne veut toujours pas lâcher le FMI qu’il ne manque pas d’égratigner à chaque fois qu’il en a l’occasion. Le régime de Macky Sall lui non plus n’est pas épargné, accusé qu’il est d’être responsable de la situation économique difficile actuelle.

A la vérité, les sorties du Premier ministre, avec cette terminologie de « pays en ruines » et en particulier, celle de « dette cachée », utilisée pour qualifier une situation des finances publiques qu’il juge catastrophique, n’a rien arrangé. Elle est même désastreuse. Une accusation qui a d’ailleurs fini en polémiques avec l’ancien régime, là où le FMI a plutôt préféré parler de « déclarations erronées » et la Bceao qui ne confirme pas non plus la notion de « dettes cachées ». Cette communication sur un sujet aussi sensible que discutable, aurait sans doute pu être abordée avec un peu plus de tact et de jugeote et non étalée de la sorte sur la place publique, avec les conséquences que l’on sait sur l’image du pays : abaissement de la note du Sénégal, taux d’intérêt élevés engendrés par tout cela, perceptions négatives, risque pays plus élevé, appels publics à l’épargne incessants, etc

A cela, si l’on ajoute les diatribes et ces discours hostiles dirigés contre la presse, la magistrature, dont des membres sont traités de « corrompus », sans oublier ces opposants qualifiés de « résidus », cette société civile, de « fumiers » et ces fonctionnaires de « milliardaires », presque tout le monde en a eu pour son grade.

Mais, que peut-on réellement espérer des investisseurs une fois qu’on leur a dit tout le mal qu’on pense de son propre pays ? Peut-on le vendre de cette manière-là en brandissant la carte de la transparence, pour par la suite véhiculer l’image d’un pays en pleine expansion, pour pouvoir les attirer ? Il y a en effet une certaine incohérence dans le procédé.

Ainsi que le souligne le chroniqueur Ibou Fall, le régime actuel ne sait pas vendre notre pays. « Comment peut-on vouloir vendre son pays en évoquant ses problèmes de finances, tout en demandant de l’aide ? », s’est demandé celui-ci qui croit savoir que « Wade savait vendre le Sénégal avec des slogans tels que le Sénégal qui gagne ». De même qu’il estime que « Senghor avait réussi à vendre notre art et notre culture »

Des appels publics à l’épargne et un Programme de redressement économique qui interpellent

Résultat des courses, le nouveau gouvernement pour pouvoir soutenir les tensions de trésorerie, rembourser les dettes contractées et pouvoir fonctionner, ne s’est pas gêné à se lancer dans un cycle infernal d’Appels publics à l’épargne avec comme conséquences des taux d’intérêt bien plus élevés et des périodes de remboursement bien plus courts. L’Appel public à l’Epargne lancé, le troisième de l’année 2025, porte sur la recherche d’un montant de 300 milliards de francs CFA, destiné à financer des projets structurants dans l’éducation, la santé, les énergies renouvelables, l’agriculture, le numérique et la logistique. La période de souscription est fixée du 22 septembre au 10 octobre 2025, à raison de 10 000 F CFA par obligation. Les taux d’intérêt varient entre 6,40 % et 6,95 %, en fonction des maturités (3, 5, 7 ou 10 ans).

Bref une sorte de cercle infernal économique et financier, d’où l’on n’est pas prêt de sortir.

La question, est dès lors de savoir comment faire tourner une économie lorsque l’Etat n’investit pas, alors que la dette intérieure enfle.

A la vérité, le Programme de Redressement économique et social (PRES) du nouveau gouvernement, aurait sans doute dû s’appeler programme de redressement des finances publiques. Un programme d’ailleurs vu comme une sorte de gage pour anticiper la dernière visite du FMI.

Mais quel qu’en soit le fondement, le hic de ce projet de loi voté, consiste à taxer des secteurs dont la taxation peut se comprendre, mais avec toutefois des conséquences : les jeux de hasard, le transfert d’argent, le tabac, l’alcool, les importations de véhicules avec des risques pour l’environnement. Mais au-delà, ce qui donne à réfléchir, est certainement l’atteinte des objectifs chiffrés de 5667 milliards, même avec les hypothèses les plus pessimistes.

A la vérité, le comportement du consommateur n’est pas maîtrisé et il sera bien optimiste de prévoir ce qu’il fera lorsque le prix de certains biens auront augmenté. Dans un pays comme la France, la taxe sur le tabac, a eu comme conséquence le développement de la contrebande.

Lansana Gagny Sakho, Président du Conseil d’administration (PCA) de l’Agence nationale de promotion des investissements et des grands travaux (APIX), a d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme, le lundi 22 septembre, sur les conséquences des politiques fiscales unilatérales dans l’espace CEDEAO-UEMOA, notamment sur le tabac et l’alcool. Dans une analyse publiée aujourd’hui, il met en garde contre les risques de désindustrialisation, de contrebande et de perte de souveraineté économique, soulignant que « dans un espace communautaire fondé sur la libre circulation des biens, toute politique fiscale unilatérale devient un pari risqué ».

M. Sakho prend l’exemple de la Manufacture des Tabacs de l’Ouest Africain (MTOA) au Sénégal, fleuron industriel qui a fermé ses portes à Dakar pour transférer ses activités à Abidjan. « En cause : une fiscalité devenue dissuasive, dans un contexte régional où les produits circulent librement et où les différentiels de taxation créent des distorsions insoutenables », explique-t-il, qualifiant cette fermeture de « symptôme d’un déséquilibre structurel entre ambition nationale et réalité communautaire ».

Il rappelle que les travailleurs de la MTOA avaient alerté sur cette situation. Il pointe également le cas de la SOBOA, entreprise du groupe Castel dans le secteur de l’alcool, actuellement en stratégie « Go No Go » et « asphyxiée par la fraude » avec « un pied dehors ». Selon lui, une nouvelle taxe risque d’accélérer ce départ.

Sur ce plan de redressement, l’économiste Moubarack Lo lui se veut prudent puisqu’il doute que ces mesures suffisent à financer les ambitions de l’État. « Si l’on augmente trop les taxes, les gens consomment moins. Et quand ils consomment moins, les recettes fiscales baissent », a-t-il alerté insistant sur la nécessité d’analyses de sensibilité et de risque pour chaque mesure. « On ne peut pas faire de politique fiscale sérieuse sans simulation», a-t-il dit. Il est surtout question de vérifier si ces mesures vont produire leurs effets, une innovation devant reposer sur un cadre scientifique éprouvé et non sur des incantations.

Pour un secteur aussi dynamique que le transfert d’argent, l’équation qui se pose, est celle du risque sur l’inclusion financière. Wave par exemple revendique un rôle majeur dans la démocratisation des services financiers, estimant que son modèle a permis de réduire de plus de 90 % les frais de transfert d’argent par rapport aux canaux traditionnels. Résultat : des millions de Sénégalais, notamment en zones rurales, ont désormais accès à des services rapides, sûrs et abordables. De même, des dizaines de milliers d’agents et partenaires locaux vivent aujourd’hui de cet écosystème, tandis que les communautés bénéficient d’une hausse de l’épargne et de l’investissement, contribuant à la formalisation de l’économie informelle.
Ce qui est donc incompréhensible, c’est le fait que les acteurs du mobile money, y compris Wave, n’ont pas été associés aux concertations sur la réforme. Une absence de dialogue qui interpelle, au vu de l’impact direct sur des millions d’usagers. Plusieurs experts jugent qu’une approche plus inclusive, basée sur des données fiables, aurait permis de concilier objectifs fiscaux et préservation des acquis en matière d’innovation.

Le Front pour une révolution anti-impérialiste populaire et panafricaine (FRAPP) est monté au créneau après l’adoption par l’Assemblée nationale de la loi instituant une taxe sur les transferts d’argent. Dans un communiqué rendu public le 21 septembre 2025, le mouvement fustige une « injustice fiscale flagrante » qui frappe directement les Sénégalais, déjà éprouvés par la cherté de la vie, l’inflation et le chômage.

S’il dit ne pas rejeter l’idée d’une contribution citoyenne à l’effort de redressement économique, le FRAPP estime que le gouvernement a choisi la mauvaise cible : « Au lieu d’imposer les multinationales qui amassent des milliards sur le dos des Sénégalais, on a décidé de pressurer le peuple. » Le mouvement rappelle d’ailleurs que le ministre des Finances a reconnu devant les députés que le principal opérateur du secteur ne s’était jamais acquitté de l’impôt sur les sociétés, se limitant depuis son installation à un impôt minimum forfaitaire de 20 millions F CFA.

Pour corriger cette iniquité, le FRAPP propose plusieurs alternatives : instaurer un impôt minimum sur le chiffre d’affaires local des opérateurs, taxer leurs commissions et revenus financiers, appliquer une redevance proportionnelle au volume de transactions. Afin d’éviter que ces charges ne soient répercutées sur les clients, le mouvement recommande un décret interdisant toute hausse des tarifs, le plafonnement des commissions, ainsi qu’une obligation de transparence avec publication de rapports certifiés».

Mais contrairement aux affirmations du ministres des Finances, selon lesquelles Wave ne contribuerait qu’à hauteur de 20 millions FCFA, l'entreprise Mobile money révèle un tout autre tableau. Des données auditées, vérifiables auprès des autorités fiscales, montrent que l’entreprise a versé plus de 30 milliards FCFA en 2024. Ce montant inclut l’impôt sur les sociétés (IS), la taxe sur les activités financières (TAF), la TVA collectée sur des millions de transactions, les retenues à la source (salaires, commissions), ainsi que les cotisations sociales et patronales. Des chiffres qui témoignent, selon des sources proches du dossier, d’une conformité stricte avec la législation sénégalaise. Bref autant des réserves émises par rapport à ce Plan.

De voir le ministre des finances, demander aux généreux donateurs transférant un montant de 10 000 francs, de penser à réserver 50 francs à l’Etat du Sénégal, fait gentiment sourire, tellement le propos est maladroit.

Ousmane Sonko a désormais toutes les cartes en main

Après 17 mois d’exercice du pouvoir et sans grande prouesse sur le plan économique, Le premier ministre Ousmane espère redresser l’économie avec son Plan de Redressement économique et social (Pres). Pour l’heure, les pleins pouvoirs pour gouverner, au-delà de ce qu’il espérait, lui ont été aussi donnés, depuis sa sortie mémorable sur le manque d’autorité du président Diomaye et ses complaintes selon lesquelles, on ne le laissait pas gouverner. Il tient désormais entre ses mains, les ministères de l’Intérieur et de la justice, tout en étant très actif sur le terrain de la diplomatie. Ce qui signifie en d’autres termes qu’il n’a plus droit à l’erreur.

Le régime actuel doit juste se rendre à l’évidence, que gouverner ne peut se réduire pas à instituer des règles ou à brandir une reddition des comptes ou une justice pour les victimes des évènements de la période pré-électorale. Les règles sont évidemment utiles pour construire une société organisée et harmonieuse, mais le gouvernement doit dans le même temps, s’évertuer à booster l’économie, en accompagnant le secteur privé. Il ne s’agit donc pas uniquement d’attirer les investisseurs en réduisant son secteur privé au rang de sous-traitant dans son propre pays, mais bien de lui donner les moyens de booster de faire naître un tissu de PME, PMI, de booster sa production industrielle. La richesse de nos sous-sols nous donne tant de possibilités inexploitées, en termes de potentialités sur les chaînes de valeurs minières, énergétiques et agricoles d’ailleurs inexplorées. Le gouvernement doit aussi accompagner le développement de l’agriculture, l’élevage, l’artisanat, les industries culturelles, le numérique, les sociétés de service, etc tout en incitant à la consommation de ce qui est produit localement. Il doit également par la même occasion, offrir au secteur privé, la possibilité d’évoluer en étant plus performant via les transferts de compétences et de technologies.

Il s’agit au-delà d’adapter notre éducation et notre formation en fonction de nos options de développement économique et social qui doivent être liées à nos besoins réels et à nos potentialités. Ce qui peut aider les jeunes à trouver des emplois adaptés à des formations appropriées. Ce sont certainement des transformations de longue haleine, mais c’est un passage obligé qui doit reposer sur une vision claire, si l’on veut vraiment arriver à faire rêver nos jeunes et les retenir au Sénégal, plutôt que de leur servir des discours aussi dévastateurs que désespérants sur « un pays en ruines » les « faux chiffres » ou encore un pays infesté de corporations abritant des corrompus.

A la vérité, un gouvernement n’est pas nommé pour se lamenter, mais bien pour trouver des solutions et poser des actes.

L’on peut estimer que de la même façon qu’un régime hérite des privilèges de la république, c’est de la même façon qu’il doit accepter de prendre en charge, des problèmes posés par la gouvernance précédente.

A 17 mois d’exercice du pouvoir, le nouveau régime doit plutôt s’évertuer à avancer en oubliant Macky Sall et sa gestion. La reddition des comptes doit se poursuivre, mais avec sérénité en laissant une justice impartiale s’exercer, sans toutefois que le régime s’inscrive dans une logique de règlements de compte ou de justice des vainqueurs, comme ce qui leur est souvent reproché.