CONTRIBUTION - Une récente analyse des performances économiques ouest-africaines a mis en lumière un fait notable : en 2023, l'économie guinéenne, portée par l'explosion de sa production minière (bauxite et alumine), a temporairement surpassé celle du Sénégal en termes de taux de croissance. Cependant, cette situation conjoncturelle masque des réalités structurelles profondément différentes et un potentiel de rebond sénégalais qui pourrait, à moyen terme, inverser à nouveau la donne: le rebasing du PIB Sénégalais.
La Conjoncture Guinéenne : Une Croissance Minière Volatile
La performance guinéenne est largement tributaire du secteur extractif. La mise en service de nouvelles mines et la montée en puissance de projets existants ont dopé le PIB, affichant une croissance robuste. Toutefois, cette croissance présente une double fragilité :
1. Volatilité des cours mondiaux : Elle est extrêmement dépendante des prix des matières premières, sur lesquels le pays n'a aucun contrôle.
2. Faible impact sur l'emploi et la diversification : Le secteur minier est capitalistique mais ne crée pas suffisamment d'emplois directs et entraîne peu de valeur ajoutée locale (effet de liaison limité), limitant sa contribution au développement économique inclusif.
Le Contexte Sénégalais Actuel : Dette Cachée et Dégradation de la Notation
Le ralentissement relatif du Sénégal s'explique par un cocktail de défis internes et externes : · La crise de la dette cachée : L'épisode des garanties étatiques controversées accordées à des sociétés hors-bilan (notamment dans le secteur des hydrocarbures) a érodé la confiance des investisseurs et des partenaires. Cela a mis en lumière des faiblesses en matière de gouvernance financière et de transparence de la dette, bien que des mesures correctives aient été promises : redressement économique puis relance et accélérer.
· Dégradation du risque-pays : Cette perte de confiance, couplée à un endettement public élevé et aux retombées de la crise ukrainienne (inflation, déficit commercial), a conduit à une dégradation de la notation souveraine du Sénégal par les agences (Moody's, Fitch). Cela renchérit le coût d'emprunt sur les marchés internationaux, pesant sur les finances publiques.
· Attentisme pré-électoral : L'environnement politique incertain en 2023-2024 a également contribué à un ralentissement des investissements et des décisions économiques majeures.
Le Rebasing du PIB et l'Aube des Hydrocarbures : Les Leviers du Rebond Sénégalais
La donne économique sénégalaise est sur le point de connaître une transformation radicale, laissant présager un dépassement rapide de la performance guinéenne à court terme. 1. L'Opération de Rebasing (Base 2024) : Le Sénégal s'apprête à réactualiser le calcul de son PIB, qui utilisait jusqu'ici une structure économique datant de 2014. Ce rebasing intégrera le poids des nouveaux secteurs (numérique, services modernes, industries émergentes, Hydrocarbures, gaz...) et offrira une image bien plus fidèle et volumineuse de l'économie réelle. Il est attendu que le PIB nominal s'en trouve significativement rehaussé, modifiant instantanément tous les ratios (dette/PIB, déficit/PIB) pour les améliorer. 2. Le Potentiel Inégalé des Hydrocarbures : Le véritable gamechanger réside dans l'exploitation imminente des champs pétroliers et gaziers de Sangomar (pétrole) et surtout Grand Tortue Ahmeyim - GTA (gaz).
Contrairement au modèle minier guinéen, ces projets : · Généreront des recettes budgétaires massives (plusieurs centaines de millions, voire milliards de dollars par an à plein régime).
· Stimuleront un écosystème industriel (centrales électriques, industries pétrochimiques, GNL) créateur de valeur ajoutée et d'emplois.
· Amélioreront durablement la balance commerciale via les exportations.
· Garantiront la sécurité énergétique du pays, réduisant la facture des importations de fuel.
Conclusion : Le rebasing du PIB Sénégalais et un retour de la confiance sous l'égide du FMI
La situation actuelle, où la croissance guinéenne surclasse celle du Sénégal, est donc très probablement un phénomène temporaire (rebasing). La dynamique fondamentale de l'économie sénégalaise, une fois les incertitudes politiques levées, est autrement plus solide et diversifiée (agriculture, tourisme, services, industries, BTP). Le retour des équilibres macroéconomiques et de la confiance des investisseurs, passera par une finalisation réussie du programme du FMI (programme de réformes) et une gestion irréprochable et transparente des futures recettes gazières et pétrolières (à travers notamment le Fonds Souverain d'Investissements Stra-tégiques - FONSIS).
In fine, le redressement économique suivi de la relance et accélérer les dividendes socio-économiques du potentiel de la croissance pro-pauvre... Dès 2025-2026, avec le démarrage de la production d'hydrocarbures et les effets du rebasing, le Sénégal est bien placé pour non seulement dépasser à nouveau la croissance guinéenne, mais surtout pour s'engager sur une trajectoire de croissance structurellement plus robuste, diversifiée et créatrice de richesse partagée, consolidant son statut de hub économique majeur en Afrique de l'Ouest.
La supériorité guinéenne n'aura été qu'une parenthèse conjoncturelle dans une course de fond où le Sénégal dispose d'atouts largement supérieurs autrement plus puissants et durables.
DR. SEYDINA OUMAR SEYE