NETTALI.COM - Alors qu’elle peine, depuis juillet 2024, à avoir un gouvernement stable, la France doit maintenant faire face à la colère populaire, avec des milliers de manifestants qui descendent dans la rue pour exiger la démission d’Emmanuel Macron. Des manifestations qui interviennent dans un contexte de flou politique total.
Comme promis, les Français ont répondu, le mercredi 10 Août, par milliers à l’appel du mouvement Bloquons tout. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, c’est environ 175 000 personnes à travers le pays ; 250 000 selon la Confédération générale du travail (CGT). Les images tournaient en boucle sur les réseaux sociaux et dans les médias. À plusieurs endroits de la capitale, des manifestants ont érigé des barricades composées de poubelles et de déchets. Certaines ont été incendiées, enflant l’atmosphère déjà tendue. Avec des affrontements violents entre manifestants et forces de l’ordre.
Des images largement relayées et commentées sur certaines pages sénégalaises. Beaucoup d’internautes faisant le parallèle avec ce qui s’est passé au Sénégal entre 2021 et 2024. Alors que les uns dénoncent avec ironie la violence de la répression policière, d’autres mettent l’accent sur le fait que, malgré la violence des manifestions, les forces de l’ordre ont su faire preuve de maîtrise, évitant ainsi les grabuges.
Faisant le bilan le soir, le ministre de l’Intérieur a surtout salué l’action des forces de l’ordre qui ont mis en échec, selon ses mots, les initiateurs de ces manifestations de masse. “La journée a été très longue ; elle a commencé à l'aube et elle se poursuit. Le premier constat que l’on peut faire, c’est la mise en échec de ceux qui voulaient bloquer le pays. Les bloqueurs n'ont pas bloqué la France”.
À l’en croire, il y a eu de très nombreuses tentatives, parfois violentes, de blocage. “Mais grâce à la réactivité et aux instructions qui ont été données à la police, force est restée à la loi”, s’est réjoui Bruno Retailleau, non sans dénoncer ce qu’il considère comme des tentatives de manipulation de la colère populaire.
“Il y a certes des compatriotes qui sont en colère à cause des fins du mois difficiles, une colère qu'ils peuvent légitimement exprimer, mais on voit qu'il y a eu une confiscation, un détournement, notamment de leur mobilisation par la mouvance extrême gauche et ultra gauche”, accuse le ministre de l’Intérieur.
Pendant ce temps, le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, fustige la violence policière et magnifie le comportement “pacifiste” des manifestants. “Remarquable sang-froid des rassemblés sous une violente agression policière destinée à provoquer des incidents en chaîne pour justifier les arrestations et les titres de la presse”, a-t-il réagi sur son compte X, avec en illustration des images de confrontations entre forces de l’ordre et manifestants.
Au ministre qui taxe les manifestants de violents, Mélenchon rétorque que c’est plutôt du côté des flics qu’il faut chercher les auteurs d’actes violents. “À Brétigny, ce sont les policiers qui allument l’incendie du terre-plein. À Paris, l’incendie d’une façade leur est peut-être dû… En tout cas, les manifestants n’y sont pour rien, nonobstant les jacasseries des chaînes d’info à genoux devant chaque cageot en feu quand il y en a”, ajoute le leader de la LFI.
Pour Mélenchon, la demande de destitution de Macron est désormais ancrée et elle fut criée partout. “Tout le monde connaît notre point de vue : le coupable de la situation, c’est Macron. Le chaos, c’est lui et ses décisions. Il ne fait pas le moindre effort pour montrer qu’il reçoit ou entend les messages qui lui viennent de l’Assemblée nationale ou du pays. Au contraire, il force le trait par bravade pour montrer qu’il reste le maître de ses étranges plans absurdes”, charge l’opposant, avant trancher : “Il doit partir. Il partira parce qu’il n’a aucun moyen politique de rester, ni lui, ni aucun de ses clones, ni aucun des opportunistes qui jouent la comédie de ‘la stabilité’ en aggravant la confusion pour mieux en tirer profit personnel en places et postes. Macron doit partir et le pouvoir du peuple doit être rétabli pour prendre les décisions refondatrices dont le pays a besoin, qu’elles soient ceci ou cela”.
Pour parer à toutes les éventualités et éviter que le pays soit paralysé, le gouvernement a mobilisé des milliers policiers et gendarmes sur toute l’étendue du territoire. On parle de 80 000 éléments mobilisés, dont 6 000 à Paris. Un dispositif exceptionnel qui a permis, selon le ministère de l’Intérieur, de contenir les plus de 850 actions menées et près de 200 000 manifestants.
Au total, informe BFM dans un article mis en ligne vers les coups de 23 h, plus de 540 interpellations ont été notées dans tout le pays, dont 211 à Paris ; 415 personnes ont été placées en position de garde à vue, dont 110 dans la capitale. Du côté des forces de l'ordre, il a été enregistré 23 blessés, selon les derniers bilans publiés dans la soirée.
Le flou politique
Ces manifestations interviennent dans un contexte marqué par l’instabilité institutionnelle et politique que traverse le pays depuis les dernières élections législatives en juin-juillet 2024, avec quatre gouvernements successifs et des durées de vie très limitées.
Depuis ces Législatives, en effet, aucun des groupes qui composent l’Assemblée nationale n’a la majorité nécessaire pour gouverner seul. Et les différentes forces en présence, n’arrivent pas à s’entendre autour d’un programme pour dépasser ces situations de blocage.
À la suite de la démission de Gabriel Attal en juillet, Emmanuel Macron avait d’abord nommé Michel Bargnier pour composer le premier gouvernement post-législatives. Celui-ci ne durera qu’environ 91 jours avant d’être dissout.
En décembre 2024, François Bayrou accède à Matignon, mais lui non plus n’échappera pas aux querelles politiques. Après avoir survécu à une première motion, il finit par tomber le 8 septembre 2025, avec 364 voix contre 194, dans un vote de confiance qu’il a lui-même provoqué. Il a été remplacé par Sébastien Lecornu, proche de Macron, dont la nomination suscite encore plus de vagues et qui risque de connaître le même sort que ses devanciers.
À cause de cette situation inédite, deux options reviennent régulièrement dans le débat public. Soit le président de la République démissionne et provoque une élection présidentielle anticipée comme le réclame le leader de la LFI, soit il dissout à nouveau l’Assemblée et organise de nouvelles élections législatives. La deuxième option semble avoir la faveur des pronostics.
Pour rappel, c’est le 9 juin 2024 que le président français avait dissout pour la première fois l’assemblée, à la suite de la défaite de son camp aux élections européennes et au triomphe de l’extrême droite. Il espérait ainsi renforcer sa majorité, mais a récolté l’effet inverse. Une nouvelle dissolution serait donc la deuxième en moins de deux ans.
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