NETTALI.COM - Le verdict du crash de l’avion médical de la compagnie Sénégalair, survenu le 5 septembre 2015, est tombé ce jeudi 11 septembre 2025. Trois anciens responsables de l’ANACIM ont été condamnés à six mois de prison avec sursis et à une amende de 500 000 francs CFA chacun. Ils doivent allouer solidairement la somme de 30 millions de FCFA au titre de dommages et intérêts. L’Anacim a été déclarée civilement responsable tandis que l’État du Sénégal et l’Asecna ont été mis hors de cause.
Le tribunal correctionnel de Dakar a tranché dans l’affaire du crash de l’avion médical de la compagnie Sénégalair, survenu le 5 septembre 2015. Il a déclaré l’action publique éteinte contre feu Gérald Gabriel Mare Diop, ancien directeur général de l’ANACIM décédé en cours de procédure. El Hadji Mactar Daff a été relaxé de tous les chefs de prévention.
En revanche, Magueye Marame Ndao, Mamadou Sy et Mohamed Mansour Sy ont été reconnus coupables d’homicide involontaire. Ils sont disculpés de violation du code de l’aviation civile. Pour la sanction, les trois ont écopé chacun de six mois de prison avec sursis et de 500 000 francs CFA d’amende ferme.
Sur le plan civil, le tribunal s’est déclaré incompétent pour juger l’action dirigée contre Sénégalair et son assureur, la SAAR Assurance, mais a reconnu la constitution de partie civile des héritiers du copilote Hichem Berkani, à qui les prévenus sont contraints d’allouer 30 millions de francs CFA pour l’ensemble de leur préjudice.
Les trois condamnés devront payer solidairement cette somme, l’ANACIM étant déclarée civilement responsable. Le jugement a été assorti de l’exécution provisoire et les dépens mis à la charge des prévenus.
Le tribunal s’est déclaré incompétent pour connaître de l'action civile dirigée contre la compagnie SENEGALAIR et son assureur la société la Sar Assance. Il a réservé les intérêts des parties civiles Aissatou Diallo, Awa Ngom, Ndate Yallah Ndiaye, es qualité de ses enfants mineurs et des héritiers respectifs de feux Mohamed Addad, Cheikh Tidiane Niang et Céline Pilat.
Le drame remonte au 5 septembre 2015. Ce jour-là, un appareil de type Hawker 125-700 immatriculé 6V-AIM, appartenant à la compagnie Sénégalair, avait décollé de Ouagadougou à 16h36. À bord se trouvaient deux pilotes algériens, Mohamed Addad et Hichem Berkani, un mécanicien congolais, Arsène Kongolo, un médecin sénégalais, le docteur Yahya Diop, deux infirmiers, Cheikh Tidiane Niang et Youssoupha Diédhiou, ainsi qu’une patiente française, Céline Pirat. L’avion était attendu à l’aéroport international de Dakar à 18h30. Mais à 18h58, l’aéronef a été localisé par radar alors qu’il s’éloignait de Dakar en direction de l’océan. À 19h07, l’opérateur de service a constaté la perte totale de contact avec l’appareil, déclenchant les opérations de recherche du Centre de coordination des sauvetages. Malheureusement, il était déjà trop tard : la catastrophe avait causé la mort des sept occupants.
À la barre, les prévenus ont plaidé non coupables, rejetant la responsabilité sur la compagnie Sénégalair et sur l’ASECNA, l’agence de navigation aérienne. Selon eux, cette dernière n’aurait pas alerté à temps sur la trajectoire irrégulière de l’avion, tandis que la compagnie aérienne aurait dissimulé des informations essentielles concernant la maintenance de ses appareils. Certains ont même insinué que la boîte noire de l’appareil aurait pu être trafiquée.
Leur ligne de défense a toutefois été battue en brèche par le témoignage d’Al Hassane Hanne, expert aéronautique et ancien chef de maintenance de Sénégalair. Ce dernier a affirmé avoir adressé aux autorités, un rapport circonstancié recommandant la suspension des activités de la compagnie après inspection, rapport qui est resté lettre morte. Il s’est dit surpris qu’en juillet 2015, malgré deux alertes déjà émises, Sénégalair ait obtenu dans un délai qu’il juge « incompréhensible » un certificat de navigabilité lui permettant de poursuivre ses activités.
Ces propos sont venus conforter l’accusation qui reprochait aux responsables de l’ANACIM leur laxisme, leur absence de réaction face à des signaux alarmants et leur manque de rigueur dans l’application des normes internationales. Le parquet a même souligné que Sénégalair n’occupait plus ses locaux à l’époque du drame, preuve supplémentaire d’une compagnie en situation de défaillance totale.
Dans son réquisitoire, le ministère public avait demandé une peine exemplaire : deux ans de prison ferme, une amende de 12 millions de francs CFA et la délivrance d’un mandat de dépôt contre les quatre prévenus.
Les avocats de la défense, pour leur part, ont plaidé la relaxe, contestant la légitimité et la compétence du témoin principal et rejetant toute responsabilité de leurs clients. Seul Me Youssoupha Camara, conseil de la famille du copilote décédé, a demandé au tribunal d’accorder 650 millions de francs CFA de dommages et intérêts. Les autres parties civiles ont préféré que leurs intérêts soient réservés pour une procédure ultérieure.
Ainsi, dix ans après le crash de l’avion médical, la justice sénégalaise a livré un verdict qui, s’il établit la responsabilité de l’ANACIM et sanctionne certains de ses responsables, laisse toutefois un goût d’inachevé pour de nombreuses familles de victimes, qui espéraient une condamnation plus lourde et une reconnaissance plus large de leurs droits.