CONTRIBUTION - Au Sénégal, le pétrole ne coule pas seulement des puits de Sangomar, il coule aussi… dans les conversations de quartier, sur les plateaux télé et dans les colonnes des journaux.

On adore jouer avec les chiffres. On les jette en pâture à l’opinion, sans mode d’emploi, et on laisse les citoyens se débrouiller avec leur indignation.

Le chiffre magique de *67 milliards* de F CFA brandi comme la “part du Sénégal” sur les *1536 milliards* générés par la production a fait bondir plus d’un citoyen. “Comment un pays producteur peut-il se contenter d’aussi peu ?”, s’indigne- t-on. Mais comme souvent, la vérité ne se cache pas seulement dans les chiffres : elle est aussi dans les lettres du contrat.

Car 67 milliards, ce n’est pas la part du Sénégal. C’est un acompte, une avance, une bouffée de royalties et d’impôts qui tombent immédiatement dans les caisses publiques. Donc, derrière ce chiffre brandi comme une gifle, il y a une autre réalité. Le pétrole, ce n’est pas un marché Sandaga où l’on empoche la recette du jour. C’est un contrat huilé, où les compagnies commencent par récupérer leurs milliards investis dans les forages, les plateformes, les pipelines. Après quoi, on partage.

Et c’est là que l’on découvre une autre vérité : le Sénégal devrait encaisser *500 à 600 milliards* par an en moyenne, une fois les comptes réglés. Les trois premières années, oui, c’est maigre ( *250 ou 300 milliards*) parce qu’on rembourse les géants du secteur. Mais après, la courbe s’inverse : à partir de la quatrième année, la manne grimpe à *550 milliards* , parfois plus. Sur dix ans, la part cumulée de l’État se situe autour de *4000 à 4500 milliards.* Pas si ridicule.

Alors, où se trouve le problème ? Certainement, dans les lettres du contrat, pas dans les chiffres. Car les compagnies, elles, savent lire. Elles savent calculer. Elles savent verrouiller leurs clauses. Pendant que nous, on s’excite sur un chiffre sorti de son contexte, elles avancent leurs pions. Tranquillement.

La vraie question n’est pas “67 ou 516 milliards”, mais “qui contrôle l’argent” ? et “pour qui”? Est-ce que ces milliards serviront à bâtir des hôpitaux dignes de ce nom, des écoles qui ne croulent pas, des routes sans nids de poules ? Ou bien est-ce qu’ils vont s’évaporer dans les poches d’une minorité bien placée ? La vérité sur le pétrole est brutale : Le pétrole offrira des milliards, oui.

Mais, il ne créera pas d’emplois par magie, il ne remplira pas les marmites des ménages. Il ne sauvera pas le Senegal par miracle. Ce qui sauvera (ou condamnera) ce pays, c’est la manière dont nous allons gérer cet argent.

La vraie richesse dépendra de ce qu’on en fera. Les chiffres rassurent, les lettres engagent. Et, comme souvent, c’est dans le passage de l’un à l’autre que se joue le destin d’un pays.

Chiffres ou lettres ? Les chiffres impressionnent. Les lettres engagent. Et c’est là que le piège se referme : nous, peuple, on regarde les chiffres. Eux, au sommet, ils écrivent les lettres. Et souvent, les petites lignes en bas du contrat sont celles qui décident si le pétrole devient une bénédiction… ou une malédiction.

Alors, maximum de....concentration et surtout, maximum de.... vigilance !

BBF BABOU BIRAM FAYE