NETTALI.COM - Dans un entretien accordé à L’Observateur, l’économiste et vice-président du Laboratoire de recherches économiques et monétaires (LAREM), Dr Seydou Bocoum, livre une lecture détaillée du Plan de redressement économique et social présenté par le gouvernement.
S’il salue un document « techniquement bien structuré » et porteur d’une vision claire, l’expert souligne aussi ses fragilités : une orientation résolument néolibérale, centrée sur la réduction du déficit budgétaire, une austérité maîtrisée et une mobilisation accrue des ressources internes. « L’ambition est réelle, mais les hypothèses retenues sont très optimistes », prévient-il, évoquant notamment les limites d’une mobilisation fiscale dans un contexte marqué par l’informalité, la faible productivité et une défiance sociale croissante.
Un financement colossal, mais incertain
Le plan prévoit de lever 5 667 milliards de FCFA sur la période 2025-2028, dont 90 % proviendraient de ressources internes. Dr Bocoum juge cet objectif « théoriquement possible », mais difficilement atteignable sans réformes économiques profondes. Il met en garde contre le risque d’un accroissement excessif de la pression fiscale, notamment via de nouvelles taxes sur les transactions mobiles, qui pourraient frapper de plein fouet les populations les plus vulnérables et provoquer une forte résistance sociale.
« Sans amélioration tangible des services publics et une fiscalité plus équitable, ces mesures risquent de renforcer la défiance envers l’État », insiste-t-il.
Des priorités pour réussir la relance
Pour maximiser les chances de succès, l’économiste recommande plusieurs chantiers urgents : régler la dette intérieure, afin d’oxygéner les entreprises locales et relancer l’investissement privé, relancer l’investissement public stratégique, en ciblant l’agriculture, l’énergie, la logistique et l’industrie légère et créer une banque publique d’investissement, sur le modèle de la BPI française ou de la KfW allemande, pour financer sur le long terme des projets structurants adaptés aux besoins du pays.
Pour Dr Bocoum, la réussite de ce plan dépendra de trois leviers majeurs : une volonté politique affirmée, une capacité d’exécution renforcée et, surtout, une adhésion populaire encore loin d’être acquise.