NETTALI.COM - Critiques contre les magistrats, règlement intérieur de l’Assemblée nationale, ouverture du CSM, l’Union des magistrats du Sénégal (UMS) a décliné sa position, le samedi 9 Août, à l’occasion de son Assemblée générale. Son président, Ousmane Chimère Diouf a dans la foulée vigoureusement réaffirmé les limites constitutionnelles du contrôle parlementaire. En ligne de mire : la disposition du règlement intérieur de l’Assemblée nationale permettant la convocation de magistrats.

Lors de l’Assemblée générale de la structure, le président sortant, Ousmane Chimère Diouf, a donné les raisons de ce silence dans certaines situations. “La parole publique du magistrat, qu’elle soit orale ou écrite, doit se faire dans le respect des règles prévues par nos statuts. Le respect de ces principes justifie le silence du bureau, après le vote par l’Assemblée nationale de la loi portant règlement intérieur qui, dans une de ses dispositions, a prévu la possibilité pour le Parlement de convoquer les magistrats”.

En fait, estime Chimère, le magistrat doit, en toutes circonstances, éviter de verser dans le populisme. “Les principes gouvernant notre profession ne sont nullement conciliables avec le populisme”, a-t-il affirmé, invitant ses collègues à plus de prudence dans leur intervention dans l’espace public.

En effet, le magistrat ne peut alimenter le débat public par des prises de position contraires à son serment et doit attendre d’être saisi pour rendre sa décision. Il doit également éviter tout propos ou comportement qui pourrait être considéré comme irrespectueux envers les justiciables et faire preuve de retenue dans ses commentaires sur les réseaux sociaux”, requiert le ci-devant président de l’UMS. C’est tout le contraire d’ailleurs avec le politique qui, dans ses sorties médiatiques, est surtout dans la quête d’influence, de convaincre l’opinion.

Chimère Diouf avertit : “Dame Justice n’est ni avec ni contre personne. Elle ne peut donc jouer un rôle actif dans un permanent jeu politique fait d’attaques, d’instabilité, de polémiques, d’intérêts du moment à gérer en évitant en sa qualité d’arbitre, comme le rappelait notre éminent doyen Kéba Mbaye, de descendre dans l’arène pour y prendre des coups.”

Le magistrat, selon lui, doit rester insensible à ces attaques, puisqu’en tant qu’arbitre, il ne saurait descendre dans l’arène pour en découdre. Même si la tâche s’avère difficile, puisque ces attaques et invectives des politiques peuvent avoir un impact sur la perception de la justice.

Pour l’UMS, les critiques sont certes normales quand elles sont objectives, mais dans la plupart des cas, elles sont subjectives et injustifiées. “Nous sommes conscients que le peuple au nom de qui justice est rendue a parfaitement le droit de porter un regard critique sur la bonne marche de celle-ci, surtout que c’est lui qui subit les conséquences de l’application rigoureuse de la loi. Critique ne signifie, cependant pas discrédit et la frontière doit être clairement définie pour éviter tout dérapage”, lance le président Chimère, qui rappelle que “le système judiciaire est lui-même basé sur la critique, puisque les voies de recours ont été créées pour permettre au plaideur non satisfait d’une décision de saisir la juridiction supérieure”.

Règlement intérieur de l'Assemblée nationale

Un autre sujet qui a retenu l’attention des magistrats lors de l’Assemblée générale de l’UMS, c’est le règlement intérieur de l’Assemblée nationale. À ce propos, Ousmane Chimère Diouf a rappelé la décision du Conseil constitutionnel, tout en revenant sur un certain nombre de principes. Selon lui, la Constitution donne la prérogative au Parlement de contrôler l’action du gouvernement, d’entendre les membres du gouvernement, les directeurs généraux d’établissements publics, de sociétés nationales et d’agences par le biais de commissions parlementaires permanentes.

Si l’Assemblée a également la possibilité de créer des commissions d’enquête, il est aisé de constater qu’aucune disposition de la loi fondamentale ne lui donne expressément compétence pour entendre les magistrats dans l’exercice de leur fonction. Le règlement intérieur qui ne peut ni modifier ni contredire la constitution, bien qu’étant matérialisé par une loi organique, n’a pas pour autant valeur constitutionnelle”, met-il en garde, tout en affirmant que les magistrats entendent se conformer à la décision du Conseil constitutionnel.

Autre “vice” relevé par le président sortant de l’UMS, c’est que l’Assemblée nationale, pour convoquer un magistrat, devrait se contenter de demander l’autorisation d’un membre de l’exécutif, à savoir le ministre de la Justice, alors que le chef de la compagnie judiciaire est le premier président de la Cour suprême.

“Il est à préciser également que les magistrats de la Cour des comptes ne sont pas rattachés au département de la Justice, mais au ministère des Finances et du Budget, et que cette haute juridiction a également à sa tête un premier président”, souligne M. Diouf.

Enfin, ajoute-t-il pour déchirer définitivement le RI, “que vaudrait en droit une déclaration faite sous contrainte ? Et si la personne conduite manu militari à l’Assemblée refusait de faire une quelconque déclaration, quelle en serait la suite ?”.

Cela dit, malgré les nombreuses appréhensions, les magistrats ne revendiquent nullement une quelconque immunité. Contrairement à ce qui est faussement répandu au niveau de l’opinion et pouvant faire croire que le magistrat bénéficie d’une impunité totale, relève Chimère, la loi organique n°2017-10 du 17 janvier 2017 portant statut des magistrats a bien prévu la possibilité de les traduire en conseil de discipline, en cas de manquement à leurs obligations professionnelles. Mieux, en cas de commission d’une infraction, des poursuites sont bien possibles.Dialogue entre institutions.

Le dialogue entre institutions

Le dialogue entre institutions, selon Chimère Diouf, est donc nécessaire, dans un État de droit, encore faudrait-il que ce soit un dialogue, à savoir une volonté de collaborer dans l’intérêt général. “Nous insistons sur cet aspect pour dire que le link entre l’Assemblée et le Judiciaire existe bel et bien, puisque l’article 18 de la loi organique 2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême dispose clairement que saisie par le président de l’Assemblée nationale, après examen de la commission compétente, la Cour suprême réunie en assemblée générale consultative, donne son avis sur les propositions de loi qui lui sont soumises

Le Sénégal, ajoute-t-il, doit se satisfaire du fonctionnement normal de ses institutions, “puisque si l’initiative des lois appartient concurremment au président de la République, au Premier ministre et aux députés qui les votent, le contrôle de constitutionnalité de ces lois et leur application sont dévolues au Judiciaire à qui revient également le pouvoir de proclamer les résultats des élections présidentielles et législatives”.

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