Monsieur le Président,
Au moment où vous vous apprêtez à rencontrer le Président des États-Unis d’Amérique, je vous adresse cette lettre ouverte, non seulement pour saluer votre démarche souverainiste ouverte sur le monde, mais aussi pour vous proposer quelques pistes concrètes, ambitieuses et réalistes, qui pourraient faire de cette rencontre une étape historique dans les relations sénégalo-américaines.
L’industrialisation stratégique post-pétrole et gaz
Le Sénégal s’apprête à entrer dans l’ère pétrolière et gazière. Il est crucial que cette manne serve à bâtir une industrie nationale durable, au lieu de reproduire le schéma de dépendance. Dans ce cadre, proposez :
L’implantation d’usines chimiques (chemical plants) pour valoriser localement le gaz naturel, produire des engrais, et alimenter l’agriculture régionale ;
Le développement d’unités de transformation du zircon (utilisé en cosmétique, dentisterie et technologies de pointe), qui positionnerait le Sénégal comme acteur du tourisme médical, à l’image de la Turquie ;
Une joint-venture sénégalo-américaine dans l’industrie pharmaceutique et biochimique pour encourager la production locale de médicaments.
Un “Marshall Plan” pour le Sénégal
Inspiré du plan Marshall qui a reconstruit l’Europe, vous pourriez demander à l’administration américaine de lancer un programme spécial d’infrastructures et de digitalisation du Sénégal, incluant :
Le développement de corridors logistiques (routes, rails, ports) pour faire du Sénégal un hub régional ouest-africain ;
Le financement d’un port de classe mondiale à Bargny ou Saint-Louis, connecté aux États-Unis via des lignes maritimes dédiées ;
La création d’un centre technologique américano-sénégalais, accueillant des entreprises de la Silicon Valley désireuses de s’implanter en Afrique.
Coopération universitaire et transfert de savoir
Les grandes universités technologiques américaines (MIT, Stanford, Georgia Tech…) peuvent être encouragées à :
Ouvrir des départements satellites ou des campus au Sénégal, formant les talents africains sur place ;
Soutenir un programme d’échange élargi, avec des bourses ciblées pour les étudiants et chercheurs sénégalais dans les STEM (sciences, tech, ingénierie, mathématiques) ;
Aider à créer un centre de cybersécurité ou d’intelligence artificielle à Dakar, avec des standards américains.
Migration et diaspora : un levier économique
Vous pourriez obtenir des avancées concrètes pour la diaspora sénégalaise :
La régularisation temporaire (5 ans) des Sénégalais en situation irrégulière ayant une bonne conduite, en leur permettant de travailler et de contribuer à l’économie américaine ;
Une voie d’accès facilitée à la résidence légale pour les Sénégalais exemplaires établis aux USA ;
Des accords de mobilité professionnelle dans les secteurs où les États-Unis font face à une pénurie de main-d'œuvre (santé, tech, BTP, agriculture…).
Retour du MCA et traitement préférentiel
Vous pourriez demander :
Le retour du Sénégal dans le programme Millennium Challenge Account, suspendu pour des raisons conjoncturelles, malgré l’importance stratégique du pays ;
Une exemption spéciale fondée sur l’argument que le Sénégal reste une démocratie stable et un partenaire clé de la région ;
La mise en place d’un MCA Tech : une version dédiée au financement de la transformation numérique du Sénégal (e-gouvernement, inclusion numérique, start-ups…).
Un pont économique via les fuseaux horaires
Contrairement à l’Inde ou l’Asie, le Sénégal est à 4-5 heures de décalage horaire seulement avec la côte Est des États-Unis. Cette proximité temporelle est un avantage stratégique pour :
Délocaliser des centres d’appel, de services numériques ou de traitement de données au Sénégal ;
Faciliter la collaboration en temps réel entre les entreprises américaines et les talents sénégalais ;
Positionner le Sénégal comme une passerelle technologique vers l’Afrique francophone.
Conclusion
Monsieur le Président, votre démarche doit refléter une Afrique proactive et partenaire, non une Afrique qui mendie. Vous avez l’occasion de poser les jalons d’un nouveau contrat stratégique entre Dakar et Washington. Un partenariat basé sur les intérêts mutuels, le respect et la vision.
Dans cette optique, il est essentiel de rappeler que le Sénégal n’est pas simplement un ami des États-Unis, mais un véritable allié, au même titre que la Grande-Bretagne, Israël, l’Arabie Saoudite ou la France. Cette distinction ouvre la voie à une relation fondée sur la confiance stratégique, les engagements réciproques et la construction commune d’un avenir partagé.
Faites de cette rencontre un tournant. Le Sénégal a besoin de votre courage diplomatique pour négocier non pas de l’aide, mais des alliances stratégiques.
Respectueusement et patriotiquement,
Baba Aidara
Investigative Journalist