NETTALI.COM - Depuis son arrivée à la tête du gouvernement sénégalais, Ousmane Sonko s’est imposé comme le héraut d’un discours anti-système, souverainiste et panafricaniste, reprenant à son compte les références aux figures révolutionnaires africaines. Parmi elles, Thomas Sankara reste l’icône absolue d’une gouvernance sobre et d’un engagement anti-impérialiste sincère. Mais derrière la posture, les faits récents laissent poindre un décalage entre l’ambition proclamée et les réalités du pouvoir.
Deux discours, une même ambition : la rupture
Thomas Sankara : Président du Burkina Faso de 1983 à 1987, Sankara prônait une rupture radicale avec l’ordre néocolonial, une austérité dans la gestion de l’État et la moralisation de la vie publique. Refusant les privilèges, il avait interdit les voyages en première classe à ses ministres et rappelé avec ironie : « On arrive tous à destination à la même heure. »
Ousmane Sonko : Dans la même veine, Sonko a bâti son ascension politique en dénonçant les dérives des élites sénégalaises, la mainmise des puissances étrangères et les passe-droits fiscaux accordés aux groupes économiques proches du pouvoir. Son programme se voulait celui d’une gouvernance sobre, nationale et éthique.
Des actes qui fissurent la posture
Là où Sankara incarnait au quotidien ce qu’il prêchait, refusant voitures de luxe et résidences officielles excessives, des signaux discordants apparaissent déjà autour de Sonko. La récente information évoquant la mise à disposition d’un jet privé par un grand patron, en délicatesse avec le fisc sénégalais, interroge.
L’image devient lourde de symboles : la photo de Thomas Sankara ornerait-elle la cabine de ce jet privé ? Que reste-t-il alors de la promesse de rupture si le nouveau pouvoir s’appuie sur les mêmes réseaux et pratiques jadis dénoncés ?
Cette situation rappelle la formule bien sentie : « La posture n’est jamais loin de l’imposture. » Elle questionne la capacité d’un pouvoir issu de la contestation à résister à la douce ivresse des avantages et connivences qu’offre la fonction exécutive.
L’histoire enseigne que les pouvoirs révolutionnaires déçoivent souvent par leur incapacité à rester fidèles à leurs engagements initiaux face aux tentations du pouvoir et aux pressions de l’appareil d’État. Sonko, en flirtant avec des privilèges qu’il dénonçait, prend le risque de désacraliser son capital politique et de brouiller son image auprès d’une jeunesse et d’une opinion qui lui demandaient d’être le « Sankara sénégalais ».
Comparer Ousmane Sonko à Thomas Sankara, c’est opposer deux figures qui ont rêvé de rupture mais dont les trajectoires pourraient différer dans leur capacité à incarner leurs convictions. Sankara a assumé jusqu’à la fin sa ligne de conduite, en payant le prix ultime. Pour Sonko, les prochains mois diront s’il restera l’homme de la doctrine ou s’il cédera à l’ivresse du pouvoir qu’il conspuait hier.
L’histoire africaine est coutumière de ces rêves avortés. Le Sénégal ne peut se permettre de faire de la posture un énième masque d’imposture.