NETTALI.COM - Ce qui ressemble à un thriller économique aux ramifications entre Dakar, Dubaï et New Delhi s’apparente en réalité à un vaste système de blanchiment de capitaux et de fraude fiscale. La Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif) enquête sur des transactions suspectes impliquant près de 40 milliards Fcfa autour de sociétés spécialisées dans l’importation de riz.
C’est un scandale financier d’une ampleur inédite qui secoue actuellement le secteur du commerce alimentaire au Sénégal. Selon nos sources, la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif) a ouvert une enquête sur des transactions suspectes de près de 40 milliards Fcfa, effectuées en seulement huit mois, par des sociétés opérant dans l’importation de riz.
Au cœur de cette affaire : Prime Suarl, San Suarl et Saint-Louis Trading Sarl, trois entités dirigées par des ressortissants indiens, qui ont brassé des sommes colossales sans justification claire. Les investigations de la Centif révèlent que la majorité des flux financiers ne correspondaient pas aux volumes réels d’importations. À titre d’exemple, Prime Suarl n’aurait importé que 4813 tonnes de riz pour 613 millions Fcfa en 2016, loin des 39 milliards Fcfa transitant sur ses comptes.
Pire, les documents de justification des virements se sont révélés pour certains identiques, mot pour mot, pour des opérations pourtant distinctes. Face à ces incohérences, plusieurs banques ont exigé des retours de fonds.
Outre ces mouvements douteux, la Direction générale des Impôts et Domaines (Dgid) a confirmé que les dirigeants des structures sont inconnus de ses services fiscaux. Aucune déclaration fiscale n’a jamais été enregistrée à leur nom, en dépit de leurs activités commerciales substantielles.
Les fonds, pour une bonne partie en provenance de Dubaï via Terra Firma Commodities, ont transité sans respecter la réglementation de change de l’UEMOA. Pas de domiciliation bancaire, pas de déclaration de capitaux… autant d’indices qui orientent la Centif vers une hypothèse de blanchiment de capitaux et de dissimulation de revenus.
L’affaire dépasse les frontières sénégalaises. Des investigations ont été engagées en Côte d’Ivoire, en Turquie, en Inde et aux Émirats arabes unis. Mais, jusque-là, aucune des cellules de renseignement financier de ces pays n’a pu établir le profil ni l’historique des suspects.
Le fisc et les douanes sénégalaises ont été saisis pour vérifier la régularité des opérations commerciales et identifier les éventuelles infractions douanières, fiscales et de change. Ce dossier, qualifié de potentiellement explosif, pourrait bien faire date dans la traque des circuits financiers occultes dans la sous-région.