NETTALI.COM - De violents affrontements ont eu lieu aux alentours de la place de la Nation très tôt bunkerisée, le vendredi 9 février par les forces de l’ordre. Des échauffourées ont été signalées dans les rues adjacentes de la place avec des policiers faisant usage de grenades lacrymogènes et de grenades offensives contre des jets de pierres.

Le geste est sûr et la main ferme. En une fraction de seconde, l’amas de détritus, de branchages et de pneus se transforme en un brasier, dans cette petite ruelle sise Colobane menant à la place de la Nation. Autour de ce brasier une dizaine de jeunes se regroupent en scandant des slogans «Macky Sall Dictateur», «Macky Sall Dictateur», avant de tenter de prendre d’assaut le dispositif de la police anti-émeute situé un peu plus loin. Ils sont vite repoussés par des jets de grenades lacrymogènes et des tirs de grenades offensives.

Ici, les FDS font tout pour disperser les manifestants venus dénoncer le report de la présidentielle. Quelques manifestants téméraires tentent de revenir à la charge en jetant des pierres sur les forces de l’ordre qui leur barrent l’accès vers la place de la Nation. Une fumée noire et épaisse s’élève rapidement au-dessus du quartier Colobane. Le quartier prend des airs de ville morte. Des commerces et des boutiques ont dû fermer les volets face à la déferlante de violence. Les affrontements y sont très rudes. Les policiers soutenus par les éléments de la Brigade d’Intervention polyvalente (BIP) entament une course-poursuite avec les manifestants. Pantalon jean, baskets aux pieds, pull avec capuchon sur la tête et masque sur le nez, Moussa Sarr affiche une détermination sans faille. «Nous ne voulons plus de Macky Sall, il a tué notre démocratie en reportant l’élection présidentielle. Nous resterons là jusqu’à ce qu’il quitte le pouvoir», vocifère-t-il deux grosses pierres dans les deux mains.

Les routes jonchées de pneus et de pierres ne facilitent pas la progression des policiers d’élite. Chaque rassemblement de personnes devient une cible pour les FDS. Le bruit strident du drone éveille la curiosité du voisinage. Cette stratégie de bunkeriser la place de la Nation a laissé le champ libre aux manifestants qui ont aussi barré des rues menant à la Mosquée Massalikoul Djinane et près du boulevard du Canal 4.

Il faut dire que la place de la Nation a rapidement pris les allures de camp retranché. Des barrières installées en plein milieu des allées Charles de Gaulle, des canons à eau et des blindés positionnés au milieu de la place et toutes les voies d’accès verrouillées par un peloton de Groupement mobile d’Intervention (GMI), les policiers empêchent tout attroupement aux abords de la place. « Rentrez chez vous », nous hurle un officier qui veut empêcher toute personne de s’approcher de barrière de sécurité près du rond-point au niveau de l’ambassade de Mauritanie.

Des détonations résonnent près du boulevard Gueule Tapée. Du côté de la Medina et du quartier Gibraltar, c’est le même spectacle. Le mobilier urbain n’a pas résisté à la furia des manifestations. Les policiers positionnés sur des pick-up blancs sillonnent les rues sinueuses de cette partie de la Medina à la recherche de protestataires. Leurs véhicules se faufilent entre les divers obstacles : grosses pierres, poteaux métalliques, arbres calcinés et des détritus encore fumants pour tenter d’appréhender les manifestants les plus récalcitrants. Les habitants présents sur les terrasses et devant leurs portes servent de guetteurs aux manifestants.

Journalistes brutalisés par les forces de l’ordre

En ce milieu d’après-midi, la tension est palpable. Les forces de l’ordre sous forte pression ne font plus la distinction entre passants et journalistes. Chaque volonté de prendre un son ou des images se heurte à l’intransigeance des policiers qui s’empressent de disperser tout attroupe- ment à coup de grenades lacrymogènes. Des forces de l’ordre sur les nerfs n’hésitent à s’en prendre aux professionnels de l’information. Ainsi deux de nos consœurs de Seneweb (Absa Hane) et d’AD Tv (Isabelle Bampoky) sont prises pour cibles. La première victime de la brutalité des forces de l’ordre est malmenée par les limiers avant d’être interpellée dans l’exercice de son métier. D’après les dernières informations, la journaliste de Seneweb a été admise aux urgences à la suite de son arrestation. Tandis que la seconde est touchée par une grenade lacrymogène.

Fin d’après-midi, le soleil continue de dorer la place de Nation. La situation semble être maîtrisée par les forces de l’ordre qui permettent aux passants de rejoindre la route menant vers la marche de Colobane. Une accalmie envahit la zone. Quelques rares voitures slaloment entre les obstacles en direction du marché Fass. La circulation est rétablie sur certains axes laissant présager la fin des hostilités dans la zone.

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