NETTALI.COM - Mardi 12 décembre, lors de l’audience du procès opposant Ousmane Sonko à l’État autour de sa radiation des listes électorales au tribunal d'instance de Dakar, les plaidoiries ont été âpres entre les avocats de l’État du Sénégal et ceux d’Ousmane Sonko . Au terme d’une journée chargée, le juge a décidé de rendre publique sa décision le 14 décembre 2023.

Avant même le début des plaidoiries, une dispute a éclaté entre les deux parties sur le temps imparti pour plaider. Au nombre de 35, les représentants de l’opposant ont vu d’un mauvais œil que le juge accorde le même temps de parole (4 heures) à toutes les parties, au moment où les avocats de l’État sont au nombre de 5. D’ailleurs, l’un d’entre eux a accusé le juge de prendre parti. Ce à quoi ce dernier a répondu : "Je ne vous permets pas de dire que j'ai pris parti. Vous ne me connaissez pas. Retirez ces propos !"

C’est Me Ousseynou Fall qui a lancé les premières hostilités pour le compte de la plaidoirie des avocats d’Ousmane Sonko. Il a fait remarquer : "la première entorse à la défense, c'est de limiter les droits du prévenu afin qu'il ne soit pas défendu comme il le faut. L'État qui s'oppose à ce droit légitime n'a pas sa place ici, ni l'agent judiciaire qui le représente. Pour exercer une action en justice, il faut avoir l'intérêt à agir. Quel est le grief que l'État peut nous opposer ? Ici, c'est l'esprit de Macky Sall qui n'a pas digéré que sa troisième candidature soit écartée et il a juré d'écarter Ousmane Sonko. Il s'acharne sur lui en créant toutes sortes de problèmes et comme il n’y arrive pas, il a rendu juridiques les choses."

Il sera conforté par Me Ndoumbé Wane qui estime qu"il n’y a pas eu d’acte de notification. Ce qui veut dire que l’État agit comme il le veut. Sonko a été informé de sa radiation par son mandataire Ayib Daffé. Vous aviez une décision de contumax ; il faut le faire comme le dicte la loi. Il a été arrêté avant les délais. Ce qui a anéanti les décisions de contumax".

C’est sur ces arguments que s’est basé Me Saïd Larifou, septième avocat de Sonko. Selon lui, l’opposant n’est pas en conflit avec l’État du Sénégal, mais avec certains agents de l'État qui utilisent tous les moyens pour le démolir. "Certains agents du Sénégal sont en train de démolir la démocratie du pays. Il n’y a pas eu de décision de radiation. Sonko est vic- time d’un abus de pouvoir par des agents de l’État. Ce qui me choque et qui me révolte, c’est la précipitation des procédures et diligences pour arriver à leur fin. C’est malsain comme procédure et ça n'honore pas du tout le Sénégal. La décision de radiation n'existe pas. La signification n'a pas été faite. Monsieur le Président, la dimension juridique doit l’emporter sur le dossier et vous avez la matière pour le faire”.

Un autre moment fort de la plaidoirie des avocats du maire de Ziguinchor fut l’intervention de Me Massokhna Kane qui a demandé au juge de déclarer nulle la radiation de Sonko. Car l’Administration, pour l’éliminer, s’est acharnée sur Ousmane Sonko à travers combines et magouilles. "Il y a de faux PV qui ont été produits et fabriqués par la police, mais ils ont été démentis le 30 septembre par l’huissier qui est parti et qui est revenu dire qu’il n’y a pas eu d’affichage. C’est tellement grossier. Il n'y a absolument aucune décision de radiation et il n’y a pas eu d’acte de notification de radiation. Ce qu’on peut dire, c’est qu’il y a eu un acte abusif et irrégulier de la part de la DGE envers Sonko. Qu’il pleuve ou qu’il neige, Ousmane Sonko sera candidat".

Lors du jugement du 12 octobre au tribunal de Ziguinchor, le juge Sabassy Faye avait soulevé un vice de procédure pour écarter la radiation administrative d’Ousmane Sonko qui, selon lui, n’a pas respecté l’article 311 du Code de procédure pénale (CPP). Constatant qu'en l'espèce, aucune preuve des formalités qui permettent d'appliquer la déchéance n'a été versée à la procédure, le président du tribunal d’instance de Ziguinchor avait jugé que la demande du requérant est juste et fondée, et que la mesure de radiation du nom de Ousmane Sonko des listes électorales est irrégulière.

Par contre, les avocats de l’État ont cité les articles 622 et 623 du Code procédure pénale qui ne citent pas l’impératif de notifier directement à Ousmane Sonko l’acte de sa radiation, tout en soutenant que l’huissier a usé d’autres moyens indiqués par la loi pour faire parvenir l’acte à qui de droit. Ils ont également indiqué que M. Sonko, de par les documents produits par ses avocats pour argumenter leur recours devant certaines juridictions comme la Cour de la CEDEAO, a prouvé qu’il était bien au courant de sa radiation par voie de presse, citant notamment des articles de presse du quotidien “Yoor-Yoor” et du magazine “Jeune Afrique” (l’entretien avec Ismaïla Madior Fall, ministre des Affaires étrangères parlant de contumace).

Pour répondre aux arguments des avocats de Sonko selon lesquels la contumace a anéanti son jugement dès son arrestation, les avocats de l’État ont insisté sur le fait que le juge du tribunal d’instance de Dakar n’avait pas compétence à se prononcer sur l’effectivité de la contumace.

Estimant que l’Administration a respecté les formes dans la procédure de radiation du chef de l’oppo- sition, la défense de l’État a misé sur la forclusion de la demande faite par Ousmane Sonko qui n’aurait pas respecté les délais. Ainsi, estiment-ils, "entre le 19 et le 24 août, aucun acte de recours n’a été fait. L’huissier a fait son rôle. Donc, nous considérons qu’il y a forclusion. Monsieur Sonko avait un délai pour agir, il ne l’a pas fait. Son inactivité a eu des conséquences et il a été sanctionné par la loi. L’autorité qui a radié Sonko s’est conformée aux règles. Sonko n’a pas justifié de moyens sérieux pour sa retraite des listes électorales. Toutes ses tentatives vont échouer, parce qu'elles sont mal fondées".

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