NETTALI.COM - Sir Robert « Bobby » Charlton est décédé ce samedi 21 octobre à l’âge de 86 ans. Gloire de Manchester United, le footballeur avait conduit la sélection d’Angleterre jusqu’à son unique titre mondial en 1966, année où il conquit également le Ballon d’Or. Le milieu de terrain avait auparavant survécu au terrible crash qui décima les Red Devils en 1958. 

Berceau du football, l’Angleterre a connu bon nombre de joueurs prestigieux, stars parmi les stars et icônes générationnelles. Ils ne sont toutefois qu’une poignée à avoir soulevé la fameuse Coupe du monde. C’est l’un des privilèges qu’a connu Sir Bobby Charlton, légende du ballon rond, disparu ce 21 octobre 2023.

La grande époque des « Busby Babes »

Le 11 octobre 1937, Robert « Bob » et Elizabeth « Cissie » Charlton accueillent leur deuxième enfant. Après John « Jack », né deux ans plus tôt, la famille s’agrandit avec la naissance de Robert « Bobby », qui se voit attribuer le prénom de son père. Le nouveau-né voit le jour à Ashington, dans la banlieue de Newcastle, au sein d’une famille où le football est roi. Sa maman est la sœur de Jack, George, Jim et Stan Milburn, ainsi que la cousine de Jackie Milburn, tous footballeurs confirmés. Jackie est d’ailleurs l’un des plus grands joueurs à avoir porté le maillot de Newcastle United.

Mais ce n’est pas du côté des Magpies que Jack et Bobby Charlton trouveront leur voie. Le premier restera 23 ans à Leeds United, tandis que le second se tournera vers l’un des plus grands clubs du monde. Adolescent, il est repéré en 1952 par l’un des scouts de Manchester United. « J’avais 15 ans. À l’époque, on pouvait abandonner l’école à cet âge-là. J’ai répondu positivement parce que j’étais fou de football, et c’était le premier club à m’avoir demandé », confiera-t-il à l’historien Claude Boli (Manchester United, l’invention d’un club, Éditions de La Martinière).

Manchester United est alors entraîné par Matt Busby, technicien écossais qui mise beaucoup sur la détection de jeunes talents. Bobby Charlton fait partie de ceux que l’on nommera les « Busby Babes ». En 1956, le milieu offensif fait ses débuts avec les Red Devils et fait forte impression. Manchester United est alors un club à succès et la voie vers les sommets semble toute tracée pour le jeune Charlton. Mais son début de carrière va être marqué par un drame.

Survivant de la tragédie de Munich

Lors de la saison 1957-1958, Manchester United est le premier club anglais à participer à la Coupe des clubs champions européens, l’ancêtre de la Ligue des champions. En tant que fleuron du football au Royaume-Uni, l’institution mancunienne se veut ambitieuse. En quarts de finale aller, elle domine l’Étoile rouge de Belgrade. Puis, le 5 février, Manchester revient de Yougoslavie avec un match nul et la qualification pour le dernier carré en poche.

L’histoire bascule tragiquement le lendemain, le 6 février 1958 : l’avion qui ramène le club mancunien s’écrase au décollage de l’aéroport de Munich-Riem, en Allemagne. Le bilan est terrible. Sur les 44 personnes qui se trouvaient à bord, 23 perdent la vie. L’équipe de Manchester United est décimée : huit joueurs meurent, dont plusieurs « Busby Babes », ainsi que trois membres du staff technique.

Bobby Charlton, âgé de 20 ans, survit miraculeusement. Alors qu’il est inconscient, victime d’un choc à la tête, son coéquipier Harry Gregg vient à son secours. Sa blessure n’est pas grave, mais le traumatisme profond. Des décennies plus tard, le footballeur confiera à la BBC : « J’ai juste eu la chance d’être assis à la bonne place. Nous n’avons jamais quitté le sol, nous sommes entrés dans une maison et dans plusieurs obstacles. C’était un cauchemar. »

L’entraîneur Busby est gravement blessé, mais en réchappe aussi. Malgré la tragédie de Munich, le coach et le joueur unissent leurs forces dans un seul objectif : reconstruire le club. « Je suis tombé amoureux de Manchester United pendant le peu de temps que j’y avais passé. Je me demandais ce qui allait advenir, comment nous pourrions nous en remettre. Mais il le fallait. Nous devions faire cet effort », expliqua Charlton.

1966-1968, les années grandioses

Petit à petit, les Red Devils renaissent de leurs cendres dans les années 1960, avec Bobby Charlton en maître à jouer. En 1965, douze ans après son dernier sacre, le club redevient champion d’Angleterre. Un an plus tard, c’est l’apothéose : à domicile, l’Angleterre est enfin sacrée championne du monde face à l’Allemagne (4-2 après prolongation). Accompagné de son grand frère Jack, défenseur central, Bobby soulève le trophée de la Coupe du monde 1966 à Wembley. En fin d’année, il est le deuxième joueur anglais à remporter le Ballon d’Or, après Stanley Matthews en 1956.

Bobby Charlton entre un peu plus dans la légende du football en 1968, dix ans après le drame de Munich. Pour la première fois de son histoire, Manchester United est sacré champion d’Europe après sa victoire contre Benfica (4-1 après prolongation), à Wembley à nouveau, avec notamment un but du Nord-Irlandais George Best et un doublé signé du capitaine Charlton, alors à son firmament. L’emblème des « Busby Babes » et ses coéquipiers dédieront leur victoire aux disparus de 1958. La reine Elizabeth II, elle, anoblit l’entraîneur, désormais Sir Matt Busby.

Élégant, gentleman, surdoué, Bobby Charlton est, à cette époque-là, une icône du football. « Personne n’a autant approché la perfection que lui », dira Sir Matt Busby. Sir Alex Ferguson, autre mythique entraîneur de Manchester United entre 1986 et 2013, déclarera que Charlton « représente tout ce qu’il y a de grand dans le sport ».

La légende anoblie par la reine

C’est en 1973, à l’âge de 36 ans, que Bobby Charlton fait ses adieux à Manchester United. Pendant des décennies, il en restera le joueur le plus capé (758 matches) et le meilleur buteur (249 buts) avant d’être dépassé par Ryan Giggs (963 matches) et Wayne Rooney (253 buts). L’attaquant garda aussi longtemps le record de réalisations sous le maillot de l’Angleterre (49 buts), avant de voir Wayne Rooney (53), puis Harry Kane faire mieux (61 buts). Une fois les crampons raccrochés, il tentera une brève et modeste carrière d’entraîneur et occupera un poste d’administrateur et d’ambassadeur de Manchester United.

Le 11 juin 1994, Bobby Charlton est à son tour anobli par Elizabeth II et obtient le titre de Sir, en même temps que l’acteur Alec Guinness et le chef d’orchestre Simon Rattle. Parmi ses multiples récompenses, l’ancien footballeur fut notamment nommé en 2009 « citoyen d’honneur de Manchester », ville qu’il a toujours eu chevillée au corps.

Affaibli par une santé fragile, Sir Bobby Charlton fut moins visible durant les dernières années de sa vie. Fin 2020, sa famille révéla qu’il était atteint de démence, maladie qui toucha d’autres champions du monde 1966. Avec sa disparition, c’est un monument du football qui tire sa révérence. Mais l’histoire demeure. De son vivant, Manchester United l’a dépeint comme un « immense personnage », « un lien entre le passé, le présent et le futur ». Un symbole immortel.