NETTALI.COM - Ils étaient quatre ministres en costume-cravate, pour faire face à la presse nationale et internationale, à la Primature, ce jeudi, et faire le point sur les récents événements tragiques qui ont secoué le Sénégal. Condamné dans le cadre du procès l’opposant à Adji Sarr, pourquoi Sonko est-il confiné chez lui ? Qu’est-ce qui explique les barricades devant la maison du leader de Pastef ? Qui sont les nervis qui ont infiltré les manifestations ? Autant de questions auxquelles le gouvernement a apporté des réponses.

Ce jeudi le gouvernement, sous l’égide du Premier ministre, a fait face à la presse, à la Primature, pour apporter des éléments de réponse sur les récents événements tragiques qui ont secoué le Sénégal. Quatre ministres ont été dépêchés pour faire le point : Amadou Ba, Ismaïla Madior Fall, Félix Antoine Diome et Abdou Karim Fofana. Condamné par contumace dans l’affaire Sweet Beauté, Ousmane Sonko est confiné chez lui sous haute surveillance policière. Ira-t-il en prison ? Pourquoi sa maison sise à Keur Gorgui est-elle toujours barricadée ? Moult questions se posent. “La décision est en cours de rédaction par la justice. Et il ne nous appartient pas de dire à la justice : ‘Allez, faites vite !’ Non. Elle est indépendante ; elle fonctionne à son rythme”, a d’emblée soutenu le ministre de la Justice, garde des Sceaux. Donc, note Ismaïla Madior Fall, il faut que la décision soit disponible. Lorsqu'elle est disponible, il faut qu'elle lui soit notifiée. Une fois que la décision lui est notifiée, lui-même, condamné, peut se constituer prisonnier. Il y a une deuxième possibilité. Le parquet, qui a la charge d'exécuter la décision de justice, peut aller arrêter Ousmane Sonko et l'amener en prison, pour exécuter la décision de justice. Pour le troisième élément, une fois que lui-même se constitue prisonnier ou que le parquet aille le quérir pour le mettre en prison, il a dix jours pour acquiescer à la condamnation, explique le ministre de la Justice. C'est-à-dire, dix jours pour dire : “Je suis d'accord avec la condamnation” ou alors contester la décision. Auquel cas, il peut être rejugé par la même juridiction, voire la même composition. Dans ce cas, il peut y avoir une confirmation du premier jugement ou une infirmation.

Barricades

Concernant les barricades autour de la maison du leader de Pastef, Félix Antoine Diome a donné des explications. Après avoir indiqué que le gouvernement ne laissera pas Sonko faire ce que bon lui semble, il a expliqué que les voies qui mènent à sa maison sont barricadées dans le cadre du maintien de l’ordre. “Il y a des restrictions qui, dans le cadre du maintien de l'ordre, peuvent lui être appliquées. Il y a le principe de la réversibilité. Ce qui veut dire que c’est progressif. Ce n’est pas quelque chose de statique. C’est dynamique. Si l’on en arrive à un moment où il faut enlever les barrières ou laisser les personnes circuler, on le fera. Mais, en cas de nécessité, on n’hésitera pas, que ce soit au niveau de ce quartier de la cité Keur Gorgui ou même dans une autre partie du territoire, à prendre les dispositions qu’il faut”, a soutenu le ministre de l’Intérieur. S’agissant des émeutes de début de juin, “EnQuête” informait, dans son édition d’hier, que le parquet veut faire porter le chapeau des dégâts causés au leader de Pastef. La déclaration du Premier ministre d’hier est allée dans ce sens. En effet, après avoir souligner que le pays a vécu des moments tragiques à travers des manifestations violentes qui ont entraîné des pertes en vies humaines, des blessés et une destruction sans précédent de biens publics et privés, il a ajouté : “Ces manifestations font suite au prononcé du verdict du procès opposant monsieur Ousmane Sonko à mademoiselle Adji Sarr portant sur une accusation de viol et de menace de mort, précédée par les appels du leader du parti Pastef à un ‘Mortal Kombat’, à la résistance. Aussi, a-t-il lancé un appel à tous ses militants et sympathisants de rallier Dakar pour engager le ‘combat final’ et ‘déloger le président Macky Sall du palais”. Pour l’heure, Amadou Ba annonce l’ouverture d’enquêtes pour déterminer les causes des décès et situer les responsabilités. Il déplore les violences, les destructions de biens publics et privés qui “ont des répercussions négatives et un coût considérable qui mettent en péril les emplois, les entreprises locales, tout comme les partenaires de pays amis et l'activité économique en général”. “Nous condamnons sans réserve toute forme de violence, de vandalisme et de destruction. Ces actes ne peuvent en aucun cas être justifiés ; ils ne font qu'aggraver les tensions et peuvent engendrer des divisions au sein de notre société”, a-t-il martelé.

Nervis

Le gouvernement a été également interpellé par rapport aux vidéos montrant des nervis qui ont sévi lors des manifestations. À ce sujet, le ministre de l’Intérieur a pointé du doigt les réseaux sociaux. Il a déclaré que s’ils constituent un formidable outil de diffusion d’information, ils constituent également une sorte de fléau des temps modernes, selon l’usage qu’on en fait. Ainsi, Félix Antoine Diome a dénoncé une manipulation des images montrant les nervis armés opérer aux côtés des FDS. “Lorsqu’une vidéo est diffusée, on peut tout de suite, par des techniques, changer son contenu ou faire dire à une vidéo authentique ce qu’elle n’a pas dit”, a-t-il pesté. Ainsi, selon lui, seules les enquêtes permettront de déterminer réellement ce qui s’est passé. “Quand il y a une controverse sur un tel sujet, quel doit être le rôle de l’État ? Ça ne doit pas être passif. Les enquêtes détermineront la vérité. Après, chacun donnera sa part de vérité. Si je parle au nom de la police, on dira que je prêche pour notre chapelle. Je connais le contenu de ces vidéos. Et je peux vous dire que c’est une collecte qui a été faite régulièrement par les services techniques de la police”, a défendu M. Diome.

Déstabilisation

D’ailleurs, le Premier ministre considère que les manifestations violentes observées en début juin traduisent “une entreprise de déstabilisation”. Celles-ci, dit-il, ont commencé avec une cyberattaque et se sont poursuivies par des tentatives malveillantes de destruction et de sabotage d’infrastructures vitales et essentielles pour notre pays : dépôts de carburant, usine d’eau, centrale électrique, etc. “Il existe plusieurs éléments factuels qui suggèrent des indices graves et concordants de l’existence d’une stratégie de manipulation visant à commettre des infractions contre l’autorité de l’État et l’intégrité du territoire national. En effet, de façon graduellement préméditée et pour brouiller les repères informationnels, sont supprimées ou discréditées dans certains médias et dans les réseaux sociaux les informations pouvant créer un système de référence authentique et permettre la comparaison et l’expression du sens critique”, a-t-il déclaré. Amadou Ba d’ajouter que le gouvernement est déterminé à faire la lumière sur les événements récents et à traduire en justice ceux qui ont commis des actes répréhensibles. “Nous nous engageons résolument à ce que toutes les personnes impliquées dans ces violences répondent de leurs actions”, a-t-il averti.