NETTALI.COM - Le naufrage du bateau le Diola avait officiellement fait 1863 morts et des disparus. Un chiffre que les associations de victimes ont eux, évalué à plus de 2000 victimes. Mais à l’arrivée, il n’ y a  pas eu de vrais responsables. C’est comme s’il ne s’était rien passé. Il a juste suffi d’une indemnisation de 10 millions de francs par victime avant que le dossier ne soit rangé dans les tiroirs. Et les Sénégalais, même après avoir dit "plus jamais ça", avaient repris leurs bonnes vieilles habitudes en continuant à utiliser les transports et à rouler sur les routes dans une totale insouciance. Pour un naufrage considéré comme l’un des plus meurtriers du monde, avouons que c’est un peu bizarre comme posture.

Récemment sur la VDN, c’est un camion sans frein qui a mortellement fauché un agent de l’Usaid qui se rendait sur son lieu de travail, avant de prendre la fuite. Un accident qui a eu lieu dans des circonstances similaires, avait été enregistré sur la même VDN, quelques jours avant.

De quoi s’interroger sur les enseignements que les Sénégalais tirent de ces accidents qui surviennent sous nos cieux. De mémoire d’homme, jamais un accident de la route n’a été aussi meurtrier.

Présent à Kaffrine où il s’est rendu ce dimanche 8 janvier après l’accident tragique survenu à Sikilo qui a coûté la vie à 39 personnes, le chef de l’Etat Macky Sall a annoncé que l’Etat du Sénégal apportera tout le soutien nécessaire aux familles des victimes. Il a en outre assuré que des mesures urgentes seront prises à l’issue du conseil interministériel qui se tiendra ce lundi 9 janvier estimant que la situation ne peut perdurer.

La question dès lors, est de savoir quand le gouvernement se décidera-t-il à enfin agir et à se montrer plus ferme sur le sujet de la sécurité routière et de la réglementation du transport au Sénégal ?

Il faudra en tout cas voir appliquer des mesures strictes pour pouvoir croire à une quelconque action du gouvernement car si l’on se souvient bien, un tel conseil interministériel avait été tenu en 2017, suite à un accident meurtrier qui avait causé 13 morts. Et à l’époque, 10 commandements avaient été retenus dans le sens de règlementer davantage les visites techniques et les mesures de sécurité. Mais, en fin 2021, alors que les mesures allaient commencer à être appliquées, une grève menée par les syndicalistes, Gora Khouma et Compagnie, deux jours durant, avait eu raison de la volonté du gouvernement de poursuivre dans le sens de l’application de ces mesures. L’on venait aussi de sortir de la Covid 19 et de ses désagréments et l’Etat avait cru devoir reculer.

Des accidents sur les routes sénégalaises, il y en a presque tous les jours et il en sera ainsi pendant longtemps si les autorités ne prennent pas des mesures drastiques en veillant davantage à la sécurité routière et au respect strict du code de la route. Les 600 morts enregistrés annuellement, suite à des accidents de circulation ne peuvent pas continuer.

A la vérité, au Sénégal, le transport privé refuse de se moderniser. Il fonctionne en effet comme une activité dans laquelle les propriétaires n’ont qu’une seule vocation, celle de gagner de l’argent. Paient-ils seulement des impôts ? Investissent-ils seulement dans le renouvellement du parc automobile ?  Ils ne se soucient point des voyageurs. Ces derniers n’ont qu’à trinquer, s’entasser dans les véhicules, subissant la loi du surnombre et de la surcharge. A voir par exemple les taxis se plaindre d’un système de transport alternatif notamment Yango et d’autres systèmes de transport similaires basés sur l’utilisation d’applications , l’on note bien qu’ils sont désarmés pour pouvoir soutenir la concurrence pour un secteur en grande partie envahi par l’informel. Un système de transport dont il sera de plus en plus difficile de gérer les dérives de ces anarchistes de conducteurs qui ne respectent aucune règle. L’indiscipline, immaturité de certains chauffeurs, l’irrespect du code de la route comme règle, conduite en état d’ébriété, pneus souvent usés, etc Autant de maux qui gangrènent le transport de voyageurs !

Comment par exemple comprendre que des véhicules qui ne sont pas destinés au transport de voyageurs, soient détournés à ces fins ? L’exemple le plus frappant est ces cars Ndiaga Ndiaye et cars rapides destinés à la base au transport de marchandises. Pour des véhicules tels que les cars rapides qui datent du siècle dernier, avouons tout de même qu’il est bizarre de les voir réussir à se faire admettre au contrôle technique !

Que penser des bus horaires ? On peut aujourd’hui les trouver à tous les coins de rue de Dakar, alors que la gare des baux maraîchers a été érigée, il n’y a guère longtemps dans le sens de gérer le flux des départs et arrivées à Dakar. Comment a-t-on pu leur permettre de prendre à bord des passagers et de rouler à n’importe quelle heure de la nuit ? Le hic est que ces véhicules sont eux aussi, modifiés dans le sens de contenir des bagages sur le toit. Ce qui aboutit inéluctablement à leur déséquilibre. Autre inconvénient noté, c’est le fait que les couloirs soient éliminés pour servir de places assises. Ce qui crée de fait, des risques énormes pour les passagers en cas d’accident, car ces couloirs devaient être utilisés pour servir d’issues de secours.

C’est l’état des véhicules de transport de manière générale qui laisse à désirer.  Qu’ils soient taxis jaune-noir, bus horaires, cars rapides, Ndiaga Ndiaye, « War Gaïndé », camions transportant les bonnes femmes se rendant au marché au poisson, clandos, camions benne, etc.

Tout cela montre en réalité que le système de transport dans son ensemble, est à revoir. Ce qui veut dire que même les programmes infrastructurels mis en place, à grands renforts de milliards, est en totale inadéquation avec les moyens de transport vétustes.

Aujourd’hui, c’est le phénomène des « Tiaks Tiaks » qui pollue davantage la vie des sénégalais sur les routes. Difficile en effet de cohabiter avec ces motos sans plaque qui n’ont d’autre recours que de fuir lorsqu’ils occasionnent un accident. Ces jeunes anarchistes devant l’éternel, ne respectent rien et le respect du code de la route, est loin d’être leur souci.

Il y a en effet de quoi s’interroger sur ce qui ne va pas dans cette société et qui empêche les autorités d’assumer leurs responsabilités. Car à chaque fois que l’on pense qu’un accident est suffisamment grave pour enfin servir de prétexte pour définitivement sévir en prenant des mesures strictes, rien ne se produit si ce n’est l’oubli avec le temps.

Le Sénégal a cette particularité, celle d’être un pays peuplé de gens capables de s’émouvoir au moment des événements malheureux, en remettant tout entre les mains de Dieu, comme s’il y avait une force qui les guidait vers cette fatalité. Comme si la réduction des accidents ne devait pas dépendre uniquement d’un contrôle technique strict, d’un octroi rigoureux et sérieux du permis de conduire et d’un respect strict des règles du code de la route.

Il est en tout cas grand temps que les gouvernants fassent preuve de courage et de détermination en cassant ce système de transport anarchique, archaïque et conservateur. Et pour cela, il faut que les autorités s’appliquent d’abord les règles avant de pouvoir les imposer aux autres. Qu’elles commencent d’abord par croire aux mesures qu’elles déclarent vouloir prendre pour lutter contre l’insécurité routière. C’est seulement en ce moment-là que les Sénégalais les croiront.